Encore un verre
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Depuis 1992, chaque année et sans exception, Amélie Nothomb jette une bouteille à la mer. Cette fois, elle déroule l’histoire d’une amitié haute en couleurs, prétexte à une ode à la France, ses mœurs avinées, sa fierté et sa fougue. Pétronille ou l’ivresse faite femme(s).
Et de 23 ! Parce qu’on ne sait plus à quoi ressemble une année littéraire sans un roman d’Amélie Nothomb, faut-il encore la présenter ? L’auteur aussi célèbre pour sa production horlogère que pour ses imposants chapeaux a quitté son Japon natal - thème de son crû 2013, La nostalgie heureuse – pour la France et pourrait à cette occasion décrocher le prix Renaudot. Amélie Nothomb et sa Pétronille figurent en effet parmi les cinq finalistes de la catégorie « Romans », aux côtés de David Foenkinos, Serge Joncour, Pierre-Yves Leprince et Jean-Jacques Moura. Le 5 novembre pourrait alors être l’occasion pour ces deux femmes au tempérament plus que trempé de sortir une bouteille de champagne. Elles ne sont plus à 180 pages près. Une amitié scellée à coupes de Dom Pérignon, d’émotion partagée, de temps morts, d’intensité retrouvée et de sévères disputes. L’amitié en somme.
Toutes deux sont écrivains mais l’une est auréolée du succès que l’on connaît, l’autre en a fait son ambition. Le narrateur - Amélie Nothomb pour nous servir - rencontre Pétronille Fanto au cours d’une séance de dédicaces. Elle a 22 ans et le culot en bandoulière. Le vieux singe tombera en admiration devant les grimaces de cet esprit insolent et frondeur. D’autant que, derrière la gouaille, se cache une profonde intelligence et un certain talent, spécialiste de la littérature élisabéthaine qui plus est. L’on suivra alors les méandres de cet attachement entre deux êtres que tout oppose, deux caractères et deux nations.
Indigène
Au cours d’une interview, Amélie Nothomb a raconté que Pétronille « est [son] roman exotique : son grand thème est la France, ce pays mystérieux que j’ai découvert le plus tard. Et croyez-moi que quand on débarque à la fois du Japon et de la Belgique, c’est l’exotisme absolu. Pétronille joue le rôle de l’indigène », ajoute-t-elle. Son impertinence à la Zazie dans le métro la rend « extrêmement française » aux yeux de l’auteur qui aura en plus trouvé en elle la compagne de beuverie idéale. Autre clin d’œil aux us et coutumes hexagonales.
Léger et pétillant, ce roman quasi-autobiographique – il raconte la véritable rencontre et le lien qui unit Amélie Nothomb à Stéphanie Hochet - rend également hommage à l’écriture, aux libraires et aux lecteurs, qui le rendent bien à son auteur. S’il ne pourra être retenu comme son œuvre la plus aboutie, il ne laisse pas de faire rire, piquant ça et là le conte de traits d’esprits fins et malicieux, voire de scènes génialement comiques. Telle cette interview de Vivienne Westwood qui enverra Amélie Nothomb en Angleterre pour la première fois de sa vie. « Cela m’avait été présenté comme un pont d’or or j’ai été reçue comme un chien, a-t-elle expliqué. Et je tiens à dire que je n’invente rien. C’est presque admirable : on me demanderait de recevoir aussi mal, je n’en serais pas capable. » La créatrice londonienne et son caniche lui firent en tout cas comprendre « pourquoi on parlait de perfide Albion ». Et furent eux aussi l’occasion de se resservir un verre entre amies. Pétronille se boit vite mais ne manque pas de saveur.
Pétronille
Amélie Nothomb
Albin Michel
180 p. – 16,50 €