#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Rencontre avec Arnould de Liedekerke.


Comment l�id�e de ce livre vous est-elle venue ?



Au d�part, il s�agit d�une th�se de doctorat. Mon professeur, Michel D�caudin, grand sp�cialiste d�Apollinaire, m�a pouss� � travailler sur ce sujet ; peu de choses avaient �t� faites concernant la pr�sence et l�importance de la drogue dans la litt�rature � cette �poque. Et vers la fin des ann�es 60, � l��poque des gaz lacrymog�nes, j��tais plus concern� par d�autres fum�es !



Vous �tiez passionn� par ces auteurs ?



J�avais fait ma ma�trise sur Villiers de l�Isle Adam. Je me suis pris de passion pour ces auteurs car j�y retrouvais une sensibilit�, une atmosph�re. Il faut par ailleurs savoir que les auteurs de la fin du XIXe si�cle n��taient pas encore revenus � la mode ; les gens �taient plus int�ress�s par Derrida ou Foucault.



Oui, mais il y avait beaucoup de correspondances ?



Parfaitement ; le rapprochement est revenu au d�but des ann�es 70 : vous lisez certaines page de Jean Lorrain et l�on n�est pas loin de la Factory de Wharrol ou du Velvet Underground.



Votre �tude est aussi un essai sur la toxicomanie, tr�s technique ; c��tait aussi une fa�on de mieux comprendre les �crivains ?



Oui, il faut conna�tre toutes les drogues, pour comprendre les pr�f�rences ; prenez Baudelaire par exemple : il n�aimait pas trop le haschich qu�il consid�rait comme " un d�mon d�sordonn� ", un " amplificateur de conscience " alors qu�il parle de sa " vieille compagne " � propos de sa fiole de laudanum.



L� on est en plein dans le sujet ! C�est l�impression g�n�rale que donne le livre : une grande tyrannie. Parlez-nous des �crivains.



Il y a plusieurs cheminements. Certains �crivains ont �crit sur la drogue par effet de mode alors qu�ils ne se droguaient pas ; et d�autres comme Maupassant ne parlent pas de la drogue mais sont toxicomanes ; il a �crit Pierre et Jean sous l�emprise compl�te de l��ther. Un autre cas : Jean Lorrain, grand �crivain " fin de si�cle ", �tait un grand toxicomane et rares sont ses romans o� il ne fait pas allusion � une drogue quelconque.



Et vous parlez de Laurent Tailhade, son histoire est tr�s particuli�re.



Avant Cocteau, il a �t� le premier � d�crire, dans La Noire idole, les minutes de ses cures de d�sintoxication. Il �tait venu � la drogue car il avait �t� atteint par une bombe anarchiste alors qu�il �tait lui-m�me anarchiste ! C�est le r�cit d�un calvaire. Par ailleurs, les liens entre la m�decine et la drogue �taient tr�s cons�quents. Pour beaucoup, la drogue �tait plus un m�dicament qu�un paradis artificiel ; tout �tait ambivalent : les femmes venaient se faire prescrire de la morphine.



Et beaucoup d��crivains deviennent drogu�s suite � leurs postes en Indochine ?



Effectivement, on ne peut pas ne pas lier la pr�sence de la drogue dans la litt�rature et le colonialisme. C�est le mal d�exister qui est � l�origine, l�envie d�un ailleurs, certes, mais les drogues �taient � la fois un rem�de � ce mal de vivre et une porte �troite pour p�n�trer de nouveaux horizons. Ils admiraient cette civilisation, c��tait une mani�re aussi de mieux la conna�tre. Il y a beaucoup d�exemples : Jules Boissi�re, Pierre Loti qui �tait officier, ou encore Pouvourville : imaginez Albert Puyou de Pouvourville, fin XIXe, ami de Barr�s, le comble de l�aristocratie fran�aise, officier fran�ais en Indochine : il est devenu compl�tement accro � l�opium, il a rencontr� les mandarins, il a appris la langue, et s�est initi� au tao�sme.



Et tout s�est fini avec le colonialisme ?



Oui, l�Opium �tait pr�sent jusqu�� la fin des ann�es 50, la fin de la colonisation de l�Indochine. Mais le tournant, pour toutes les drogues de cette �poque " fin de si�cle ", c�est-�-dire l��ther ou la morphine, se situe au d�but du si�cle quand des lois ont voulu les interdire. Comme je vous l�expliquais, les liens avec la m�decine �taient tr�s �troits, et facilitaient leur usage. L�envie d�interdire l�utilisation de certaines drogues, y compris celles qui �taient utilis�es � des fins th�rapeutiques, a marqu� un grand coup d�arr�t.



Vous citez, dans l�anthologie qui suit votre essai, un texte incroyable d�Antonin Artaud.



Oui, c�est une lettre ouverte au l�gislateur de la loi sur les stup�fiants ; il le traite tout simplement de con : " Tu es un con " ; et il dit une phrase tr�s juste : " Les toxicomanes malades ont sur la soci�t� un droit imprescriptible, qui est celui qu�on leur foute la paix ". C�est un t�moignage de souffrance ; il y a un autre auteur auquel je pense tr�s souvent, c�est Roger Gilbert-Lecomte. On parle si peu de lui, c��tait un jeune po�te, le " Rimbaud du XXe si�cle ", sa vie est gangren�e par le manque, le mal de vivre� Il meurt en 1943 � l�h�pital, les m�decins refusent de le soulager.



Votre livre regorge d�exemples similaires� Et, il finit sur Jacques Rigaud.



Oui, je voulais finir sur ce passage du Feu Follet o� Drieu la Rochelle parle de son ami Jacques Rigaud ; c�est un passage exceptionnel, tout la d�tresse des drogu�s y est. Lisons-le : " Les drogu�s sont des mystiques d�une �poque mat�rialiste qui, n�ayant plus la force d�animer les choses et de les sublimer dans le sens du symbole, entreprennent sur elles un travail inverse de r�duction et les usent et les rongent jusqu�� atteindre en elles un noyau de n�ant. On sacrifie � un symbolisme de l�ombre pour combattre un f�tichisme de soleil qu�on d�teste parce qu�il blesse des yeux trop fatigu�s. "

Propos recueillis par David Foenkinos


 
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