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22

Oct

2003

Amette, Goncourt du centenaire Imprimer
Écrit par L'équipe de Zone   

Les 21 octobre 2003 remplacent les 3 novembre. C’est ce jour-là que les jurés du prix littéraire le plus prestigieux, le prix Goncourt, devaient décerner leur récompense. Mais comme pour marquer sa jeunesse l’année de son centenaire, le prix Goncourt a été dévoilé avec quinze jours d’avance.

Goncourt plus vite que les autres

Le roman de Jacques-Pierre Amette, La Maîtresse de Brecht (Albin Michel), a ainsi obtenu la distinction au cinquième tour de scrutin par sept voix contre deux pour Windows on the world (roman de Frédéric Beigbeder, publié par Grasset) et une à Dans la guerre d’Alice Ferney (Actes Sud). Le jury a d’emblée affirmé que « la récompense voulue et créée par Edmond de Goncourt […] sera donc en 2003 particulièrement attrayante et commentée ». Dont acte.

Ainsi les jurés ont-ils justifié leur vélocité en prétendant qu’il leur était « apparu dommage que l’écrivain bénéficiaire de cette distinction exceptionnelle ne soit peut-être pas, à cause d’un ordre des dates et d’alternance, notre préféré parce que ce dernier aurait déjà été choisi par un autre jury. C’est pourquoi nous avons pris la liberté de faire connaître quelques jours en avance notre choix. » Cet épisode burlesque renvoie à la difficulté de ces prix littéraires qui, s’ils visent à magnifier l’écriture, instillent dans le monde des lettres une donnée qui lui est essentiellement étrangère : la compétition. Après celle entre les auteurs, 2003 innove en organisant celle des prix, dans une mise en abyme de plus en plus dérangeante.

Mais la récompense se voulait cette année « attrayante » (sic). Quand Edmond de Goncourt (que l’on ne tiendra pas naïvement pour un auteur éloigné des mondanités, des distinctions et de tout ce qui gravite autour de la littérature, sans en être) créa sa distinction, le seul et unique but était de décerner un prix « au meilleur volume d’imagination en prose ». Or, le choix du qualificatif « attrayant » renvoie à la balance que La Maîtresse de Brecht est censée effectuer avec le précédent Goncourt, Les Ombres errantes (Grasset) de Quignard. L’an dernier, le jury avait choisi un auteur méconnu du grand public mais reconnu pour sa maîtrise de la langue (et même déjà entré dans l’histoire littéraire); cette année, le prix renoue avec une conception plus instantanée de la littérature en distinguant un roman qui ne subira pas la critique de l’hermétisme, susceptible même de trouver un large lectorat.

Les amours contrariées de Maria Eich

Dans son roman La Maîtresse de Brecht, Jacques-Pierre Amette, critique littéraire du Point depuis trente ans, invente une maîtresse de plus à l’écrivain Bertold Brecht, actrice que celui-ci engage pour jouer Antigone au sein du Berliner Ensemble qu’il dirige, après plusieurs années d’exil, dans la RDA d’après-guerre. La comédienne, nommée Maria Eich, sera cependant approchée par la Stasi pour espionner l’auteur et devra alors se partager entre son travail d’actrice et ses missions d’espionne. Entre sa relation d’amante officielle de l’auteur génial et odieux et son amour passionné, platonique, pour l’officier qui l’a recrutée, Hans Trow.

Amette joue là avec les difficultés de cette femme d’assumer les rôles qu’on lui demande de jouer. La dissection d’une relation qui en cache une autre.



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