Quand on n'a que De Gaulle et la science... L'histoire de Louis Lémure, employé modèle chez Caducée, est celle d'une folie ambitieuse nourrie d'une découverte aussi importante que délétère, celle d'un antibiotique. Etrange pertinence de ce premier roman.
Mediator ? Non. Distilbène ? Non. Vioxx ? Non. Resiston. Le moins que l'on puisse dire est que Clément Caliari a tapé juste pour son premier roman. En plein scandale sanitaire, Retrait de marché sonne vrai sans pour autant nous apprendre beaucoup sur notre temps. Le sien est plus éloigné : l'immédiat après guerre. Pas encore tout à fait les Trente glorieuse mais les années de reconstruction, douloureuses comme un membre fantôme pour un Hexagone meurtri par ses contradictions. Louis Lémure est le produit de son époque : un scientifique jusqu'au boutiste qui rêve de réitérer le miracle thérapeutique et commercial de l'invention des pénicillines. Une femme gainée de corps et d'esprit, une fille qui préfigure la liberté qui le fuit. Louis Lémure passe ses nuits au laboratoire, en pionnier halluciné d'une recherche pharmaceutique qui ne crie pas encore sr tous les toits le mot "rentabilité". Problème : la molécule a beau représenter de "quoi sauver des millions de pauvres gens de la tuberculose, de l'angine, de la septicémie", elle n'en provoque pas moins des malformations foetales à tour de bras. Près de deux cents morts par sa faute, c'est déjà bien trop pour l'époque, il faut fuir pour cette Algérie encore française.
Incognito
Clément Caliari a 28 ans – c'est marqué sur le quatrième de couverture – et ne manque pas de panache. Le style et les métaphores claquent bien, le bougre connait sur le bout des doigts le sujet de la mise sur le marché de ces poisons sur prescription. Et la reconstitution de la France des années 50, encore enserrée par la IVe République amidonnée, est convaincante. Malgré la brulante actualité de ce début d’année, le roman n’a pas profité de la déferlante du Mediator pour prendre son envol. Fort dommage si l’on pense à la qualité de ce premier roman entaché de très peu de défauts. Si peu en fait que l’on prédit un avenir radieux à Clément Caliari sur le marché. Si néanmoins ce premier n’a pas asséché la soif du chercheur de parler de son domaine. Il n’y a pas de hasard : Clément Caliari, ce nom est en vérité un pseudonyme, doit sa pertinence sur le monde pharmaceutique, univers bourré de sigles, de protocoles, de garde-fous et de passe-droits, à son métier… et à son anonymat. Son talent arrivera-t-il à l’en sortir ? Gageons que oui.
Retrait de marché Clément Caliari Ed. Gallimard 288 p. – 19 euros
Articles les plus récents :
Articles les plus anciens :
|