Dans un monde dominé par l’image, où l’on tombe, à chaque coin de rue, sur un homme ou une femme dans une position lascive, nous invitant à la volupté et au plaisir immédiat, pourquoi certains s’acharnent-ils donc à s’encombrer de mots pour décrire l’évidence?
Pour le néophyte, les récits érotiques se suivent et se ressemblent. Une logorrhée de propos plus ou moins crades illustrant toujours un sujet unique et rébarbatif : le sexe. Mais c’est oublier qu’écrire le sexe, ce n’est pas forcément retranscrire le Kamasutra et offrir au lecteur une liste de positions. Ce n’est pas forcément non plus sombrer dans les pires exactions, se vautrer dans la fange et imaginer les pires fantasmes de soumission. Écrire le sexe c’est, comme dans tout travail d’écriture, raconter une histoire. Dans un polar, il y aura toujours un meurtre ou plusieurs, une enquête, des adjuvants, des opposants et une explosion finale. Dans le récit érotique apparaissent également des codes immuables comme la présence d’un partenaire ou plusieurs, des scènes clefs où l’atmosphère bascule... Ainsi, l’érotisme est souvent décrié en littérature alors que tous les auteurs ont abordé un jour, même si le sexe n'était qu'enclavé dans leur récit et ne le résumait pas. Définition d’un genre Certains, comme Esparbec, surnommé « le dernier des pornographes », cherchent à captiver le lecteur, à l’emmener dans un récit purement fictionnel où le fantasme prédomine sans tabous, mais sans pour autant négliger les qualités littéraires. D’autres recherchent dans l’écriture de l’érotisme une véritable confession. On a vu ainsi fleurir des récits comme La vie sexuelle de Catherine M. qui servent d’exutoire à l’auteur. On ne compte plus également dans cette même veine les récits autobiographiques mettant en scènes maîtresses et esclaves. Dans un style plus délicat, certains se servent de l’écriture érotique pour magnifier leur amour envers leur partenaire, il s’agira alors plus d’une ode en l’honneur de la personne aimée, s’occupant à rappeler leurs moments intimes et la puissance de leur bonheur au reste du monde. Existent également des textes appartenant à un genre différent mais se servant de l’érotisme comme toile de fond, prenant conscience qu’il s’agit d’une dominante de notre société. On trouve ainsi des récits de science-fiction, ou des témoignages de société. Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’une liste exhaustive, il existe de nombreux essais traitant de l’érotisme comme la collection Attrape cœur de la maison d’édition La Musardine, des revues, des bandes dessinées ou des beaux livres. L’érotisme a cela qu’il peut se servir de tous les supports et être présent dans différents rayonnages. Il perfuse facilement: c’est un genre qui parle à tous. Si peu de gens se sont un jour retrouvés à la poursuite d’un "serial-killer" comme dans un polar, beaucoup ont un jour fait ou feront l’amour. La littérature érotique trouve sa place dans le catalogue de la plupart des éditeurs, mais plus particulièrement dans les collections de poche : chez Pocket, J’ai Lu ou Allia. Deux éditeurs dominent cependant le marché de l’érotisme livresque, La Musardine et les éditions Blanches. La première publication de la Musardine date de 1996, proposant une douzaine de romans érotiques par an, mais aussi des bandes dessinées, des essais ou plus rarement des Beaux livres. Plus récentes, les éditions Blanches restent centrées sur l’actualité et le roman. De l’importance de l’érotisme La lecture érotique, sauf en cas de témoignage écrit, n’est que fantasme. Elle fut de tout temps vilipendée et critiquée comme corruptrice de la jeunesse mais il est évident que des récits comme ceux de Pierre Louÿs ne sont pas une incitation à la débauche mais bien à l’imaginaire. Le récit érotique est une lecture plaisante, souvent excitante, une base solide sur laquelle l’esprit peut vagabonder. En effet, contrairement à l’image, l’écrit permet au lecteur de s’accaparer l’orgasme. Et si l’on a retrouvé dans les tranchées de la Première guerre Mondiale pléthore de récits érotiques, c’était sans aucun doute pas parce que les poilus étaient des pervers polymorphes mais ben qu'ils voulaient s'échapper de l'enfer un instant. Si la lecture d’un tel récit libère, sa conception également. Il est difficile de pouvoir trouver ses mots, de faire la description d’une sodomie en essayant de lui insuffler autre chose que le caractère animal d’un tel acte. Il est difficile également de ne pas sombrer dans une mièvrerie que l’on retrouve malheureusement dans la plupart des textes érotiques, certains auteurs étant persuadés que l’usage de la poésie et de mots désuets sublimera l’acte, somme toute banal, de faire l’amour. Difficile également de ne pas tomber dans l’excès inverse et d’éviter de faire vomir le lecteur avec des scènes d’une violentes, décrites sans soins, qui, pour pallier l’absence de littérature, sombrera dans le vulgaire. C’est donc tout un équilibre qu’il faut réussir à acquérir : l’auteur érotique est toujours à la limite, condamné au ridicule en cas d'échec. L’érotisme et le monde Rien de marmoréen : la définition « d’érotique » reste quelque chose de mouvant par principe et a bien sûr évolué avec les âges. Ainsi les « honnêtes gens » ont pu considérer Nana de Zola ou encore Le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau comme des récits pornographiques. Ces oeuvres sont maintenant étudiées dans les écoles. Sans parler de Lolita de Nabokov qui, dès sa sortie, fit scandale mais que ses réelles qualités littéraires ont sauvé. Il n’est pas malséant de penser que des auteurs contemporains dits « érotiques » puissent un jour connaître un réel succès public, ce qui est déjà le cas pour des auteurs comme Michel Houellebecq ou Bret Easton Ellis, qui a offert dans Glamorama la plus longue et la plus prenante des scènes érotiques. De nos jours, la littérature érotique est tolérée mais reste l’apanage de certains connaisseurs et a tout de même du mal à se frayer un chemin dans la littérature grand public. Dans une société où tout ou presque est sensé être permis, ce sont les auteurs même qui se censurent. Toujours sur le fil, ils tentent de nous livrer les tréfonds de leur subconscient tout en sachant qu’il s’agit là de l’un des exercice les plus difficile et qu’il ne sera sans doute jamais reconnu comme tel. Maixent Puglisi
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