Les Brèves
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22 Déc 2009 |
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Entre roman familial à l’histoire nébuleuse jamais vraiment éclaircie, et récit de l’intime, on savoure ces Treize Desserts, portés par une imagination et une causticité à l’efficacité rarement vue chez une débutante de 22 ans. Une rencontre plus tard, nous confirmons que Camille Bordas a déjà tout d’une grande… Inès, votre héroïne, est un personnage attachant dont on suit la trajectoire tendue sur le fil d’un amour non vécu sur une dizaine d’années. Comment avez-vous imaginé ce personnage ? Est-ce elle qui a donné l’idée de ce roman ou un autre ? Ce n’est pas vraiment un personnage qui a donné le point de départ à ce roman. Et si ça devait en être un, ce serait plutôt celui du père d’Inès, qui devait au début être au centre de l’histoire et qui, au final, meurt dès le premier chapitre. Quand j’ai commencé à écrire le livre, j’étais plus animée par un besoin d’écrire sur le manque et le refus d’oublier, qui peut s’avérer paralysant, que sur le déroulement linéaire d’une vie somme toute assez banale. Mais le personnage d’Inès a grandi au fil des notes, et avant que je m’en rende compte, elle était au centre de tous les chapitres. Ça s’est sans doute goupillé de cette façon pour une raison toute bête qui est qu’étant donné mon âge et mon histoire, j’avais plus de facilité à comprendre et à faire vivre ce personnage d’adolescente que son père. Etant donné que je ne me considère pas du tout comme un écrivain et que j’ai des milliers de choses à apprendre avant d’espérer en devenir un, j’ai préféré pour mon premier roman parler d’un point de vue que je serais à même de tenir sur la longueur sans que le tout paraisse bancal. Ce qui frappe chez Inès, c’est son côté « à côté » justement. Elle a l’air de traverser la vie sans jamais l’imprégner vraiment, absente aux autres, au monde, perdue dans des éclats du passé que pourtant elle ne cherche pas non plus à éclairer vraiment. C’est ainsi que vous voyez le passage de la jeunesse à la vie d’adulte ? C’est malheureusement comme ça que je vois ce passage oui, et, étant donné, que je ne connais pas encore d’autres âges, c’est comme ça que je vois la vie en général, dans un va et vient permanent entre le passé et le présent sans que le futur soulève trop de questions. Mais c’est parce que je suis d’une nature assez nostalgique et que j’ai le défaut d’avoir une excellente mémoire. Mais pour revenir à Inès, je ne dirais pas qu’elle est si absente que cela. Pour reprendre l’idée de Céline, qui partage les hommes en deux catégories, celle des voyeurs et celle des jouisseurs, c’est une vraie « voyeuse ». Elle passe son temps à engranger des observations en ne cherchant pas particulièrement à ce qu’elles lui soient utiles. On voyage beaucoup avec Inès : Arles, Paris, Almería, le Mexique, New-York… Est-ce un goût personnel ou bien partagez-vous l’adage selon lequel « les voyages forment la jeunesse » ? Ni l’un ni l’autre. Tout dépend en fait de la façon dont on voyage…Ce qui forme la jeunesse, c’est plutôt l’apprentissage de la solitude et de l’ennui, ce qui peut se faire à peu près n’importe où, y compris sans sortir de chez soi. Ça ne veut pas dire que l’âge adulte se résume à être seul et ennuyeux, mais si on ne sait pas accepter ses propres manques et limites, toute relation aux autres s’avérera décevante, toute activité, professionnelle ou autre, finira par prendre trop de place. Les voyages d’Inès sont la plupart du temps motivés par de faux espoirs. Et chacun de ces voyages finit tant bien que mal par lui apprendre quelque chose, sans doute parce que ce qu’elle cherchait précisément en voyageant ne s’est pas produit. Un peu comme dans un film de Jarmusch en moins bien ! Les hommes sont chez vous étrangement absents ou toujours déficitaires, le père d’Inès, José, son frère Pablo, son grand amour Liam, et même son oncle… Ils laissent les femmes seules face à la vie, Lola, Natalia, Anna et bien sûr Inès. C’est un hasard ? Ça n’est sans doute pas un hasard puisque j’ai écrit ces personnages de cette façon, mais je ne m’en suis rendu compte que bien après que le roman soit lu et accepté par mon éditrice. J’ai réalisé que c’était un des motifs du livre que je n’avais pas cherché à créer. Ça veut sans doute dire quelque chose ! Mais je ne trouve pas ces personnages plus déficitaires qu’Inès par exemple, ou que les autres femmes du texte. Chacun fait ce qu’il peut avec ses moyens, ils ont beau être des personnages de roman, le but est que l’on croie qu’ils sont avant tout humains (ce qui apporte donc tout un lot de défauts). Il y a par moments des narrations plurielles, vous changez de point de vue : y a t-il une intention précise à ces variations ? La première narration est celle du père, elle est à la première personne parce qu’il s’agit d’un carnet où il note ses dernières pensées. On peut imaginer qu’Inès a eu ce carnet entre les mains en récupérant les affaires de son père à l’hôpital, et qu’au moins en ce qui concerne ce personnage, elle a réussi à se faire une petite idée de qui était cet homme. Ensuite, tout le roman est vu par les yeux d’Inès. Il n’y a que deux passages où un narrateur omniscient s’attarde sur les cas de Pablo et de Liam, qu’Inès n’arrive pas à comprendre. Il n’y a pas d’intention précise à ces changements, c’est comme un montage cinématographique. Il y a un personnage principal dont on suit les allées et venues, et, quand ce personnage s’éloigne un peu trop du chemin qu’il était censé suivre, arrive un plan, ou une séquence entière, qui met le spectateur dans la confidence de ce que le héros a manqué. Et maintenant, vous avez des projets ? Oui, j’ai deux romans en cours. Ils ne sont pour l’instant qu’en morceaux, il y a le cerveau, quelques bouts de chair et de muscle, mais pas encore de squelette. Je fonctionne presque uniquement par notes et bouts de paragraphes, soit qui me tombent dessus, soit que je vole dans les trains ou dans les bars. L’intrigue arrive en dernier lieu et les personnages se forment au fil de l’histoire. Je ne suis pas une grande adepte de la psychologie des personnages, même si parfois j’ai recours à quelques détails de cet ordre-là. Même si je le voulais, je ne pourrais donc pas vous en dire beaucoup plus ! Les Treize Desserts Camille Bordas Editions Joëlle Losfeld 230 pages – 20 €
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