Les dessous du livre : Philippe Lefait
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Ils sont peu nombreux les mots, à minuit, à voler sur le paysage audiovisuel français. Et pourtant…Dans sa série consacrée aux dessous du monde littéraire, Zone a choisi cet été d’explorer un autre acteur du cycle du livre : l’émission télé. La grille des programmes a pris ses quartiers d’été, l’occasion pour Zone d’aller rendre visite à Philippe Lefait et son émission des « Mots de minuit ».
Comment fait-on une émission comme « Des mots de minuit » ?
Il y a plusieurs couleurs sur la palette du journaliste, le grand reportage, la présentation… on peut dire qu’une émission culturelle c’est une autre exploration. Ca c’est une version plus neutre de la réponse.
Il y a sans doute une autre version plus polémique, aujourd’hui, je ne me sens plus de m’inscrire dans les formats pratiqués par les quotidiens de l’audiovisuel. Ces formats de fabrications, ces formats de hiérarchies, ces formats d’intérêts ne m’intéressent plus. Et à un moment donné de mon parcours professionnel, il m’a semblé juste voire judicieux d’aller explorer des terrains que je ne connaissais pas forcément ou peu et qui me permettaient de rester dans des codes journalistiques qui étaient les miens.
Pourquoi choisir dans ce cas le format d’une émission culturelle ? Pourquoi les livres ?
Le livre a toujours été pour moi un compagnon de route. Quelque soit la situation que j’ai couverte comme reporter ou grand reporter, j’ai toujours un livre avec moi. Le livre a toujours constitué un moment de repli, une bulle. C’est un moment où l’on peut s’extraire d’une situation sinon difficile peut-être compliquée. Je crois que c’est Dolto qui disait qu’entre deux passions, elle lisait une page de Racine. J’aime bien cette idée. Le livre comme méditation, une parenthèse.
Comment construit-on une émission comme Des mots de minuit ?
Des mots de minuit n’est pas une émission polémique. C’est une émission qui fonctionne sur l’élection. Une petite équipe et une grande amitié. On fonctionne à la curiosité. Ce qui fait qu’à un moment donné, chacun d’entre nous rencontre un auteur, un metteur en scène, un musicien. Il n’y a pas d’architecture de l’émission. On fonctionne à l’affectif et au ressenti. Ensuite on voit comment ce ressenti va avec telle pièce, tel film ou tel livre. Ca vient immédiatement. C’est-à-dire Jean Echenoz et Anna Thompson, oui, ça l’fait, pour utiliser la formule du moment. Mais le parce que vient après. C’est très intuitif et ça part d’un amour, d’un respect d’une œuvre.
Combien de temps mettez-vous pour préparer une émission ? Est-ce que vous devez toujours coller le plus à l’actualité culturelle ?
Pour ce qui est de la littérature ou des arts plastiques, on peut être hors actualité. Pour le cinéma, on est forcément dans une zone d’actualité. Le secteur est à ce point verrouillé, qu’il est impensable de faire quelque chose dans ce que eux appellent la promotion. Et au final, l’actualité n’est que prétexte.
Dans quel mesure la télévision est un medium riche pour la littérature , voire le plus intéressant ?
Je ne sais pas si c’est le medium le plus adapté au livre, mais ce qui est incontournable, c’est la nécessité de lire. La dimension de la voix, de la position de la personne sont des indications. Il ne s’agit jamais d’aller chercher l’intime mais essayer de voir comment se met en place le processus de création. Par exemple, j’ai reçu Pierre Pachet pour un livre qui s’appelle l’Amour dans le Temps. En lisant le livre qui traite de la libido, du désir ; je sens une culpabilité chez l’auteur, que je ne connais que parce que je l’ai lu. (J’essaie toujours de ne pas faire l’interview avant l’interview). Et l’auteur sur le plateau exprimait avec son corps cette forme de culpabilité. Et là, le livre retrouve son auteur. C’est un exemple certes un peu caricatural de l’intérêt d’avoir face à soi l’auteur de l’oeuvre.
Le fait d’avoir l’image au service du livre ne le sert-il pas ? Ne lui donne t-il pas plus de pouvoir ?
C’est beau un livre. Et c’est vrai que la rencontre livre-objet, auteur et lecteur-journaliste apporte une autre dimension à l’œuvre. Moi quand je vois un livre annoté sur le plateau « Des Mots.. » ou d’une autre émission, j’ai du respect pour l’objet. Ca n’apporte pas grand chose au spectateur, mais il partage le livre avec le journaliste.
Cet entretien a été réalisé dans le cadre des "Journées du Livre et du Vin" à Saumur, que Zone littéraire tient à remercier.
Charles Patin_O_Coohoon
Philippe Lefait
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
Comment fait-on une émission comme « Des mots de minuit » ?
Il y a plusieurs couleurs sur la palette du journaliste, le grand reportage, la présentation… on peut dire qu’une émission culturelle c’est une autre exploration. Ca c’est une version plus neutre de la réponse.
Il y a sans doute une autre version plus polémique, aujourd’hui, je ne me sens plus de m’inscrire dans les formats pratiqués par les quotidiens de l’audiovisuel. Ces formats de fabrications, ces formats de hiérarchies, ces formats d’intérêts ne m’intéressent plus. Et à un moment donné de mon parcours professionnel, il m’a semblé juste voire judicieux d’aller explorer des terrains que je ne connaissais pas forcément ou peu et qui me permettaient de rester dans des codes journalistiques qui étaient les miens.
Pourquoi choisir dans ce cas le format d’une émission culturelle ? Pourquoi les livres ?
Le livre a toujours été pour moi un compagnon de route. Quelque soit la situation que j’ai couverte comme reporter ou grand reporter, j’ai toujours un livre avec moi. Le livre a toujours constitué un moment de repli, une bulle. C’est un moment où l’on peut s’extraire d’une situation sinon difficile peut-être compliquée. Je crois que c’est Dolto qui disait qu’entre deux passions, elle lisait une page de Racine. J’aime bien cette idée. Le livre comme méditation, une parenthèse.
Comment construit-on une émission comme Des mots de minuit ?
Des mots de minuit n’est pas une émission polémique. C’est une émission qui fonctionne sur l’élection. Une petite équipe et une grande amitié. On fonctionne à la curiosité. Ce qui fait qu’à un moment donné, chacun d’entre nous rencontre un auteur, un metteur en scène, un musicien. Il n’y a pas d’architecture de l’émission. On fonctionne à l’affectif et au ressenti. Ensuite on voit comment ce ressenti va avec telle pièce, tel film ou tel livre. Ca vient immédiatement. C’est-à-dire Jean Echenoz et Anna Thompson, oui, ça l’fait, pour utiliser la formule du moment. Mais le parce que vient après. C’est très intuitif et ça part d’un amour, d’un respect d’une œuvre.
Combien de temps mettez-vous pour préparer une émission ? Est-ce que vous devez toujours coller le plus à l’actualité culturelle ?
Pour ce qui est de la littérature ou des arts plastiques, on peut être hors actualité. Pour le cinéma, on est forcément dans une zone d’actualité. Le secteur est à ce point verrouillé, qu’il est impensable de faire quelque chose dans ce que eux appellent la promotion. Et au final, l’actualité n’est que prétexte.
Dans quel mesure la télévision est un medium riche pour la littérature , voire le plus intéressant ?
Je ne sais pas si c’est le medium le plus adapté au livre, mais ce qui est incontournable, c’est la nécessité de lire. La dimension de la voix, de la position de la personne sont des indications. Il ne s’agit jamais d’aller chercher l’intime mais essayer de voir comment se met en place le processus de création. Par exemple, j’ai reçu Pierre Pachet pour un livre qui s’appelle l’Amour dans le Temps. En lisant le livre qui traite de la libido, du désir ; je sens une culpabilité chez l’auteur, que je ne connais que parce que je l’ai lu. (J’essaie toujours de ne pas faire l’interview avant l’interview). Et l’auteur sur le plateau exprimait avec son corps cette forme de culpabilité. Et là, le livre retrouve son auteur. C’est un exemple certes un peu caricatural de l’intérêt d’avoir face à soi l’auteur de l’oeuvre.
Le fait d’avoir l’image au service du livre ne le sert-il pas ? Ne lui donne t-il pas plus de pouvoir ?
C’est beau un livre. Et c’est vrai que la rencontre livre-objet, auteur et lecteur-journaliste apporte une autre dimension à l’œuvre. Moi quand je vois un livre annoté sur le plateau « Des Mots.. » ou d’une autre émission, j’ai du respect pour l’objet. Ca n’apporte pas grand chose au spectateur, mais il partage le livre avec le journaliste.
Cet entretien a été réalisé dans le cadre des "Journées du Livre et du Vin" à Saumur, que Zone littéraire tient à remercier.
Charles Patin_O_Coohoon
Philippe Lefait
Ed.
0 p / 0 €
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Last modified onlundi, 08 juin 2009 20:55
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