Feuilles d'automne : qu'elle était dorée ma rentrée

Enquêtes
Pas question de rencontrer les livres sans passer aux rayons X.
Deux plantons gardent le dit nouveau temple de la littérature. La
rentrée se fait dorénavant sous les lambris du Sénat et non plus
près des sources vives de Forges-les-eaux, comme dans les
éditions précédentes.
tte année c’est Christian Poncelet, deuxième figure de l’Etat, qui
inaugure la troisième édition des Feuilles d’automne.
Derrière ces « feuilles » se cachent la rencontre d’une centaine
d’auteurs et de leurs lecteurs, sous l’œil intéressé des éditeurs.
Au programme : débats, tables rondes, lectures par les auteurs
et la fameuse Bibliothèque idéale, quand les auteurs «
parlent des livres qui leur sont chers ». Les bouquins sont à
l’honneur dans la cour du même nom. Alors oui, on retrouve une
sorte de compil' de la rentrée, d’Hédi Kaddour à Arnaud Cathrine
en passant par Pierre Péju ou Véronique Olmi. Et puis parce
que Feuilles d’automne est aussi un rendez vous d’habitués,
Hafid Aggoune, Philippe Besson…
Mais voilà, derrière ces alléchantes rencontres se glisse une
facture plutôt scolaire des débats masquant mal le peu d’intérêt
suscité auprès du grand public par le festival. Seules les
locomotives attirent sur leur nom : la tente où Darrieussecq
détaille sa bibliothèque idéale dégueule de participants. Le
reste du public est clairsemé, en un curieux mélange de
couples de profs cahin-cahants, de "wannabees" dans l’édition
tout juste vingtenaires en intégral Isabel Marant, de coiffés
décoiffés en converse « vintage » et veste en velours malgré le
beau soleil qui baigne la cour intérieure où se dressent les
tentes. Un rendez vous populaire au milieu d’un gérontodrome?

Dans l’ombre du clone triste

Au milieu de ce qu’il convient d’appeler la sélection du mois, la
rentrée peut avoir lieu. Toutefois quand le petit monde littéraire
marche avec un torticolis qui l’empêche de voir devant, ça donne
ce que les psychanalystes appellent de la dénégation, avec
Houellebecq dans le rôle du vent mauvais –beaufort 10 vu la
taille de la crampe : " Non, non, non, non Houellebecq n’est
pas là, Houellebecq n’est qu’un évènement, pas un écrivain
»
, psalmodie-t-on en choeur. Mantra plutôt flatteur pour le
grand absent de ce festival des Feuilles d’Automne.
Malheureusement, son ombre médiatiquement trismégiste
portait jusqu’au Sénat, ce qui a donné quelques scènes
croquignolesques de convives repoussant du pied avec un
rictus un plat trop commun pour eux « Les grosses
machines imposées, commerciales »
. Très peu pour Guy
Konopnicky, qui aura au moins le mérite d’avoir abordé le sujet
franchement, dans son style franco de port, au cours d’un débat
sur les rapports contrariés entre libraires et critiques, intitulé : «
je t’aime moi non plus ». En plein dedans.
On était entre gens bien, au Sénat. Pas de Houellebecq qui
tienne, en tous cas pas pour Gilles Rozier, auteur de la récente
Promesse d’Oslo, qui en appelle au « Respect » –la
majuscule n’est pas une coquille vu son air compassé- pour
éviter le sujet qui fâche devant Liana Levy et Anne Gallimard. La
question du modérateur était pourtant bien innocente, lui qui
comptait juste demander à Raphaël Sorin, présent dans le
public comment était né le titre « la Possibilité d’une île
»
. Lequel Sorin tourne les talons. L’honneur est sauf.
Quoique… La rentrée littéraire, drapée hier des Feuilles
d’Automne bien vertes que nous ramassions à Forges, s’est
mal accommodée cette année de la dorure sénatoriale. Et c'est
bien connu, les vieilles branches ne font pas bon ménage avec
les belles feuilles. Dommage.

Laurent Simon

Charles Patin_O_Coohoon

Feuilles d'automne

Ed.
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Last modified onmardi, 09 juin 2009 19:32 Read 5117 times