Les Brèves
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10 Jui 2011 |
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![]() On s’installe dans les romans de Martin Suter comme dans notre fauteuil préféré : avec la certitude de passer un bon moment. En l’espace de quelques textes, le Suisse s’est imposé dans le paysage littéraire comme une valeur sûre. Comme un écrivain qui sait pertinemment ce qui fait un bon roman : une idée neuve, un personnage que l’on a d’emblée envie de suivre, un texte bien bâti. Rien de révolutionnaire, diront certains. Peut-être… Mais un auteur qui connaît ses lettres sur le bout des doigts, respire une telle passion de l’écriture et nous surprend de livre en livre, ça vaut la peine de s’y arrêter. On joue le jeu donc, et on suit Martin Suter dans ses nouvelles aventures… Les éditions Christian Bourgois annoncent d’emblée la couleur : cet opus est le premier d’une série qui revisite la tradition du duo improbable d’enquêteurs. Les deux personnages, comme le veut la loi du genre, « se densifient » par la relation que chacun entretient avec son alter ego. Allmen est un rentier qui a dilapidé la fortune considérable laissée par son père à sa mort. Le voici donc désargenté et la quarantaine bien sonnée, mais refusant toujours de changer de style de vie. Travailler ne lui effleure pas l’esprit, réduire son train de vie non plus. Ancien collectionneur, il s’est vu contraint de revendre peu à peu les pièces acquises dans de plus fastes périodes jusqu’à ne plus rien détenir de monnayable. Les créanciers mécontents commencent à se faire menaçants… Allmen, tout en conservant la classe qui le caractérise, se lancent dans le trafic d’objets d’art. Il a gardé du temps de sa gloire son majordome guatémaltèque, Carlos, un temps connu pour être le meilleur cireur de chaussures de son village natal. Une aventure amoureuse d’un soir va mettre Allmen sur la piste d’un ensemble de cinq coupes ornées de libellules, que certains seraient prêts à tuer pour posséder. Le maître et son majordome se retrouvent ainsi embarqués, au péril de leur vie, dans la poursuite des coupes aux libellules. Un air de Don Quichotte Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître ! Le suspense est un élément récurrent des précédents romans de Martin Suter. Se lancer dans le pur roman d’enquête était une excellente initiative. L’écrivain suisse fait évoquer Maigret par son héros, un clin d’œil qui prend effectivement tout son sens ici : le soin porté à la description des lieux, l’importance donnée aux objets et les efforts déployés pour créer une atmosphère de circonstance ne peuvent que rappeler le grand Simenon. Mais ce qui fait la réussite de ce premier volet, c’est plus sûrement encore le duo qu’il met en scène. Allmen et Carlos ne sont pas sans nous rapppeler Don Quichotte et Sancho Panza. Les deux personnages semblent tirés d’une autre époque, et leur charme désuet opère instantanément. On aime d’emblée Allmen, gentlemen voyou, et son absolu manque de lucidité sur lui-même et sur la situation dans laquelle il s’est fourré. Son code de l’honneur complètement décalé par rapport à ses véritables moyens financiers, son rapport ambigu et malhonnête à son héritage de fils de nouveau riche, sa mauvaise foi concernant les responsabilités qui lui reviennent dans la vindicte de ses créanciers… Il nous amuse, nous agace, nous attendrit. Quant à Carlos, il représente la tête pensante du duo : avec la famille restée au Guatemala qu’il entretient, il incarne le pragmatisme, l’homme dont le sens des réalités et le sang-froid peuvent résoudre les situations les plus épineuses… Toujours avec ce doigté qui fait que le maître ne se sent pas menacé, bien sûr. Une jubilation palpable Tout dans le roman transpire le plaisir de la fiction. Martin Suter se joue des rebondissements du récit, des archétypes qu’incarnent ses personnages, ou même encore des lieux communs, avec une jubilation non dissimulée. Et une grande subtilité… Car entre humour et suspense, l’équilibre est difficile à trouver. L’humour demeure ici un ingrédient de plus au service du romanesque, et Martin Suter remporte son pari. On arrive au bout du roman convaincu et impatient de lire la suite des aventures d’Allmen. Alors pour patienter, il ne reste qu’à se ruer en librairie pour découvrir les romans qui ont fait connaître l’écrivain Suisse en France : La Face cachée de la lune, Le Diable de Milan ou, plus récemment, Le Cuisinier. Aurore Gojard Martin Suter Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni Christian Bourgois 165 p. – 17 €
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