Vous n�avez rien publi� depuis 1967 (un num�ro de la revue � Bizarre � publi�e par Pauvert), que faisiez vous depuis ?

J�avais autre chose � faire. Je peins. Il s�est trouv� que mon dos s�est bloqu� peu � peu l�ann�e derni�re. Je ne pouvais plus peindre, mais j�ai toujours besoin de faire quelque chose. J�ai commenc� � faire quelque chose qui ressemble � un num�ro de la revue � Bizarrre �, et puis c�est parti dans une autre direction.

Comment qualifieriez vous � Textes sans paroles � ?

C�est une confession. Tout est vrai. Tout ce que je dis est vrai je le pense. Ce sont des phrases dont on peut saisir le sens apparent mais qui cache toujours autre chose derri�re.


Comment vous viennent tous ces aphorismes ?

A une �poque j�avais d�cid� d�en faire une centaine. Je m�installais au moment du caf�, j�en faisais dix pas plus. Je les r��cris parfois parce que c�est trop explicite ou maladroit. Il faut que ce soit quelque chose de tr�s �vident. Au d�part, j�ai commenc� � faire des aphorismes pour m�exprimer. J�ai �pous� une personne qui avait une tchathe �pouvantable, tr�s dr�le. Moi j��tais assez dr�le aussi, mais je ne pouvais jamais en placer une. Donc, j�ai invent� la phrase qui casse et qu�on place au moment o� l�on reprend sa respiration ! C��tait un moyen d�attirer l�attention. Mais, les r�citer � table, c�est un peu la barbe, donc j�ai trouv� que c��tait mieux de les publier.


Quelles sont les situations de la vie quotidienne qui provoquent chez vous l�inspiration ?

Toutes ! J��puise mes amis. Je vois toujours les choses dans le d�rapage. Je les provoque aussi souvent. Tenez, hier par exemple, je prenais un verre dans un caf� et j�avais envie de faire pipi. J��tais dehors, je rentre dans le caf� avec un air un peu hagard et je demande � O� sont-elles � ? La serveuse me r�pond � Qui ? �. Si elle m�avait r�pondu quoi, j�aurais r�pondu les toilettes, mais elles me dit qui, donc je lui r�ponds � les petites filles � � Quelles petites filles ? � Et moi d�un air encore plus hagard � elles �taient dehors on ne les voit plus �. Et �a l�a choqu�e. Parfois je fais �a pour mon plaisir personnel, dans cette situation, il n�y avait pas de t�moin.

Vous aimez bien provoquer ?

Non, je ne suis pas provocateur. Le provocateur c�est un alli� des flics. C�est quelqu�un qui d�nonce, qui suscite la r�action pour en profiter. Moi je serais plut�t un r�sistant.


Pourquoi d�tourner des expressions toutes faites ?

Je voulais monter qu�il s�en faut de peu pour �voquer le sens contraire, il suffit parfois de ne pas mettre les mots dans le m�me ordre, un autre sens surgit auquel on n�avait pas penser. Il faut �tre attentif parce qu�il y a tous les mots qu�il faut


Les aphorismes sont dispos�s d�une mani�re tr�s explicite dans le recueil, est-ce que c�est voulu ? Par exemple, on peut lire � la suite � La femme est une surface � �mouvoir � et � il faut vraiment d�tester quelqu�un pour faire caca dans son lit �. Le m�lange du po�tique et du scatologique, c�est un peu votre marque de fabrique?

Ce n�est pas moi qui ait d�cid� de l�ordre des aphorismes, c�est l��diteur. Mais c�est assez parlant, parce que si cette femme n�arrive pas � �tre �mue, et bien vous faites caca dans son lit. Il faut qu�elle r�agisse ! M�me si ce n�est pas moi qui les ai mis � c�t�, c�est bien, �a les fait co�ncider, par un petit tunnel de sens. C��tait Saint Augustin qui disait que tout se passe inter fesses, la naissance de la vie et l�amour finalement. Il �tait beaucoup plus fort que moi Saint Augustin.


Que vous �voque le terme � absurde � ?

Comme coll�gue ou comme d�marche ? L�absurde c�est une m�thode de description de ce qu�on voit autour de soi. J�ai une grille qui me permet de d�chiffrer la r�alit� qui m�entoure. C�est un moyen de dire les choses.


Et les illustrations du livres ?

Ce sont des collages, des gravures auxquelles j�ai rajout� un dessin. J�avais d�j� fait des collages pour la revue � Bizarre �. Ma peinture et �a c�est pareil. L�explication est dans la chose elle m�me. Si �a a un sens je garde, sinon je jette. La peinture est un autre langage, qui n�a rien � voir avec l��criture. Ce que j�ai voulu faire avec ces collages ce sont des petits calembours visuels, des d�formations �tranges.


Certains de vos aphorismes sont assez personnels, et l�on a envie de savoir ce qu�il y a derri�re, � Ma morale est provisoire � par exemple?

Il y a du provisoire dans la vie. Ca en rejoint un autre qui est � on ne prend pas dans la vie les poses qu�on prend dans un lit �. Toute morale est provisoire. Toutes les choses changent selon le contexte, avec la guerre, la famine... Les syst�mes de valeur sont changeants, et le mien aussi, c�est �vident. Regardez la p�dophilie, �a ne d�rangeait personne avant�


� J�aimerais me r�incarner en avalanche � Pourquoi ?

Mais pour engloutir les skieurs, voyons. Je d�teste les skieurs. Mais il ne faut pas toujours expliquer les aphorismes, je pr�f�re laisser le doute s�installer.


� Chaque matin je me revois et �a me fait rire � ?
Oui, �a me fait bizarre d��tre encore l�, pas vous ?


Vous lisez la litt�rature contemporaine ?

Je ne lis pas les romans. Je pense que le roman est un art mineur. �a ne tient pas la route par rapport � un essai, ou � de la philosophie, on s�en fout des �tats d��me des gens. On a assez � faire. Si vous doutez de la vie, la vie se venge. Si vous faites confiance �a marche tr�s bien, c�est tout.
J�aimais beaucoup les romans de Nabokov, mais je ne les relirai pas.


Finalement vous �tes plut�t un optimiste ou un pessimiste ?
J�avais un ami qui a dit de moi que j��tais un � pessimixte �. Je crois que �a me convient bien.

Propos recueillis par Aurelie Aubert