25 Juillet 2004

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Mausol�e est votre troisi�me roman. Quelque chose a chang� depuis votre premier ? Dans la fa�on d'�crire, dans la mani�re d'�tre inspir�e ?

J'ai �crit mon premier roman sans penser m�me que j'�tais en train d'�crire, dans un �tat d'innocence si l'on puit dire. M�me si je l'ai ensuite retravaill�, j'ai toujours eu cette impression de ne pas croire vraiment que ce serait un livre. Je ne sentais aucun enjeu. Le second a �t� douloureux, pr�cis�ment parce que l�, l'enjeu �tait fort, parce que je me savais observ�e. Le troisi�me s'est �crit dans une urgence pour moi-m�me et sans la pens�e d'un r�sultat. Il s'est �crit dans une grande s�r�nit� ce qui peut para�tre assez paradoxal puisque par ailleurs, il est �chevel� comme un polar. J'esp�re garder toujours cettte disponibilit�, cette absence de souci du bien faire, du bien plaire.

Magda, l'h�ro�ne du roman, on a souvent l'impression que c'est vous ?

Ni Magda ni Sylvain ne sont moi et bien entendu, ils sont moi mais le fou Hfayet, c'est moi aussi. Cette id�e de vouloir retrouver � tout prix un �crivain dans un personnage m'a toujours paru �trange. Tout simplement sans doute, parce que en tant que lectrice, elle ne m'a jamais effleur�e. Bien s�r, je suis n�e en Tunisie et je n'aurais pas pu �crire ce livre si je n'avais pas d'affinit�s fortes avec ce pays. Mais je me dis que l� n'est pas l'enjeu. Un journaliste m'a dit, ce livre pourrait se passer � Marseille ou dans le Lot, l'essentiel de ce qui y est dit serait similaire. J'ai trouv� cette remarque tr�s juste. Le livre pose entre autres une question : que faire de son enfance ? Que faire des souvenirs fabriqu�s, de la mythologie familiale ?

C'est un pays meurtri par les combines et la violence que vous d�crivez� ?

C'est exact. C'est ce que j'ai senti en y allant, mais ce serait vrai de bien d'autres pays. La Tunisie est une dictature. Et la dictature est palpable dans les regards baiss�s, dans le silence, dans cette impression d'�touffement pour qui n'est pas seulement dans la posture du touriste, du Tintin au pays des Soviets.

J'en viens aux personnages : pensez-vous que l'on puisse qualifier la relation entre Magda et Sylvain d' " incestueuse " au moins d'un point de vue psychologique ?

La situation est donn�e : Magda a cinq ans de moins que Sylvain, elle a failli mourir b�b�. Le p�re qui a des difficult�s � assumer sa place confie sa fille � son fils a�n�. Si la relation est incestueuse, incestuelle serait sans doute plus juste, chacun est libre d'observer ce qui se passe dans les relations qu'il entretient avec sa famille et de la qualifier comme telle. Moi, je la d�cris comme forte, c'est s�r, mais je ne la juge pas.

Pourquoi avoir choisi de parler � la premi�re personne ? Est-ce un choix conscient ou spontan� ? Pensez-vous qu'une narration � la troisi�me personne aurait alt�r� une intimit� entre Magda et le lecteur ?

Votre question est curieuse et merveilleuse. Myst�re de la lecture...Tous les chapitre qui concernent Magda sont �crits � la troisi�me personne ! Cela n'a pas emp�ch� l'intimit� avec le lecteur que vous �tes. Le lien avec le lecteur n'a rien � voir avec l'usage d'une premi�re personne ou d'une troisi�me. Je n'ai, pour ma part aucune intimit� partag�e avec Catherine Millet qui �crit � la premi�re personne et qui jure que ce je est bien elle et qu'elle dit la v�rit�, toute la v�rit�, alors que je peux ressentir un partage tr�s fort avec... Emma Bovary.

Peut-on dire que Mausol�e est un livre triste ? Un roman qui d�montre l'absurdit� de la nostalgie ?

Si ce livre d�montre l'absurdit� de la nostalgie, et je n'en suis pas si s�re, je ne crois pas que cela puisse �tre qualifi� de triste. Ce qui peut rendre triste , peut -�tre, c'est le fait qu'il montre, entre autres, la vanit� des illusions. Reste la vie, le pr�sent. Moi, je trouve �a plut�t gai m�me si c'est au prix de d�chirures. La lucidit� est la blessure la plus proche du soleil, disait Char. Ce vers de lui me revient soudain, je vous le livre.

Et la m�moire qui est ici un leitmotiv, qu'en pensez-vous ? Elle n'est jamais r�elle, toujours perfor�e d'interf�rences fictives que nous nous plaisons � imaginer ?

Mais une m�moire r�elle, est-ce que cela a un sens ? La m�moire surtout celle qui concerne des souvenirs plus ou moins lointains est une fantastique reconstruction. Tout le monde le sait bien. Chacun a l'exp�rience d'avoir racont� un souvenir avec la certitude de dire la v�rit� et s'�tre entendu dire par un t�moin de ce souvenir : mais non, voyons, ce n'est pas ainsi que cela s'est pass�. Cela donne le vertige, mais c'est ainsi. Voil� pourquoi , je choisis d�lib�r�ment la fiction et je dis de Mausol�e comme des autres romans que j'ai �crits que ce sont des romans justement... parce que comme chacun, je me raconte des histoires.

J'en arrive � l'�criture. Elle est particuli�re, les phrases sont courtes, assez minimalistes en fait. Est-ce un style spontan� ou qui a exig� de vous un travail formel intense ?

Dans Mausol�e, je ne crois pas que le style soit toujours minimaliste. Il y a m�me des phrases tr�s longues, une par exemple, d�s la premi�re page. Le style s'adapte au propos. Il ne surgit pas � priori. Je ne me dis pas : Je faire expr�s d'�crire des phrases longues ou des phrases courtes. Mausol�e est sans doute , un texte tr�s rythm�. L'essentiel du livre est une course poursuite mais dans les moments d'arr�t quand la respiration est plus lente, les phrases peuvent se d�ployer. Ceci dit, sur l'�criture, la musique, j'ai encore beaucoup � apprendre, � chercher. Et cela me r�jouit que rien jamais ne soit acquis d'avance.

Vous �tes �galement professeur de lettres modernes. Que r�pondriez-vous � un �tudiant qui vous demanderait : " Quelle est la recette d'un bon roman ? "

Je suis depuis trois ans professeur � l'�cole des Arts Appliqu�s Duperr�. Mes �tudiants ne me poseraient jamais cette question parce que me connaissant un peu, ils sauraient qu'ils ne pourraient attendre de moi nulle r�ponse. Aux enfants qui m'ont pos� cette question au cours de mes visites dans les classes pour les romans que j'�cris � l'�cole des loisirs, je r�ponds ceci : que faut-il faire pour devenir un bon footballeur ? Ils r�pondent sans h�siter, jouer au football, tous les jours, s'entra�ner, s'entra�ner et aimer �a. Alors, je leur dis, �tre un joueur de foot ou un �crivain, c'est la m�me chose mais l'avantage quand on est �crivain, c'est que l'on peut jouer beaucoup plus longtemps.

Propos recueillis par Céline Mas


Lire la critique de Mausol�e

 
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