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Entretien avec Jean-No�l Schifano
Jean-Noel Schifano : �crivain, �diteur et traducteur. O� trouvez-vous tout ce temps ?
C�est une question d��quilibre sinon d��quilibriste. J�ai appris � �crire en traduisant donc je garde la traduction comme les musiciens font leurs gammes, en entrant dans le style de l�autre. Je me forge mon vocabulaire, ma syntaxe � partir des livres que je traduis. A c�t� de cela, je re�ois deux ou trois manuscrits par jour, que je lis, et avec mon �quipe, nous nous effor�ons de faire le succ�s des livres que nous publions.
Votre livre ?
Je le pr�pare depuis dix ans.
Votre style ?
R�aliste baroque.
Le baroque existentiel ne peut �tre rendu que par le r�alisme baroque. Je ne vois pas comment, ces dix derni�res ann�es, les �crivains se sont gargaris�s avec le baroque en utilisant un style minimaliste : sujet � verbe � compl�ment � point. Il faut que le style soit en ad�quation avec le sujet : un joueur de football qui se mettra � nager dans un stade a peu de chance d�attraper le ballon.
Votre libert� ?
Je crois avoir une grande libert�, mon �diteur, M. Gallimard y souscrit d�ailleurs, tout comme la presse, et notamment la critique qui m�aident � aller de l�avant.
Votre temps ?
Je suis en plein dans le temps. Je donne � voir le monde par mes yeux. Ce regard s�ajoute aux autres perceptions de notre �poque, d�autres perceptions tout aussi belles et utiles que mon genre mais je crois qu�au bout de trois ou quatre lignes, mon style, mon regard port� sur le monde se reconna�t.
Naples ?
16 ans de ma vie. Pourquoi ? Parce que c�est une ville au pass� extraordinaire et � la vie actuelle tr�s riche. La ville des premiers romans. L�Ene�de de Virgile est situ� � Naples, Hom�re a situ� une des plus belles sc�nes de l�Odyss�e (la sc�ne des sir�nes), donc vous avez une charge romanesque et mythique (qui aide � comprendre ce que nous vivons) : Naples est pleine de cette stratification historique, de cette culture v�cue au jour le jour, de cette descente aux enfers entre le culte jud�o-chr�tien et le paganisme encore pr�gnant�J�ai trouv� dans Naples de quoi expliquer le monde.
Lucas, votre h�ros : un h�ros spaghetti ?
Lucas est un h�ros m�lancolique au regard napolitain. C�est un type qui a v�cu, caboss� comme les voitures, un journaliste qui a l�impression de donner les nouvelles du lendemain. D�o� une relativit�, d�o� une blessure dans l�instant, dans le non-�v�nement, � cause des �v�nements qu�il porte en lui comme d�autres portent leurs apparences. C�est un personnage qui a v�cu un bouleversement qui la profond�ment perturb� au point de se retrouver lui-m�me, jusqu�au quasi meurtre, et l�autodestruction.
Pourquoi un nain dans votre roman ?
Mon nain s�appelle Massimo S�m�. Massimo qui veut dire � le plus grand �. J�ai donc vis� l�infiniment petit plut�t que l�infiniment grand pour comprendre le monde qui nous entoure. Et puis, le nain dans la mythologie, c�est celui qui creuse, qui va chercher de l�or dans les boyaux de la terre.
Votre �criture ?
Le matin apr�s deux heures pass�s � ma table, dans l�angoisse de la nuit. Pour ce roman, j�ai eu l�impression de traduire plus que d��crire, tellement j�ai port� l�histoire, la structure, les personnages : plus le roman se construit, plus le d�sir de faire vivre ses personnages me fait passer ma vie jours et nuits avec eux. Et puis travailler son roman de mani�re � le rendre publiable, par politesse pour le lecteur, pour qu�il puisse rentrer � l�int�rieur sans difficult�.
La mort ?
J�essaye de l�apprivoiser : j�essaye de ne pas trop y penser, parfois elle m�obs�de, parfois, je n�y pense plus.
L��crivain ?
Quelqu�un qui emmagasine les exp�riences � ces risques et p�rils, une sorte de vampire !
Une fois qu�il a fait le plein de vie, alors il se retire et il jette son encre pour �crire en danger : danger avant, danger pendant, danger apr�s.
Vous aimez votre livre ?
Oui. Je l�ai relu et je me suis dit que �a marchait.
Un prochain livre ?
Je suis en train de finir la traduction du dernier livre d�Umberto Eco. Et parall�lement � ce travail, je prends des notes pour ce qui pourrait �tre mon prochain livre.
Un mot sur ce projet ?
Ca se passera � Naples � la fin de la derni�re guerre au moment des Quatre Journ�es, consid�r�s comme les journ�es de r�sistance lorsque les jeunes napolitains se glissaient sous les chars allemands munis de bombes pour les faire sauter. On �tait � cette �poque entre le jeu et la faim, et je ne crois pas qu�il y ait d�id�ologie derri�re tout cela mais un d�sir de vie et de sauver sa peau qui est, je le crois, digne d�int�r�t. mais, je n�ai pas encore cr�� les personnages : pour l�instant, j�y r�fl�chis. Propos recueillis par J. B. V.
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