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Rencontre avec Auguste Corteau
Aimez-vous votre livre ?
Je ne sais pas si j�aime vraiment Le livre des vices . On dit qu�on aime ses livres comme on aime ses enfants, mais je n�ai pas d�enfants... Par ailleurs, je ne relis presque jamais ce que j��cris ; seulement une relecture rapide pour faire des corrections. Alors je ne me souviens pas trop de ce livre, con�u quand j�avais dix-neuf ans. Tout ce que je peux en dire, c'est qu'il me semblait un peu vite �crit, trop violent, m�me pour un impromptu. S�il faut en parler, je dirais que la traduction de Caroline Nicolas est infiniment sup�rieure � la version originale, bien qu�elle ne soit pas d'accord avec ce jugement...
Quelles est votre nouvelle pr�f�r�e ?
Je pr�f�re l�histoire d�Isabelle, la sage-femme, quoiqu�elle ait �t� consid�r�e comme la plus... d�go�tante. Mais je crois que je tenais l� le seul cas dans tout le recueil o� je ne perds pas l��quilibre entre le pass� et le pr�sent, l�imaginaire et le r�el. Au sujet des autres nouvelles, eh bien j�adore les lesbiennes par exemple� et pourtant l�histoire de Starbarine �tait un �chec complet ! J��tais si influenc� par tout ce que je rencontrais � cette �poque-l� dans les journaux de m�decine l�gale, que j�ai cr�� une nouvelle vraiment �pouvantable � tous points de vue�
L�accueil du public grec ?
La r�ception du Livre des vices �tait une affaire absolument triste. Peu de gens ont reconnu mes efforts, mon d�sir de cr�er un univers clos et des fabliaux macabres. On m�a plus per�u comme un adolescent qui voulait provoquer. On a tax� ce que j��crivais d'�ordures �. Mais ce qui fut encore plus triste pour moi, c�est que les �crivains grecs montr�rent le m�me m�pris que j�avais d�j� re�u des critiques.
Aujourd�hui, je crois qu�on n�a pas de � milieu litt�raire � en Gr�ce. Il y a seulement des gens qui se m�fient de toute chose nouvelle et diff�rente, et qui, si cela est possible, essayeront d�arr�ter tout progr�s. Des �crivains magnanimes, pr�ts � reconsid�rer leur esth�tique, leur talent ou le talent des autres ? Vous ne les trouverez pas en Gr�ce.
Et votre public international ?
Le livre des vices n�a encore �t� traduit qu�en Fran�ais. J�attends la version italienne dans quelques semaines. En ce qui concerne la r�ception en France, j�ai d�s le d�but l�impression que les lecteurs et les critiques, m�me ceux qui n�aiment gu�re ce genre de litt�rature, ont �t� extr�mement justes et pr�cis en jugeant le livre. Pas de d�ductions faciles ou de titres comme : �Un imitateur de Sade �. On n�a pas fait grand sujet de mon �ge en France, parce que chez vous, c�est normal d��tre jeune et de pourtant vouloir �crire. Rien n�a �t� consid�r� comme trop extr�me, trop choquant. J�ai re�u des commentaires vraiment flatteurs, concernant notamment le langage, les m�taphores, l�imagerie que j�utilise dans mes nouvelles, ce qui ne se passerait jamais en Gr�ce bien que le livre en question soit en circulation depuis trois ans d�j�.
Vos auteurs f�tiches ?
J�ai �t� beaucoup influenc� par l��uvre du marquis de Sade bien s�r. A travers ses livres, j�ai compris ce que c�est que la libert� d�expression, de la pens�e. Aucune restriction, aucune foi, aucun respect. Mais je dois aussi beaucoup aux autres �crivains, surtout aux �crivains fran�ais. A Gaultier et Maupassant, leur �norme imagination, leur description de l��me humaine avant la psychanalyse. A Proust, ce cadeau magique qui est la langue fran�aise, qui devint � mes yeux une langue lumineuse � laquelle je ne cesserai jamais d�aspirer. Je dois mon existence litt�raire- ainsi que mon nom de plume-� la litt�rature fran�aise.
Ecrivain trash ou cash ?
Cash ? Oh-l�-l� ! Ca c�est dr�le ! L��crivain grec riche, existe-t-il vraiment? M�me s�il existe, ce n�est pas moi. Je ne voulais ni choquer, ni provoquer. Je voulais seulement m�exprimer � travers quelques histoires, sans m�me savoir au pr�alable si j�en �tais capable. Mais je n��prouve aucune grande fascination pour les �crivains fran�ais contemporains. Mon go�t litt�raire est un peu vieillot...
Quels etaient vos objectifs initiaux, la mani�re dont vous vous voyiez, plus jeune ?
Quand j�ai pris la plume, je ne me voyais pas comme un futur �crivain. Je pensais que je m�amuserai un peum et que �a serait tout. Mais, sans que je me rappelle pourquoi, d�s que j�ai fini les Vices, j�ai senti le d�sir d��crire un roman. Je l�ai donc �crit et publie. Ensuite, j�ai encore fait paraitre des nouvelles. C�est ainsi que j�ai commenc� � �crire chaque jour ; et cela est devenu un m�tier. � Si j��cris chaque jour, ou chaque nuit � me disais-je, � je suis un �crivain, n�est-ce pas ? � Donc je dois l'etre... Maintenant, douze livres apr�s les Vices -la plupart dans le tiroir-je me sens encore enthousiaste pour tout. L��criture, c�est de la magie. Quand on n�aime pas ce qu�on vit, on peut cr�er une vie nouvelle, presque aussi vraie. C�est �a, mon amour des mots-je les utilise pour �chapper � la r�alit�. Si le r�sultat vous pla�t, �a me rend encore plus heureux.
Votre � gagne-pain" ?
D�abord, il faut que je sorte de la m�decine, qui m�a co�t� six ans de ma jeunesse. Mais je n�y pense jamais, et surtout pas quand j��tudie (c�est pour �a que j�ai mal pass� ma licence�). Je ne pense qu�� ce que j��cris ou � ce que je publie. Mon dernier roman, qui va para�tre dans quelques jours, est un roman policier (sans policiers !). Je m�occupe incessamment des nouveaux meurtres, de complots... peu de travail scolaire ou de gagne pain.
J�aimerais beaucoup faire un voyage en France (m�me s�il faut encore une fois s�cher les cours�) pour parler de ce nouveau petit livre. J�adore Paris. Mais quand je l��crivais, ce petit livre, je n�avais aucun but pr�cis. Et je me fous des r�actions du public, en fait, de la soci�t� et de ses soucis. Si je m�en occupais, je ne serais pas �crivain sans doute...
D�autres projets litt�raires, dans un autre domaine ?
C�est un peu embarrassant�je viens d��crire un livre d�enfants, qui m�a �t� command�. Je me sentais un peu b�te en l��crivant, mais il s�agit du � gagne-pain �, comme vous le decrivez. Et le r�sultat est assez dr�le-une esp�ce de roman policier pour des enfants, sans meurtres et sans cadavres bien sur.
Quels espoirs pour la suite ?
J�esp�re que la jouissance d��crire ne me quittera jamais. C�est tout.
Propos recueillis par David Foenkinos
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