Joëlle Losfeld, édition d'un malfaiteur...
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S’il l’avait connu, Alexandre Dumas aurait probablement
ajouté Gaspard de
Besse à ses héros de cape et d’épée, ancêtre d’Arsène Lupin
dans la plus pure tradition du
gentleman cambrioleur, et remis au jour par Jacques Bens. Une
existence à voir sur France
2 et à lire chez Joëlle Losfeld. Rencontre avec l'éditrice.
Pourquoi avoir choisi de republier ce type de textes, d’un
genre populaire à la
tradition un peu délaissée aujourd’hui ?
Joëlle Losfeld : Pour moi, cette tradition ne s’est jamais
perdue, que ce soit en
tant que lectrice ou éditrice puisque j’ai continué à publier ce
genre de romans
régulièrement comme La Baronne trépassée de Ponson
du Terrail ou Les
Aventures du capitaine Corcoran de Assolant. J’ai toujours
aimé cette littérature où
l’on ne s’ennuie pas, insolente, au ton virulent et corrosif à
l’égard du pouvoir en place. Le
roman populaire a d’ailleurs été souvent une sorte de
contre-pouvoir. C’est la première
fois que je publie Jacques Bens, aujourd’hui décédé, et je
compte bien recommencer,
probablement des nouvelles. Jacques Bens est un écrivain très
intéressant, un « Oulipien »,
qui a participé à l’écriture du Dictionnaire de l’Oulipo avec
Raymond Queneau,
qu’il connaissait très bien, ainsi que Georges Perec, toute cette
bande-là… D’après sa
femme, il avait un vrai désir de renouer avec le roman populaire
dans sa dimension de
cape et d’épée, et a trouvé son bonheur grâce à gaspard, ce
personnage réel de bandit
désintéressé, Robin des Bois ne s’attaquant qu’aux riches et
qui est une bascule au
pouvoir de l’époque. Il avait envie d’allier à ça une belle histoire
d’amour (comment c’est
souvent le cas dans la tradition populaire, voyez Dumas…) qui
sous-tend de fait tout son
livre. Non, vraiment Gaspard le Bandit fut pour moi une
découverte qui m’a enchantée!
Lorsque vous avez décidé de republier ce livre, vous saviez
qu’une adaptation serait proposée ?
JL : Absolument pas ! J’avais acheté les droits avant de
savoir que l’adaptation
était en tournage car les droits du film avaient été cédés avant
que j’intervienne. Du coup
je n’ai pas du tout suivi le tournage mais j’ai demandé en
revanche de pouvoir mettre une
photo du film sur ma couverture, ce qui m’a été accordé. Il est
intéressant d’ailleurs de
constater que même si le téléfilm n’a pas encore été diffusé, le
livre se vend déjà
régulièrement. Quant au film lui-même, si j’ai été d’abord
surprise de voir un Gaspard de
Besse de 40 ans (car il est sensé en avoir 15 dans le roman !),
j’ai très vite oublié ce détail
tant l’interprétation de Jean-Hugues Anglade est formidable :
peu importe l’âge d’ailleurs,
il est avant tout crédible et c’est le droit du cinéma de se
réapproprier une histoire à sa
convenance.
Justement, vous même, que pensez vous de l’adaptation
des romans en général ? B>
JL : Comme je le dis plus haut, l’écriture
cinématographique a le droit, voire
même doit, prendre ses distances avec le texte narratif dont elle
s’inspire. C’est une autre
travail et le mot adaptation dit bien son rôle, « adapter » un
roman est en retranscrire si
possible l’esprit, mais pas forcément le reste. D’ailleurs, j’ai
souvent trouvé les
adaptations faisant presque du mot-à-mot peu réussies. Ce
n’est pas du tout une trahison
mais l’expression d’un autre point de vue, celui du réalisateur
qui saura alors montrer son
originalité.
Vous avez vu le film, Jean-Hugues Anglade nous évoquait
tout à l’heure les difficultés
d’adaptation du dialogue pour qu’il soit le plus réaliste possible
par rapport à l’époque,
tout en étant lisible aujourd’hui : un pari réussi selon vous ?
JL : Assurément ! Non seulement l’esprit du livre est
respecté mais la restitution
au cinéma des dialogues est tout à fait correcte. A aucun
moment je n’ai eu l’impression
d’avoir un langage archaïque, où l’on sente l’effort de
transposition. Ceci étant, l’écriture
de Jacques Bens lui-même associait le côté populaire de la
langue de l’époque et un
langage moderne par l’humour qui s’en dégage. Après tout, les
romans populaires c’est
un peu ça : des textes moqueurs présentant une histoire
sérieuse mais racontée avec
humour…
Propos recueillis par Maïa Gabily.
Gaspard Le bandit, de Jacques Bens,
Editions Joelle Losfeld, 353 pages, 18 euros.
Zone Littéraire correspondant
Joelle LOSFELD
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
ajouté Gaspard de
Besse à ses héros de cape et d’épée, ancêtre d’Arsène Lupin
dans la plus pure tradition du
gentleman cambrioleur, et remis au jour par Jacques Bens. Une
existence à voir sur France
2 et à lire chez Joëlle Losfeld. Rencontre avec l'éditrice.
Pourquoi avoir choisi de republier ce type de textes, d’un
genre populaire à la
tradition un peu délaissée aujourd’hui ?
Joëlle Losfeld : Pour moi, cette tradition ne s’est jamais
perdue, que ce soit en
tant que lectrice ou éditrice puisque j’ai continué à publier ce
genre de romans
régulièrement comme La Baronne trépassée de Ponson
du Terrail ou Les
Aventures du capitaine Corcoran de Assolant. J’ai toujours
aimé cette littérature où
l’on ne s’ennuie pas, insolente, au ton virulent et corrosif à
l’égard du pouvoir en place. Le
roman populaire a d’ailleurs été souvent une sorte de
contre-pouvoir. C’est la première
fois que je publie Jacques Bens, aujourd’hui décédé, et je
compte bien recommencer,
probablement des nouvelles. Jacques Bens est un écrivain très
intéressant, un « Oulipien »,
qui a participé à l’écriture du Dictionnaire de l’Oulipo avec
Raymond Queneau,
qu’il connaissait très bien, ainsi que Georges Perec, toute cette
bande-là… D’après sa
femme, il avait un vrai désir de renouer avec le roman populaire
dans sa dimension de
cape et d’épée, et a trouvé son bonheur grâce à gaspard, ce
personnage réel de bandit
désintéressé, Robin des Bois ne s’attaquant qu’aux riches et
qui est une bascule au
pouvoir de l’époque. Il avait envie d’allier à ça une belle histoire
d’amour (comment c’est
souvent le cas dans la tradition populaire, voyez Dumas…) qui
sous-tend de fait tout son
livre. Non, vraiment Gaspard le Bandit fut pour moi une
découverte qui m’a enchantée!
Lorsque vous avez décidé de republier ce livre, vous saviez
qu’une adaptation serait proposée ?
JL : Absolument pas ! J’avais acheté les droits avant de
savoir que l’adaptation
était en tournage car les droits du film avaient été cédés avant
que j’intervienne. Du coup
je n’ai pas du tout suivi le tournage mais j’ai demandé en
revanche de pouvoir mettre une
photo du film sur ma couverture, ce qui m’a été accordé. Il est
intéressant d’ailleurs de
constater que même si le téléfilm n’a pas encore été diffusé, le
livre se vend déjà
régulièrement. Quant au film lui-même, si j’ai été d’abord
surprise de voir un Gaspard de
Besse de 40 ans (car il est sensé en avoir 15 dans le roman !),
j’ai très vite oublié ce détail
tant l’interprétation de Jean-Hugues Anglade est formidable :
peu importe l’âge d’ailleurs,
il est avant tout crédible et c’est le droit du cinéma de se
réapproprier une histoire à sa
convenance.
Justement, vous même, que pensez vous de l’adaptation
des romans en général ? B>
JL : Comme je le dis plus haut, l’écriture
cinématographique a le droit, voire
même doit, prendre ses distances avec le texte narratif dont elle
s’inspire. C’est une autre
travail et le mot adaptation dit bien son rôle, « adapter » un
roman est en retranscrire si
possible l’esprit, mais pas forcément le reste. D’ailleurs, j’ai
souvent trouvé les
adaptations faisant presque du mot-à-mot peu réussies. Ce
n’est pas du tout une trahison
mais l’expression d’un autre point de vue, celui du réalisateur
qui saura alors montrer son
originalité.
Vous avez vu le film, Jean-Hugues Anglade nous évoquait
tout à l’heure les difficultés
d’adaptation du dialogue pour qu’il soit le plus réaliste possible
par rapport à l’époque,
tout en étant lisible aujourd’hui : un pari réussi selon vous ?
JL : Assurément ! Non seulement l’esprit du livre est
respecté mais la restitution
au cinéma des dialogues est tout à fait correcte. A aucun
moment je n’ai eu l’impression
d’avoir un langage archaïque, où l’on sente l’effort de
transposition. Ceci étant, l’écriture
de Jacques Bens lui-même associait le côté populaire de la
langue de l’époque et un
langage moderne par l’humour qui s’en dégage. Après tout, les
romans populaires c’est
un peu ça : des textes moqueurs présentant une histoire
sérieuse mais racontée avec
humour…
Propos recueillis par Maïa Gabily.
Gaspard Le bandit, de Jacques Bens,
Editions Joelle Losfeld, 353 pages, 18 euros.
Zone Littéraire correspondant
Joelle LOSFELD
Ed.
0 p / 0 €
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Last modified onmercredi, 10 juin 2009 22:42
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