Prix Wepler

Reportages


« Pour ce qui est de notre appartenance à la langue et à la littérature française, naturellement, nous leur appartenons. En cime, en plein ciel, face à l’avenir, à l’inconnu, à la nuit. » Ces quelques mots de Francis Ponge traduisent bien l’état d’esprit de ce prix fondé il y a cinq ans, et qui couronne au mois de novembre une œuvre de fiction publiée entre avril et octobre de la même année.

Le prix Wepler – Fondation La Poste est doté de 9150 euros. L’objectif du prix ? Redonner à la butte Montmartre, qui accueillait Max Jacob, Francis Jammes, Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine, Henry Miller et bien d’autres, une aura littéraire et libertaire à la fois. Rendre un hommage neuf, complètement objectif et libre (principe du jury tournant), à un auteur de talent qui n’est pas encore consacré. Privilégie le mot et le style.

Le souci de différentiation des membres de son jury les conduisent à instaurer un prix hors catégorie : la mention 3050 euros, destinée à récompenser une œuvre marquée par une audace, une singularité résolument en dehors de toute visée commerciale.

Et l’autre soir, au Wepler, la Librairie des Abbesses était de la partie évidemment (rappelons l'adresse : 30 rue Yvonne le Tac, 18e), se trouvant elle aussi à l’origine de la création du prix. Alliance pas si commune que ça dans le petit monde littéraire, entre une librairie devenue un véritable lieu de rencontre et de conseil rive droite, la Poste (ne l’oublions pas, principal neuro-transmetteur des lettres, qui peuvent aussi être considérées comme constitutives d’une des facettes de la littérature), et une célèbre brasserie de la place de Clichy.

Organisé par Nathalie Jungerman (secrétaire générale), le jury est composé de cette dernière, de Marie Rose Guarniéri (Présidente du Prix et Reine des Abbesses), de Sébastien Drouet (journaliste au Magazine Littéraire), Patrick Navaï (La Poste), Pascal Thuot (librairie Mille Pages), Pascale Casanova (journaliste à France Culture), Jean-Michel Djian (journaliste à Télérama), Corinne Amar (écrivain), et Philippe Blanc (bibliothécaire) du côté des professionnels ; tandis que trois lecteurs « tournants » se joignent à la décision (Elisabeth Joël, Clara Madec, Sophie Narcisse, Rémi Rousseau).

La sélection fut nombreuse et pertinente, comme toujours.

Quatre que la critique littéraire avait déjà remarqués : Grégoire Bouiller (Rapport sur moi chez Allia, Prix de Flore 2002), Eric Chevillard (Du Hérisson chez Minuit), Denis Grozdanovitch (Petit traité de désinvolture chez Corti) et Jean-Marc Lovay (Asile d’Azur chez Zoé).
Une sélection éclectique, qui couvrait un large panel des maisons d’éditions aux lignes variées : ainsi Nicole Caligaris (Barnum des ombres aux éditions Verticales) était nominée aux côtés d’un Thierry Beinstingel (Composants, quant à lui chez Fayard).
Quelques maisons avançaient aussi par paire, cette année. Ainsi, avions-nous deux Gallimard : Dominique Barberis (Les Kangourous, dans la collection l’Arpenteur) et Eugène Ebodé (La Transmission) ; deux Denoël : Marcel Moreau (Corpus Scripti) et Vincent de Swarte (Lynx, qui avait eu la mention Wepler 1999 pour son Requiem pour un sauvage) ; et deux Maurice Nadeau : Simon Nizard (Les mains de Fatma) et Christiane Spianti (Au large de Venise).

Nous avions trois favoris de notre côté, des auteurs que Zone Littéraire a déjà soutenus et sur qui nous gardons un œil plus qu’attentif depuis près de deux ans déjà. Ces trois auteurs n’ont pas remporté le prix, mais le talent de Philippe Besson (L’Arrière-saison chez Julliard), de Dany Laferrière (Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ? au Serpent à Plumes) et de Richard Morgiève (Ce que Dieu et les anges chez Pauvert, mention en 2000 pour Ma vie folle) est à souligner. Entre la sensibilité impeccable du premier, l’humour poétique du deuxième et l’intensité écorchée du troisième, notre cœur balançait...

C’est finalement Marcel Maureau qui a remporté les honneurs. Après avoir compacté la foule entre deux coupes de champagne et trois plateaux de fruits de mer servis à volonté, les organisateurs du prix ont annoncé les deux bonnes nouvelles. L’événement est une opération à saluer bien bas pour son esprit d’indépendance et d’ouverture, pour son intégrité, enfin pour les têtes qu’elle a couronnées et qui démontrent un véritable souci de sélectivité, qualité et de détournement des codes littéraires convenus.

Une soirée qui s’est terminée dans la joie et la bonne humeur, dans des danses effrénées auxquelles les garçons de café n’ont pas hésité à se joindre une fois le service terminé…

Zone Littéraire correspondant



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Last modified onlundi, 11 mai 2009 21:51 Read 3128 times