La poudre de Perlimpinpin
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Bien sûr, ça aurait pu commencer plus mal.
New-york, son atmosphère revigorante et son ébullition artistique donnent le ton du début de ce roman.
Le héros, une crapule : Dennis Orphen. Jeune Rastignac de la plume, il défie les dimensions titanesques de l'empire américain dont avec les mots, il entreprend de dompter la démesure. Oui, Orphen est de ces êtres que rien n'arrête tant qu'ils ne sont pas totalement certains d'être parvenus en haut de l'échelle de la vanité.
Dans sa quête, il tourne papillon autour de deux femmes, deux antithèses de la féminité recroquevillées dans cet amour-propre qui le met sans cesse au diapason de l'éclat.
Corinne, la précieuse dont l'aspect naturel a plutôt le charme guilleret et un brin fourbe de ces spécieuses de l'artifice pour qui le fard doit recouvrir de façon obscène la naturelle paupière. Corinne qui trompe son mari comme elle change de rouge à lèvres trop préoccupée d'elle même pour donner aux autres ce dont elle est riche. Remarquez le néant ne se transmet pas sinon les contours qui le délimitent. L'envie de ne pas lui ressembler, à cet ersatz de la femme.
De l'autre côté, Effie. La classe faite femme, l'élégance dans un corps ondulé, une force enfouie qui fait rayonner ce petit bout de fragilité qu'un léger et tendre battement de cil trahit quelquefois. Effie, reine de l'effet et fée des reines, une femme inoubliable dont Dennis décide de s'inspirer pour écrire son premier roman.
Seulement, les vies ont une âme dont les textes témoignent avec trop d'impudeur et c'est la confiance qu'elle, Effie la terrible, vouait en lui que le jeune loup Orphen voit s'envoler dans les nuées factices de ce New-York des beaux quartiers.
Trahison, caviar, trahison, c'est à peine en exagérant les trois sujets du monde que Powell nous dépeint. On se croirait au laid milieu d'un de ces soap opéras où les protagonistes mélangent corps et âme corrompus avec celles des autres sans jamais y trouver une parcelle de cœur.
Un coup d'essai peut-être ? Car le roman est parfois remarquablement bien écrit. Dawn Powell a ceci de surprenant qu'elle peut parvenir à tisser, habile, une toile de mots dont les extrémités jointes font revivre à la perfection les imbroglios de ce New-York des artistes. Par longues tirades romanesques avec des mots triés sur le volet de la précision cathodique, la narratrice se démène pour attirer nos regards intérieurs vers les lueurs trépidantes de ses étoiles américaines. Et elle y réussit souvent créant ainsi de ces instants privilégiés pendant lesquels notre souffle court s'étonne devant le talent du phrasé et trépigne à savoir ce qui fera le chapitre d'après. Et c'est cela qui peut me faire dire que Dawn Powell a une certaine valeur d'écrivain, qu'elle fait partie, dans le petit univers de la création littéraire du domaine du possiblement beau mais jamais de celui du sublime.
Car de cette histoire l'on ne retient finalement qu'une chose : l'insoutenable superficialité. Si la Roue est donc magique, c'est à l'image de ces tours d'escrocs fantoches qui, aux enfants, volent les larmes cristallines. Magnifiques le temps d'un bref moment, ils les enchantent pour mieux les perdre la magie s'apaisant ensuite. Magie trop courte et jamais captive, magie de la perte et de l'aveuglement, magie des larmes des enfants qui rêvent un monde qu'aucun geste n'aura encore sali.
Céline Mas
Tourne, roue magique
Dawn Powell
Ed. Table ronde
285 p / 19 €
ISBN: 2912517176