Dans le cinéma aussi bien que dans la littérature, les Etats-Unis tiennent leur rang de puissance mondiale. Mais avec plus de talent qu’on ne leur en prête. Partant de rien mais sûre de son but, l'Amerique survole-t-elle la littérature internationale en classe business ou First? America First L'Amérique n'a rien inventé. Elle a juste été découverte. Alors pourquoi s'est elle si longtemps cabrée sur ses origines, elle qui n’a pas de séculaires Tristan et Yseult ou de Chanson de Roland à mettre sous la dent de ses écoliers? Ses grands anciens sont Zane Grey ou Mark Twain, Jack London, Fenimore Cooper, ou même Edgar Rice Burroughs -papa de tarzan et auteur de westerns-. Autant de tenants du roman d’aventure, mythe fondateur des USA quand ils n’étaient qu'un territoire sans frontières. Les plus vieux ont deux siècles: passé l’Atlantique, ces patriarches sont des jeunots. Difficile de n’être pas adossé aux siècles pour écrire : alors plutôt que ressentir le poids des souvenirs, la littérature américaine se projette. Pour sacrifier au cliché, on séparera les écrivains de l’Amérique des grands espaces, des bagarres et des amitiés viriles et ceux qui se cantonneraient à la littérature « à l’européenne », plus réflexive et sentimentale. Avec comme archétypes Jim Harrisson, James Ellroy ou Ernest Hemingway d’un côté et de l’autre Henry James, Paul Auster, Saul Bellow ou Philip Roth, alternativement chroniqueurs ou détracteurs de l'homo americanus, ce sacré garnement. Conter sans compter Cette vision caricaturale de la littérature américaine a malheureusement la vie dure, au risque d’oblitérer les talents naissants, qui ne se préoccupent ni de polar plombé ni de chromos burinés avec les grands espaces en toile de fond. Et ces jeunes pousses tiennent souvent la dragée haute à beaucoup de nos auteurs bien sous tous rapports. Quand on ne peut se souvenir, on invente et on raconte : c’est l’art bien américain du "storytelling". Passé le style, pas vendeur, reste la narration. Outre atlantique, le bouquin est un produit comme les autres, ce qui autorise les plus grandes libertés artistiques et les plus viles dérives mercantiles. La France ne s’est pas encore "déniaisée" de ce point de vue : elle sacralise encore l’objet culturel par des aides spécifiques, comme l’intermittence ou la TVA à taux réduit. Foin de tout cela chez l'Oncle Sam où la culture est une conquête, pas une identité. Ou plutôt par ce qu’elle ne définit son identité que dans la conquête. No pain no Gain. Le succès et son dégueulis de chiffres, de bilans comptables sont donc l’alpha et oméga de la production artistique outre atlantique. Mais il y a un petit accroc au manichéisme de rigueur. Une fois assumée la mainmise de l’ultralibéralisme dans le marché de l’édition américaine, une constatation s’impose : cela n’empêche pas le génie d’exploser. Stars are born David Foster Wallace, Jonathan Franzen, Jonathan Coe ou JT Leroy sont là pour en témoigner. Et lorsque le cinéma indépendant s'empare de cette littérature, la boucle est bouclée. Ainsi certains comme Jeffrey Eugenides avec Virgin suicides adapté par Sofia Coppola, ou Palahniuk et son Fight club ont été redécouverts et sont aujourd'hui plus attendus que jamais. Malheureusement, ce circuit alternatif a aussi ses ratés. L'hyper talentueux Jonathan Safran Foer (décidemment les Jonathan) et son Tout est illuminé ne connaitront pas au cinéma la belle carrière d'un Fight Club. L'adaptation cinéma de Liev Schreiber, encore à l'affiche dans l'Hexagone, n'a bénéficié que d'une sortie technique avec un nombre de copies réduit à peau de chagrin, alors que le film est un chef d'oeuvre. Malgré ce hoquet, on voit quand même émerger d’authentiques talents, à l’originalité météorique. Qui s’en plaindrait ? L’ultra-libéralisme porte en germe un paradoxe : il contient une obligation de résultat parfois catastrophique –les exemples sont nombreux et souvent best sellers- mais, corollaire, une liberté de moyen rafraîchissante. Mark Z. Danielewsky et son objet littéraire hallucinant la maison des feuilles , le crient. Mais ce modèle artistique et économique n'est pas le nôtre. Les yeux de plus en plus énormes dans le bouillon de la culture américaine, dessine un développement finalement très parallèle à celui de la France, aux mains des seuls Hachette et Vivendi. Même si les germanopratins tiennent encore bon la barre de la littérature à la française, force est de constater que le modèle américain s'exporte bien en France. Le pire serait il à venir? Un peu maso, nous sommmes plus américanophiles qu'ils ne daignent être francophiles: Le très new yorkais Bruce Benderson, lauréat du prix de Flore en 2004, est là pour en témoigner. L'exception française a décidément la vie dure. Charles Patin o'Coohoon
Laurent Simon
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