L'été en pente noire
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Dans la série des immanquables, je demande… Harlan Coben. Abonné au succès éditorial, l’auteur américain propose cette année une enquête au pays des strip-teaseuses et des ripoux. Efficace sans être inoubliable, son roman a le mérite de savoir rendre vivants, et même terrifiants, ses personnages.
Le titre pourrait laisser croire que le lecteur tient entre ses mains le dernier Guillaume Musso. Loupé ! Ne t’éloigne pas est le dernier opus d’Harlan Coben. Difficile de ne pas faire le parallèle entre cette machine à polars et les jumeaux de la lecture sentimentale que sont Marc Levy et Musso donc : jeu de titraille identique (Promets-moi, Juste un regard, Sans un adieu…), marketing massif (Harlan Coben poussant le bouchon jusqu’à faire lui-même la promotion de son site Internet en fin d’ouvrage, proposant au passage au quidam de voir son nom utilisé dans un futur roman en échange de dons à des œuvres caritatives !) et inévitable succès annuel. À tel point qu’Harlan Coben lui aussi a vu sa première œuvre, outre faire un carton, être adaptée au cinéma et, là-encore avec un large succès, par Guillaume Canet himself. Qui n’a pas entendu parler de Ne le dis à personne… ?
Il doit y avoir quelque chose de rassurant dans ces rendez-vous littéraires. À ne pas confondre pour autant : si le style d’Harlan Coben n’allumera aucune étincelle dans l’œil du poète, il lui faut reconnaître une certaine efficacité. L’enquête est ici celle d’un certain inspecteur Broome, perdu entre une disparition inexpliquée depuis de nombreuses années et le retour dans les bas fonds d’Atlantic City d’une ancienne strip-teaseuse devenue mère de famille idéale. Doucement mais sûrement se tissent des liens entre différents personnages que tout semblait pourtant opposer, autant d’êtres torturés, ambivalents, au passé lourd d’errances et de secrets. Difficile de ne pas en dire davantage sous peine de déflorer l’intrigue dont le tout dernier morceau surprendra les adeptes du genre. Impossible en revanche de ne pas évoquer un couple de barbares judicieusement prénommés Ken et Barbie.
« Funny games »
Le duo créé par Harlan Coben a beau tenir une place secondaire dans sa galerie de personnages, il est particulièrement bien ficelé psychologiquement. Ces deux jeunes gens, si beaux et sains d’apparence, sont en réalité deux assoiffés de sang. On les visualise aussi bien qu’on les craint et ce sont véritablement eux qui sont à l'origine des nuits blanches vendues en quatrième de couverture. Leur truc : la torture. Exactement comme l’autre duo que Michael Haneke est allé chercher en enfer pour les bienfaits du film « Funny Games », Ken et Barbie s’attacheront à ne laisser personne s’en sortir indemne une fois qu’ils auront coincé leur pied dans la porte d’entrée. Ils ont l’odeur de la terreur et le goût de la mise en scène. Même leur parcours personnel et leur relation fusionnelle s’avèrent captivantes et apporteront à un livre disons passable la petite touche d’irrévérence qui le sauvera, la couleur noire qui justifiera le genre auquel il appartient. Car l’histoire n’est pas aussi haletante que celle qui a fait connaître Harlan Coben bien que ce dernier maîtrise tout à fait les codes du suspense, et jusqu’au bout. Un entre-deux idéal à l’approche des congés d’été.