Le 18 novembre dernier, tout le microcosme éditorial s'était donné rendez-vous au Flore, haut lieu du parisianisme germano-pratin, pour y célébrer le dixième anniversaire du prix le moins académique des récompenses littéraires. Au milieu d'une joyeuse cacophonie, Frédéric Beigbedder entouré de tous les jurés (citons Philippe Vandel, Frédéric Taddeï, Arnaud Viviant, Jacques Braunstein etc.) proclame l'américain Bruce Benderson onzième lauréat du Flore, avec son Autobiographie érotique, un texte écrit directement en français et édité aux éditions Rivages.
Pour ces dix ans, Flammarion a publié en octobre un recueil de dix nouvelles inédites composées par chacun des lauréats. Quelques textes en vrac font office de préface. L'un deux, signé par les propriétaires des lieux, Colette et Miroslav Siljegovic, et Carole Chrétiennot (RP du Flore et membre du jury), nous parle ainsi d'un "grand échalas avec un grand menton et un grand nez sur lequel était posé une grande paire de lunettes » venu un jour leur proposer « transformer la littérature mondiale en général et la grammaire française en particulier ». Ainsi que l'explique le même grand échalas - pour ceux qui n'auraient pas saisi « le président autoproclamé à vie » Frédéric Beigbedder - en échange des 6000 € et du verre quotidien de Pouilly fumé pendant un an qu'offre le prix, chaque vainqueur devait se fendre d'une nouvelle sur le prix de Flore.
C'est donc avec amusement qu'on lit le récit du jour J vu par ses lauréats, d'abord anxieux - vais-je être l'Elu ? - puis subissant les affres du trac au moment de la remise, pour enfin profiter jusqu'au bout de la nuit de leur statut d'héros de la soirée.
A un Ravalec résolument comique : « 40000 francs, merde alors, c'est vrai que ça vaut le coup d'écrire », répond la nostalgie d'un Jacques A. Bertrand : « Le lendemain (....) je me sentais un peu déprimé (...) le lendemain on prend conscience que, tout compte fait, (...) le combat est plus intéressant que la victoire ». Et tandis que Houellebec se défend d'une certaine réputation d'auteur insaisissable - « je suis un écrivain normal » - le toujours drôle Philippe Jaenada transforme cette soirée littéraire en une douce débauche érotique où il finit dans les bras de Valérie Kapriski. Heureux homme.
Suivent ensuite les récits de Dustan, Rey, Donner, Bouillier et Mérot, où chacun imprègne de sa personnalité et de son style le récit d'une soirée pas comme les autres. La seule femme gagnante du prix , Virginie Despentes, est aussi la seule à n'avoir pas joué le jeu. Elle nous livre au contraire un texte étrange tournant autour d'un foulard qui rend celui qui le porte irrésistible. Surprenante et déconcertante, cette nouvelle est finalement la seule dont on se souvienne vraiment.
Car en imposant le sujet du récit à ses auteurs, ce recueil trouve hélas ses propres limites. La redondance est en effet inévitable même si chacun, bien intentionné, a cherché à donner à son texte la sincérité du vécu. On n'en voudra pas aux jurés du Flore, leur choix a toujours été judicieux. On n'en voudra pas non plus au auteurs, qui ont tous mérité leur récompense. Mais lisez plutôt leurs romans, leur oeuvre vaut plus que leur prix.
Maïa Gabily
Des Nouvelles du Flore
Collectif
Ed. Flammarion
162 p / 15 €
ISBN: FF871504IX
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