La saga Bourdin
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Saga, famille, rivalité, héritage, à travers ses grands thèmes littéraires, Françoise Bourdin s'est imposée comme l'une des auteurs les plus lus en France mais aussi une des moins connues. Injustice ?
Vous écrivez depuis toujours…
J’ai eu un début de vie très riche. Avec la chance de présenter un livre chez Julliard très tôt où j’ai rencontré Marcel Jullian. Il n’avait pas spécialement aimé le roman mais il voulait me faire confiance pour la suite. J’ai présenté un deuxième livre beaucoup plus tourné sur la fiction. Le premier roman n’est jamais vraiment une fiction, on veut raconter l’histoire de sa vie, mais sa propre vie, elle n’est pas passionnante quand on a un vingtaine d’année. Après avoir évacué tout ça, je pouvais vraiment me consacrer à la fiction.
Comment devient-on un des rares auteurs à pouvoir vivre de sa plume ?
Je propose un troisième roman chez Julliard, certainement pas très inspiré. Ils me demandent d’en faire un sur un autre sujet. Du coup je pars faire mille autres choses sans m’intéresser à ça. Je me marie avec un ami d’enfance, nous avons deux filles et la vie s’enchaîne… Avec l’idée qu’un jour je me remettrai à écrire. Mon mari monte un cabinet médical en province, je le suis. Un jour les filles passent devant le cabinet avec le nom de leur père sur la plaque. Elles me disent « alors ça c’est papa, et toi t’es rien ». Ca m'a fait l’effet d’un électrochoc. J’avais fait tant de choses quand j’étais jeune et à présent je ne faisais rien. Je suis la mère de deux filles que j’aime par-dessus tout mais je ne fais rien. J’envoie alors les manuscrits que j’avais dans mes tiroirs à toutes les maisons. Je me rends compte que personne ne m’attend, que dix années sont passées. Ca été assez dur. Et à vingt-quatre heure d’intervalle, j’ai cette chance incroyable que Denoël m’appelle et me dit « On prend » puis, La table Ronde : « On en prend un autre ». Coup sur coup je sors deux bouquins! Mon mari me dit ça ne vas pas être possible, que je ne vais pas aller à Paris pour me faire éditer… Nous nous séparons. A partir de ce moment, je reste chez Denoël, avec l’idée d’écrire sur ce que j’ai toujours aimé, les sagas, les histoires de famille. Je me retrouve donc chez Belfond qui était l’éditeur idéal pour ça. Je publie Les Vendanges de Juillet, tout se passe si bien que Belfond me demande une suite. Tout s’est enclenché.
Vous semblez vouloir vous inscrire dans une tradition de grands récits français ?
Les longs étés de mon enfance à la campagne correspondent à l’arrivée du livre de poche, pas cher, belle couverture, j’en prends des piles et des piles. Je dévore Les Grandes familles de Druon, Les Boussardel, de Hériat, les Bazin, Troyat. Et j’ai eu un coup de folie pour Giono, cet enracinement dans la terre. J’aime écrire sur les familles, les impossibilités, les rivalités…
Des thèmes de prédilection qui s’ancrent souvent dans le terroir ?
Ce qui est important pour moi c’est d’abord la toile de fond. Je n’écris que sur les régions que je connais. Saint-Malo, j’y ai passé du temps pour pouvoir parler des armateurs, le Jura est une région où je suis souvent allée et qui m’offrait un cadre idéal pour une narration plus sombre. On ne peut pas mentir aux lecteurs sur les régions. Ils les connaissent par cœur. J’aime également écrire sur les grandes propriétés, elles permettent aux lecteurs de s’évader, de rêver. C’est le plus important.
Vous êtes un auteur parmi les plus populaires en France et pourtant la presse ne parle jamais de vos livres. Les journalistes vous boudent-ils ?
Si on cumule toutes les éditions, chaque année je vends plus de 400 000 livres. Ce sont des beaux chiffres et pourtant il y a un « bouding » de la presse. Le roman populaire est incroyablement mal vu. Saga est un mot vulgaire. Je ne sais pas pourquoi c’est devenu quelque chose de si méprisable. Que Télérama ne fasse pas d’articles sur mes romans je le comprends parfaitement, mais que des titres comme Voici ou Gala refusent de parler de fictions grand public, je trouve ça dommage pour des journaux populaires. Heureusement, la presse de province n’est pas comme ça. Il m’est arrivé d’avoir de très beau papiers dans Sud-Ouest ou la Montagne qui tirent, eux, à beaucoup d’exemplaires.
Ce n’est pas la presse qui m’a faite et ce n’est pas la presse qui va me défaire, je préfère avoir des lecteurs plutôt que des critiques, des droits d’auteurs plutôt que des papiers, mais il y a un moment où c’est un peu asphyxiant.
A défaut d’avoir de la presse, bénéficiez-vous de campagnes de pubs ?
Nous avons faits des campagnes d’affichage dans le train, les T.E.R. Auparavant nous faisions Europe 1 mais on s’est rendu compte que RTL était mieux ciblé. Et puis les féminins, Elle, le Figaro Madame… Concernant le dernier (Les Bois de Battandière), nous avions un partenariat important avec toutes les radios France Bleue. Résultat, le livre se vend extrêmement bien en région.
Comment s’organisent les parutions entre les différentes éditions ?
Chez Belfond, je signe pour un roman à chaque fois sauf pour les suites où on s’accorde dès le début, ça fait 16 ans que ça dure. France Loisirs choisit de faire des inédits. C’est un contrat qu’ils passent avec l’éditeur qui leur permet de sortir de temps en temps un livre en exclusivité avant sa parution chez Belfond. D’ailleurs quand je sors un livre chez eux, les résultats sont aussi bons l’année suivante quand il sort en librairie. Ce n’est pas le même public. Et France Loisirs a une puissance de feux impressionnante : plus de 4 millions d’adhérents. Ils sont prescripteurs de 16 millions de livres par an. En 2005, ils sortent un inédit L’inconnue de Peyrolles. On en vend 375 000, c’est absolument phénoménal.
Vous avez publiez également deux romans très différents des autres…
J’avais tendance à être enfermée dans un genre « roman à l’eau de rose », avec la façade de château et le ciel bleu en couverture, décliné sur tous les bouquins. Heureusement ça a changé chez Belfond et j’ai un droit de regard beaucoup de choses. Mais j’ai surtout la chance que Belfond me laisse libre de faire des parenthèses. Je l’ai fait avec deux romans Comme un frère qui était très noir, et que, chose rare, France Loisirs a décidé de rééditer et puis Objet de toutes les convoitises [qui traite de l’homosexualité, NDLR]. Evidemment le livre a moins bien marché. Les retours étaient formidables bien que déstabilisés. Non pas par le sujet de livre mais parce qu’il se passait exclusivement en Angleterre et que le lecteur ne pouvait pas s’identifier à une région qu’il connaissait..
Charles Patin_O_Coohoon
Françoise Bourdin
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
Vous écrivez depuis toujours…
J’ai eu un début de vie très riche. Avec la chance de présenter un livre chez Julliard très tôt où j’ai rencontré Marcel Jullian. Il n’avait pas spécialement aimé le roman mais il voulait me faire confiance pour la suite. J’ai présenté un deuxième livre beaucoup plus tourné sur la fiction. Le premier roman n’est jamais vraiment une fiction, on veut raconter l’histoire de sa vie, mais sa propre vie, elle n’est pas passionnante quand on a un vingtaine d’année. Après avoir évacué tout ça, je pouvais vraiment me consacrer à la fiction.
Comment devient-on un des rares auteurs à pouvoir vivre de sa plume ?
Je propose un troisième roman chez Julliard, certainement pas très inspiré. Ils me demandent d’en faire un sur un autre sujet. Du coup je pars faire mille autres choses sans m’intéresser à ça. Je me marie avec un ami d’enfance, nous avons deux filles et la vie s’enchaîne… Avec l’idée qu’un jour je me remettrai à écrire. Mon mari monte un cabinet médical en province, je le suis. Un jour les filles passent devant le cabinet avec le nom de leur père sur la plaque. Elles me disent « alors ça c’est papa, et toi t’es rien ». Ca m'a fait l’effet d’un électrochoc. J’avais fait tant de choses quand j’étais jeune et à présent je ne faisais rien. Je suis la mère de deux filles que j’aime par-dessus tout mais je ne fais rien. J’envoie alors les manuscrits que j’avais dans mes tiroirs à toutes les maisons. Je me rends compte que personne ne m’attend, que dix années sont passées. Ca été assez dur. Et à vingt-quatre heure d’intervalle, j’ai cette chance incroyable que Denoël m’appelle et me dit « On prend » puis, La table Ronde : « On en prend un autre ». Coup sur coup je sors deux bouquins! Mon mari me dit ça ne vas pas être possible, que je ne vais pas aller à Paris pour me faire éditer… Nous nous séparons. A partir de ce moment, je reste chez Denoël, avec l’idée d’écrire sur ce que j’ai toujours aimé, les sagas, les histoires de famille. Je me retrouve donc chez Belfond qui était l’éditeur idéal pour ça. Je publie Les Vendanges de Juillet, tout se passe si bien que Belfond me demande une suite. Tout s’est enclenché.
Vous semblez vouloir vous inscrire dans une tradition de grands récits français ?
Les longs étés de mon enfance à la campagne correspondent à l’arrivée du livre de poche, pas cher, belle couverture, j’en prends des piles et des piles. Je dévore Les Grandes familles de Druon, Les Boussardel, de Hériat, les Bazin, Troyat. Et j’ai eu un coup de folie pour Giono, cet enracinement dans la terre. J’aime écrire sur les familles, les impossibilités, les rivalités…
Des thèmes de prédilection qui s’ancrent souvent dans le terroir ?
Ce qui est important pour moi c’est d’abord la toile de fond. Je n’écris que sur les régions que je connais. Saint-Malo, j’y ai passé du temps pour pouvoir parler des armateurs, le Jura est une région où je suis souvent allée et qui m’offrait un cadre idéal pour une narration plus sombre. On ne peut pas mentir aux lecteurs sur les régions. Ils les connaissent par cœur. J’aime également écrire sur les grandes propriétés, elles permettent aux lecteurs de s’évader, de rêver. C’est le plus important.
Vous êtes un auteur parmi les plus populaires en France et pourtant la presse ne parle jamais de vos livres. Les journalistes vous boudent-ils ?
Si on cumule toutes les éditions, chaque année je vends plus de 400 000 livres. Ce sont des beaux chiffres et pourtant il y a un « bouding » de la presse. Le roman populaire est incroyablement mal vu. Saga est un mot vulgaire. Je ne sais pas pourquoi c’est devenu quelque chose de si méprisable. Que Télérama ne fasse pas d’articles sur mes romans je le comprends parfaitement, mais que des titres comme Voici ou Gala refusent de parler de fictions grand public, je trouve ça dommage pour des journaux populaires. Heureusement, la presse de province n’est pas comme ça. Il m’est arrivé d’avoir de très beau papiers dans Sud-Ouest ou la Montagne qui tirent, eux, à beaucoup d’exemplaires.
Ce n’est pas la presse qui m’a faite et ce n’est pas la presse qui va me défaire, je préfère avoir des lecteurs plutôt que des critiques, des droits d’auteurs plutôt que des papiers, mais il y a un moment où c’est un peu asphyxiant.
A défaut d’avoir de la presse, bénéficiez-vous de campagnes de pubs ?
Nous avons faits des campagnes d’affichage dans le train, les T.E.R. Auparavant nous faisions Europe 1 mais on s’est rendu compte que RTL était mieux ciblé. Et puis les féminins, Elle, le Figaro Madame… Concernant le dernier (Les Bois de Battandière), nous avions un partenariat important avec toutes les radios France Bleue. Résultat, le livre se vend extrêmement bien en région.
Comment s’organisent les parutions entre les différentes éditions ?
Chez Belfond, je signe pour un roman à chaque fois sauf pour les suites où on s’accorde dès le début, ça fait 16 ans que ça dure. France Loisirs choisit de faire des inédits. C’est un contrat qu’ils passent avec l’éditeur qui leur permet de sortir de temps en temps un livre en exclusivité avant sa parution chez Belfond. D’ailleurs quand je sors un livre chez eux, les résultats sont aussi bons l’année suivante quand il sort en librairie. Ce n’est pas le même public. Et France Loisirs a une puissance de feux impressionnante : plus de 4 millions d’adhérents. Ils sont prescripteurs de 16 millions de livres par an. En 2005, ils sortent un inédit L’inconnue de Peyrolles. On en vend 375 000, c’est absolument phénoménal.
Vous avez publiez également deux romans très différents des autres…
J’avais tendance à être enfermée dans un genre « roman à l’eau de rose », avec la façade de château et le ciel bleu en couverture, décliné sur tous les bouquins. Heureusement ça a changé chez Belfond et j’ai un droit de regard beaucoup de choses. Mais j’ai surtout la chance que Belfond me laisse libre de faire des parenthèses. Je l’ai fait avec deux romans Comme un frère qui était très noir, et que, chose rare, France Loisirs a décidé de rééditer et puis Objet de toutes les convoitises [qui traite de l’homosexualité, NDLR]. Evidemment le livre a moins bien marché. Les retours étaient formidables bien que déstabilisés. Non pas par le sujet de livre mais parce qu’il se passait exclusivement en Angleterre et que le lecteur ne pouvait pas s’identifier à une région qu’il connaissait..
Charles Patin_O_Coohoon
Françoise Bourdin
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Last modified onsamedi, 18 avril 2009 17:56
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