#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Entretien avec Paul Marchand


Qu'est-ce qui vous a pouss� � raconter un inceste en vous posant en simple rapporteur d'une histoire ?



Les deux premiers textes que j'avais r�dig�s (Sympathie pour le diable chez Florent Massot, et Ceux qui vont mourir chez Grasset, ndlr) portaient sur ma vie. Je voulais �crire quelque chose pour voir si j'�tais un �crivain ou pas. Et quand j'ai sorti Ceux qui vont mourir il y a deux ans, j'ai re�u la lettre d'une femme. Je l'ai rencontr�e, et elle a commenc� � me raconter son histoire, je l'ai laiss�e parler. Au d�but, je l'ai pouss�e � r�diger �a elle-m�me : elle ne voulait pas. Jusqu'au jour o� elle m'a dit : "Vous n'avez qu'� le faire vous-m�me". Son histoire �tait tellement hallucinante, tellement belle, exceptionnelle et douce, qu'apr�s quelques v�rifications journalistiques, je me suis dit que j'allais le faire. C'est une bonne transition avant de faire un livre par moi-m�me, l� o� je saurai si j'ai l'imagination n�cessaire.




Pour vous, un �crivain doit-il n�cessairement faire preuve d'imagination ?



Il me semble, oui, ou alors on rentre dans le truc o� on raconte sa vie. Mais c'est d'un narcissisme ! Ecrire sur sa vie quand elle n'a rien d'exceptionnel, c'est tr�s chiant. Qu'on se serve de deux ou trois �l�ments de sa propre vie pour b�tir une essence, oui, mais �crire syst�matiquement sa propre vie me para�t d'un ridicule ! Je serai s�r d'�tre �crivain le jour o� je tiendrai des personnages. Plus question de parler des pays en guerre dans lesquels je travaillais avant, parce que je n'ai plus � rien dire dessus.



Vous avez vid� votre sac ?



Je pourrais d�lier mais ce serait absurde. Pour l'instant, je suis en train de penser � un prochain roman. J'ai d�j� un th�me. J'aimerais traiter de la vanit�, de l'orgueil parce que j'ai vu beaucoup, beaucoup de cadavres, et que la finalit�, c'est �a : on va tous se d�composer, on va tous puer. Vouloir autant de choses, l'�tre et le para�tre pour finir en merde, c'est quand m�me tr�s exceptionnel !


D�sormais, votre regard sur l'inceste a-t-il chang� ?



D�s le d�but, j'avais d�cid� de ne pas parler sur le fond. Etant elle-m�me magistrate quand elle a commenc� dans l'instruction, elle m'a dit "J'ai vu ce qu'on appelle des incestes, et ce ne sont pas des incestes, mais des viols collectifs : une fois le p�re et une fois l'homme". Elle fait bien la distinction. Apr�s, quel est le probl�me si ce sont deux adultes consentants qui s'aiment ? Si vous me posez la question de deux personnes majeures qui ont grandi ensemble, je vous dirai que �a ne me pose aucun probl�me pour la simple raison que je ne veux pas rentrer dans les histoires d'amour entre des personnes qui sont adultes et respectables. Ce qu'elle me disait, si un jour une limande tombait amoureuse d'une bicyclette , je trouverai �a beau. La formulation m'avait surpris, mais c'est vrai.



Votre pass� de grand reporter vous inspire-t-il une certaine nostalgie des �crivains-journalistes � la Camus ?



Non. C'est une profession pour laquelle j'ai le plus profond m�pris, pleine de connards et d'incultes. 90 % de ceux qui vont, soi-disant sur les conflits sont des couillons. N'importe qui peut raconter n'importe quoi. Je suis rest� huit ans sur Beyrouth, et je n'ai jamais su qui avait tort ou qui avait raison, alors que des journalistes font des articles avant m�me de partir. Ceci dit, c'est un pass� que je ne renie pas. Je veux simplement que ce ne soit plus � l'arri�re de mes livres pour que ce ne soit plus carictural.



La mort de Patrick Bourrat ne vous a pas touch� ?



Ce sont les gens de TF1 qui l'encensent. Une cha�ne qui est tout de m�me le paroxysme de la m�diocrit�. Bourrat �tait une sorte de fumiste, comme d'autres. Pendant le Kosovo, il a manqu� d'�tre vir� parce qu'il �tait une sorte de petit escroc. �a, vous pouvez le retranscrire, �a ne me pose pas de probl�me parce c'est vrai. Il avait factur� en note de frais la location d'un h�licopt�re de l'arm�e fran�aise ! C'est dramatique : un homme est mort, mais j'en ai rien � foutre. C'�tait un brave gar�on tellement con qu'il en est mort. Je n'ai pas de respect pour ce personnage-l� et tr�s peu de journalistes en ont. Il n'a jamais mis les pieds en Tch�tch�nie alors qu'il �tait correspondant � Moscou, et �a, c'est scandaleux. Le traitement romanesque de TF1 correspond bien � leur habitude de jouer sur l'�motion.



Votre titre, inspir� d'une chanson de Brel, vient-il en clin d'oeil aux vingt-cinqui�me anniversaire de sa mort ?



Non. Je n'avais pas de titre et la fille restait fig�e sur ces quatre vers l� : Mais ces deux d�chir�s / Superbes de chagrin / Abandonnent aux chiens / L'exploit de les juger. Elle s'identifiait � ce texte qu'il avait �crit aux Marquises, pour son dernier album. Ceci dit, Brel est un chanteur que j'�coute toujours.



Le personnage de Beno�t ressemble � la premi�re personne de Ceux qui vont mourir avec ce m�me d�tachement par rapport � la vie ...



Je ne sais pas. Tous ceux qui se flinguent ne sont pas des d�sesp�r�s. J'ai tent� de me mettre � sa place en imaginant que cette histoire f�t r�v�l�e, et j'imagine combien �a a pu �tre dur. Beno�t s'est retrouv� devant un dilemne assez simple : soit sa fille biologique d�clarait qu'elle aimait cet homme et, dans ce cas, il �tait foutu, soit il se flinguait. Apr�s, est-ce qu'on tient � la vie ou pas ? Tout ce que je sais, c'est que la mort m'a reli� � cette fille. Aujourd'hui, je sais qu'elle pense avoir tu� quelqu'un.



J'abandonne aux chiens l'exploit de nous juger, Paul M. Marchand
Grasset
216 pages, 14,90 �

Propos recueillis par Ariel Kenig


 
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