La musique a-t-elle assassin� la po�sie ?

Bonne question. Car tout semble confirmer sa mort. Plus personne ne la lit. Plus personne ne la publie. On s'en souvient vaguement. C'�tait il y a longtemps. " Je fais souvent ce r�ve �trange� ", et compagnie. Seules trois grandes maisons persistent : Gallimard,  P.O.L. et Flammarion. Avec des tirages qui font rougir les plantages romanesques : 500 exemplaires, pour les plus successful. Une goutte d'eau, quoi.

Bien s�r, la po�sie n'a jamais envahi les �talages des librairies. Mais la crise de la po�sie fran�aise est bien plus profonde qu'une simple marginalisation quantitative. C'est une crise �volutive. Une crise d'identit�. De petites guerres, comme souvent. Le vers rythm� est jug� ringard. Des intuitions plus curieuses prennent davantage de place, comme l'Action Po�tique. On en arrive parfois � des aberrations criardes. Mais, chut, il s'agit de po�sie.
Pour nous, c'est la musique qui a pouss� la po�sie dans une fosse. La vari�t�. Elle a r�cup�r� en douce les rimes et le mauvais go�t. On ne lit plus de po�sie. On se contente de l'�couter.

Et c'est justement � travers la musique que les po�tes ressuscitent. Notamment � travers toute la tradition des paroliers et des troubadours. On pense � Pr�vert, bien entendu. On pense � Boris Vian dont on ne parle pas assez. Boris Vian, visionnaire. On pense aussi aux po�tes plus r�cents. De plus en plus d'�crivains travaillent pour des musiciens. C'est le cas de Djian qui a �crit des textes pour St�phane Eicher. D�jeuner en paix. Le cas de Labro pour Johnny Hallyday. Rushdie pour U2. Etc, etc. M�me Sartre claquait des doigts pour Juliette Greco dans les fifties : " Dans la rue des Blancs-Manteaux / Ils ont �lev� des tr�teaux / Et mis du son dans un seau / Et c'�tait un �chafaud�".

C'est dans ce contexte-l� que Houellebecq rencontre Burgalat pour mettre en musique, � partir de 1998, certains de ses po�mes : " Tout a lieu, tout est l�, et tout est ph�nom�ne / Aucun �v�nement ne semble justifi� / Il faudrait parvenir � un c�ur clarifi� ". Ce type de rencontre pourrait m�me constituer une particularit� fran�aise. Dans la m�me direction, Dantec r�cite des paroles de Deleuze sur des musiques de Richard Pinhas. Etc, etc.

Pour ceux qui persisteraient encore � croire que la po�sie se lit, Gallimard sort ce mois-ci un excellent recueil d'Andr� Velter. Pour les autres, on vous laisse sur un extrait de Boris Vian. Fermez les yeux, �a sonne en jazz et en javanaise :

"J'suis Snob,
C'est vraiment le seul d�faut que j'gobe.
Ca demande des mois de turbin,
C'est une vie de gal�rien,
Mais quand j'sors avec Hildegarde
C'est toujours moi qu'on regarde.

J'suis Snob... foutrement snob.
Tous mes amis le sont, on est snob, et c'est bon !"
Etc, etc.

                                                                       F.Z.

* merci au tr�s bon site de Michelle Levy pour ses photos : www.multimania.com/houellebecq
 

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