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Moi, Sporus, pr�tre et putain
Cristina Rodriguez
Alors l� bravo Cristina, bravo : quelle ma�trise. De prime abord il ne semble pas que les �lucubrations de cette novice de la litt�rature soient susceptibles
de nous toucher ; du haut de ses 28 ans elle l'a fait. Oui bravo. C'est vif c'est triste, c'est intense sous une l�g�ret� de ton provocatrice et inattendue.
An 45 apr�s J�sus-Christ. Rome sous N�ron. Un
petit gar�on prostitu� dans un bar � putes inf�mes tenu par sa belle-m�re pourrie jusqu'� la mo�lle. Il ne pleure jamais, les verges qui se glissent entre ses jambes sont moins douloureuses, et
surtout plus payantes, que celles qui s'abattent sur son post�rieur. La r�bellion ? Elle n'intervient ici que tr�s peu : quand il s'agit de sauver sa s�ur du viol. Quand il s'agit d'�tre eunuque endosser la tunique des
pr�tres ? Face � la persuasion doucereuse des fid�les de Dame Cyb�le, c'est Dame Vell�it� qui revient au galop. Ne dit-il pas que cette abdication fut la chose la plus sens�e de son existence ?
Homme ? Femme ? Objet. Mais qu'importe d'�tre l'esclave sexuel d'un ordre religieux douteux, d'un N�ron d�cadent et d'une saloperie de Destin. Tant qu'on peut compenser les frustrations n�es du manque,
accumul�es au stade de l'enfance.
Du lupanar au temple, du temple � la couche de N�ron : Sporus finit par remplacer Pomp�e, �pouse adul�e � laquelle il ressemble tant. C'est que le galle1
finit par �tre v�ritablement touch� des attentions d'un N�ron peu rago�tant, mais sensible et m�me respectueux. Po�te, ami des arts. Sublime, cet instant o� l'empereur lui offre ses vers au calame2
, cadeaux de noces pour excuser la laideur et la d�cr�pitude qu'il impose � la fra�cheur de ce corps soumis. Et que dire de l'interpr�tation des derniers mots de N�ron : " Quel artiste� p�rit�
avec moi "� Ne parle-t-il pas de Sporus, seul rest� fid�le, et � qui il a transmis le go�t de la musique ?
On aime : le background historique, la trame du c�l�brissime empereur,
recompos�e simplement et � partir du c�ur d'un personnage obscur mais qui a r�ellement exist� ; le soucis quasi " orf�vresque " de d�tailler
le quotidien de la pl�be et de la toge � Rome sous N�ron ; " l'aventure " transsexuelle qui lie l'ensemble. Une �criture f�minine, certes ; elle a le
courage de se glisser dans la peau et dans les sensations d'un homme tout en masquant des failles possibles sous le couvert de ce th�me.
Et tout est r�ussi : l'histoire de Sporus se d�cline en trois temps
magistralement orchestr�s, sans faiblesse malgr� le m�lange d'un discours familier et pr�cieux qui aurait pu se r�v�ler hasardeux parce que simpliste. Premier temps : Sporus gar�on, pauvre, pas nian-nian
pour deux sous, la plume est dure et sans complaisance, directe et maladroite mais � dessein. On s'attendrit sans le vouloir. Number 2 : pr�tre, �tonn� des transformations qu'il subit apr�s l'�viration3, geignant
et horrifi�. R�sign�. On se demande alors ce que la romanci�re concocte. Elle en a d�j� dit beaucoup : de son amour pour la Beaut�, de l'accablement de la Fortune sur son arri�re-train. De l'illusion de la
libert�. Dernier acte : la Cour et ses intrigues face � un peuple qui gronde. Le ridicule et le sublime de N�ron aussi �vidents que ceux de son mignon, qui ne perd pourtant pas une dignit� durement acquise.
Car ici tout n'est finalement question que de dignit�. La sc�ne finale �galement, aux airs de d�nouements attendus mais �galement empreinte d'une certaine noblesse inh�rente aux th��tres antiques. On vous la laisse d�couvrir.Louise De Visscher lire l'extrait
Moi, Sporus, pr�tre et putain - Cristina Rodriguez - Calmann-L�vy (300 pages) ________________ 1 . Pr�tre de la d�esse Cyb�le 2
. Roseau taill� et destin� � l'�criture, anc�tre de la plume 3 . Castration |
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