" Baudelaire en peinture", tel pourrait être l'intitulé de l'exposition qui se déroule au Musée des Beaux-Arts de Lyon jusqu'au 22 septembre. En effet, au-delà de l'intérêt que le poète portait à certains peintres de cette école (Corot en particulier), l'objet de toutes les attentions des peintres présentés (Millet, Michel, Barye, Diaz de la Peña,...) recoupe celui qui occupe une grande partie de l'oeuvre de l'auteur : la nature – "La Nature est un temple où de vivants piliers /...". Au début du XIXème, l'Italie suscite toutes tes attentions : le Grand Prix du paysage est créé à Rome. L'épreuve, à la difficulté drastique, nécessite une longue préparation. Presque naturellement, Aligny, Coignet ou Corot se réfugient en forêt de Fontainebleau auprès de l'un des meilleurs enseignants en paysage. Il s'agit non seulement pour eux de jouir à portée de main d'une diversité naturelle extraordinaire (roches, arbres en tous genres, ciels,...) mais aussi, à l'exemple de Corot, de s'y régénérer artistiquement : le paysage historique qui reste l'apanage de cette génération puise ses ressources dans ces nombreuses études "in vivo" réalisées autour de Barbizon. L'école apporte un complément au travail ultérieur en atelier, méthode de tradition néoclassique. Néanmoins, à partir de 1830, la primauté du paysage historique est remise en question par l'émergence d'une nouvelle génération anglaise. Le souffle romantique opère. "Si tel ensemble d'arbres, de montagnes, d'eaux et de maisons, que nous appelons communément un paysage, est beau, ce n'est pas par lui-même, mais par moi, par ma grâce propre, par l'idée ou le sentiment que j'y attache." Ainsi Charles Baudelaire donne la clef de cette exposition. Le talent du peintre jaillit quand il intègre ses sentiments jusque dans sa technique. "Le Chêne de roches", de Théodore Rousseau, sans dire qu'il préfigure l'impressionnisme, illustre tout du moins la liberté avec laquelle la représentation d'un paysage est possible. En marge, alors que Corot ne rompt pas avec le récit, sa "Solitude", recomposée en atelier, montre combien l'artiste exploite la singularité de sa perception du monde. Ainsi, la centaine de tableaux exposés donne un panorama pictural de ce qui se faisait à l'époque. La diversité des sujets (Narcisse, le moulin d'Argenteuil, la Seine...), les thèmes abordés (la chasse, la paysannerie...), le choix des couleurs (l'ocre de Caruelle d'Aligny, le gris obscur –obscurantiste ? – de Barye, le rouge écarlate de Coignet, le dégradé de bleu de Pierre-Henri de Valenciennes), les sensibilités de chacun (quasi-gigantisme de Michel ou le fantastique de Bruandet), rien ne délaisse ou n'exclue un courant. Vincent Pomarède, directeur du Musée des Beaux-Arts explique : "On considère habituellement que ces mouvements artistiques sont en rupture les uns par rapport aux autres (...) mettant en avant une sorte de progrès en art (...) et l'on a restreint la portée de l'école de Barbizon. Or si les ruptures ont été importantes au XX ème siècle, (...) c'était moins le cas au siècle précédent." "L'orage sur la vallée la Seine" de Michel éclate, parfaite synthèse entre le "goût romantique" et la "tradition hollandaise". L'exposition se termine dans la magnifique cour du musée. Il est à peine dix-huit heures. On allume une cigarette. Quelques badauds prennent l'air. Les peaux brunissent encore un peu. Assise sur un banc, une vielle dame ouvre un bouquin de Baudelaire. On profite des derniers rayons de soleil. Après la pluie... Musée des Beaux-Arts de Lyon L'école de Barbizon, du 22 juin au 9 septembre 2002, Ouvert tous les jours sauf mardi de 10 h à 18 h, le vendredi de 10h30 à 20 h.
Ariel Kenig
L'école de Barbizon Ed. 0 p / 0 € ISBN:
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