#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Rencontre avec G�raldine Maillet


Qu'attendez-vous de l'�criture d'un livre ?



Rien, il faudra du temps pour en attendre vraiment quelque
chose.

Et puis tout. C'est un face-�-face avec moi-m�me, qui est
souvent pleins de douleur, de bonheur et d'incertitudes. Je ne
con�ois pas ma vie sans l'�criture. En r�alit�, pour �viter les
d�ceptions, je pr�f�re ne rien attendre de mes livres...



Pourquoi avez-vous commenc� � �crire ?



J'ai commenc� � �crire � l'�ge de douze ans quand ma m�re
est devenue sourde. C'�tait le seul moyen imm�diat pour
communiquer entre nous. Le besoin et le d�sir d'�crire des
fictions sont venus plus tard quand je vivais seule � New York.



Un tournant de carri�re surprenant, relativement � ce que
vous faisiez avant�




Pourquoi ? Vous ne poseriez jamais cette question � un
professeur, un homme politique ou un journaliste. Je ne con�ois
pas ma vie en termes de carri�re mais dans une continuit�
artistique. Je n'ai jamais fait de plans, j'essaie de faire ce que
j'ai envie m�me si ce n'est pas judicieux ou opportun pour mon
"image"(si toutefois, j'en ai une!)



Vous reproche-t-on trop souvent votre "pass�" de
mannequin ?


De fa�on insidueuse. Un peu narquoise. Quoi que je fasse, je
suis un imposteur.



Un handicap donc, dans l'univers litt�raire ?



Tr�s certainement. Rang�e dans une bo�te puis dans un tiroir
�tiquet� "ancien mannequin". Quand mon premier roman
Une rose pour Manhattan est sorti en 1999, on �tait bien
oblig� de dire d'o� je venais et ce que j'avais fait auparavant.
J'assume pleinement ces ann�es dans la mode. Elles m'ont
appris l'humilit�, la solitude, la relativit� du succ�s, la folie.
J'�cris gr�ce � ce pass�. Toute une presse dite "intello" ne veut
m�me pas ouvrir mes livres.
Tant pis... Certains critiques de 1999 �taient presque g�n�s
d'aimer mon livre, ils ont eu les pires difficult�s � m'imposer
dans leur r�daction. J'aurais pr�f�r� qu'ils d�testent mon roman
plut�t que de s'offusquer "t'es pas s�rieux, tu ne l'as pas lu
quand m�me!"
A partir du deuxi�me roman, les choses se compliquent vous
n'�tes plus l'ancien mannequin mais un nouvel auteur. C'est
moins attractif en terme de marketing mais je suis ravie de cette
�volution puisque beaucoup s'arr�tent au cv des cinq derni�res
ann�es pour se faire une id�e. Comme je n'ai jamais eu la
carri�re d'un top model, m�me ma l�gitimit� en tant que
mannequin est douteuse.



Justement, au sujet de votre premier livre : pouvez-nous
nous en dire plus sur " l'aventure Flammarion " ? Les le�ons, les
joies, les d�ceptions ?




L'aventure Flammarion reste pour moi un bon souvenir. Dans le
contexte de l'�poque, c'�tait magique de recevoir un appel de
Rapha�l Sorin me disant qu'il s'int�ressait � mon manuscrit. Je
ne connaissais personne dans ce milieu, j'avais envoy� mon
texte par la poste. Un mois et demi apr�s, j'allais rue Racine
toute tremblante. Mon premier roman a eu beaucoup de presse,
le deuxi�me Un amoureux silence est pass� inaper�u. Je
l'ai mal v�cu parce qu'il �voquait la maladie de ma m�re.
J'aurais voulu crier son courage, j'ai pris la tasse... L'�criture
nous fait voyager sur des routes sinueuses(nulle comme
image.) J'�cris � cause et gr�ce aux joies et aux d�ceptions qui
me traversent.



Les raisons de votre r�orientation vers Balland ?



Je suis partie chez Balland pour trouver une petite structure avec
des interlocuteurs disponibles. Je garde de tr�s bons contacts
avec Flammarion, en particulier avec l'�ditrice Juliette Joste que
j'aime profond�ment.

Et C�cile David Weil est une excellente �ditrice.



Vous a-t-elle beaucoup aid�e, encourag�e, rassur�e ?



Je l'ai en fait rencontr�e il y trois mois, le jour de mon
anniversaire(pas tout � fait, puisqu'il n'y avait pas de 29 f�vrier
cette ann�e !). Le fait qu'elle soit une bonne �ditrice n'�tait pas
l'essentiel � vrai dire. J'ai trouv� qu'elle avait une �coute
remarquable. Honn�te, franche. Elle n'essaie pas de noyer le
poisson avec des discours st�r�otyp�s. J'adore son sens de
l'humour. Elle et Denis Bourgeois forment une �quipe soud�e et
compl�mentaire, j'esp�re qu'ils rel�veront "le d�fi Balland"...



Que vous souhaitez-vous pour la suite de vos �crits ?



Si mon livre est lu par vingt personnes de plus, c'est d�j�
merveilleux...



Les pi�ges que vous voulez �viter avant tout ?



En restant soi-m�me, je pense que l'on �vite tous les pi�ges.



Revenons en � Trois jours pour rien. Pourquoi choisir
toute une galerie de personnages, et ne pas s'attacher � deux
ou trois protagonistes comme il est plus courant de le faire
?




L'�criture de "Trois jours pour rien" a commenc� gr�ce au film
Magnolia de Paul Thomas Andersen. J'ai eu envie de me
lancer dans une construction en patchwork, une sorte de
kal�idoscope avec des personnages qui se cherchent, se
croisent, se retrouvent, s'ignorent. Je voulais tisser une toile
avec des fils r�v�lant au fur et � mesure l'intrigue du roman.
J'aime les rebondissements et les chass�-crois�s que cette
construction permet. C'�tait, en tout cas, assez jubilatoire �
�crire.



Quel est le personnage qui vous touche le plus ? Y a-t-il un
de vos personnages que vous n'aimeriez pas rencontrer ?




Ce sont tous des anti-h�ros, � ce titre, je les trouve tr�s
touchants. Pas courageux, plut�t l�ches et ple�tres. Ils ont peur
de prendre des risques, peur du changement et de l'inconnu.
Comme eux j'ai la crainte de vieillir, je redoute la solitude, la
maladie... Ce sont des gens ordinaires qui se r�v�lent dans
l'action.

Je les ai tous rencontr�s, d'une certaine fa�on. M�me John
Noss, le vieux beau cynique et d�sabus� a des c�t�s touchants.
Il n'est pas tout � fait dupe du sketch qu'il joue. Il lui arrive de
craquer et de reconna�tre ses failles.



La raison de cette structure, longue en termes de pages,
mais courte en termes de temporalit� ? Ce contraste : une peur
du temps qui s'�coule et qui file ?




Je trouve que cette construction tr�s resserr�e sert parfaitement
l'intrique et le suspens. On zappe entre des personnages qui
n'ont a priori rien en commun.. Tout juste le temps de s'installer
et on passe sur quelqu'un d'autre. On comprend peu � peu les
liens qui les unissent. Cela rend bien l'inconfort et le profond
malaise dans lesquels tous sont plong�s. Chacun court apr�s
quelquechose, l'amour, la gloire, la paix int�rieure... Seule la
jeunesse est irr�cup�rable.



Le milieu qui sert de toile de fond � votre livre est celui de la
mode. Quel est le message que vous souhaitiez faire passer
avant tout ?




Je n'avais pas vraiment de message... Je n'aime pas la
litt�rature donneuse de le�on ou moralisatrice. Je la trouve
souvent pr�tentieuse et hors sujet. Je pr�f�re modestement
d�crire, esquisser, donner de la couleur, du go�t, des odeurs et
des bruits, puis partir sur la pointe des pieds et laisser le lecteur
seul juge.



N'avez-vous pas peur que l'on vous reproche d'�tre trop
s�v�re et injuste vis-�-vis d'un univers qui vous a quelque part
bien " servie " ?




Je ne suis ni acerbe, ni aigrie. J'ai racont� une partie de ce que
j'ai vu et v�cu. Le milieu de la mode est suffisamment intelligent
pour faire son auto-critique, il ne m'a pas attendue. Je ne me
suis pas m�nag�e dans ce roman. Je suis � la fois la secr�taire
de province ambitieuse fascin�e par Paris et la mode, le
mannequin paum� et vieillissant. C'est parce que je respecte et
fr�quente encore ce milieu que je peux le critiquer avec une
totale libert�.



Certaines personnes risquent-elles de se reconna�tre dans
vos peintures ?




Oui, beaucoup se reconna�tront et grinceront des dents...



Quid du personnage de Claire, qui vous ressemble
�trangement ?Jusqu'o� va la ressemblance ?




Claire est un ancien mannequin devenu �crivain.

Claire est amoureuse et m�lancolique.

Claire est battante est paresseuse.

Claire fait de la natation et d�teste l'eau.

Claire est parano et m�galo.

Claire est pleine de paradoxe. En cela je lui ressemble.



Vous sentez-vous proche de certains autres de vos autres
personnages ?




Je me sens proche de leurs faiblesses. Ils sont tous � un
instant cl� de leur vie. Je viens d'avoir trente ans et j'ai connu
cette p�riode difficile du bilan. "O� j'en suis?", c'est souvent fatal
comme question. Mes personnages veulent quitter Paris, quitter
une femme, quitter un travail, quitter la vie, quitter une routine. Ils
sont comme moi en conflit permanent. Ils font ce qu'ils peuvent
pour ne pas baisser les bras et continuer leur route.



Des probl�matiques r�p�t�es : confrontation avec la mort,
avec l'acc�l�ration du temps, incapacit� de vivre des relations
paisibles avec un entourage proche, non-r�solution de
dilemmes du pass�, fuite�




Je ne m'en suis aper�ue qu'� la fin du livre, concernant le th�me
de la mort, et en relisant les �preuves. Pendant l'�criture, j'ai
connu la mort de proches. Le passage concernant le nouvelle
de l'accident de la belle-m�re de Claire est compl�tement
autobiographique. Quelques jours apr�s, mon meilleur ami
perdait sa femme cinq mois apr�s leur mariage. Tous ces
moments atroces et injustes ont ressurgi malgr� moi dans le
roman. En outre, et pour des raisons personnelles, la paternit�
reste un myst�re, je voulais exp�rimenter les �tats d'�mes de
p�res en mal de filiation. Cela n'a rien chang� de fondamental
pour moi, mais j'ai pu �crire mon troisi�me roman en me
confrontant � des vieux d�mons...

Propos recueillis par J. L. N.


 
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