Prix St Valentin 2002
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Prix St Valentin - interview du lauréat, Thierry Luterbacher
Le prix Saint-Valentin ? Vous n’avez pas entendu parler du prix Saint-Valentin, et de ses deux initiateurs Marie-Laure Lavenir et Thierry Nahon ? Cela fait pourtant quatre ans qu’il existe, et qu’il tend à faire parler de lui de manière exponentielle. On a même créé une Académie Saint-Valentin à l’occasion.
L’idée est née d’une rencontre, d’une envie folle comme le disent si drôlement les deux précédents. Marie-Laure, jeune femme pleine de talent, d’originalité, chargée de communication notamment dans le milieu littéraire, romantique à souhait (elle, pas le milieu), décide de créer un prix du roman. Décerné si et seulement si on tombe amoureux de sa façon de parler d’amour. Thierry, créatif et travaillant plutôt dans l’audiovisuel, se joint à elle, et monte le Saint-Valentin Film festival “les rendez-vous du film d’amour”. C’est dit : on célèbrera le lauréat de la meilleure histoire d’amour.
Ils constituent un jury de gens de lettres et des arts, autour d’un prestigieux parrain, Patrick Poivre d’Arvor, et d’un Président différent année après année. En 1999, Ysabelle Lacamp remet à Virginie Despentes le prix, pour Les jolies choses. L’année suivante, c’est Jacques Salomé qui récompense Cet amour-là de Yann Andréa, récit de sa passion avec Marguerite Duras. C’est Charles Baxter et son Festin d’Amour qui remporte le prix 2001 (un stylo-sculpture de bronze et d’argent conçu par Michel Audiar, pièce unique d’une valeur de 3500 euros).`
Deux romans primés sont bénéficié de l’adaptation cinématographique. Les lauréats bénéficient de plus d’une promotion autour de leur livre (bandeaux gagnants, organisation de signature, mise en avant dans les librairies partenaires du prix). Les étapes de la remise du prix se font en trois temps : annonce de la sélection au cours d’un petit déjeuner de presse, annonce du vainqueur lors d’un cocktail, remise du prix au cours de la Grande Nuit d’Amour, soirée cette année organisée dans les magnifiques salons du Ritz, sur le thème de l’Argentine. Car c'est bien ce qui s'est passé... cette année, le Ritz Paris a choisi de s’associer au Prix Saint-Valentin. Sans doute l'un des plus beaux écrins parisiens pour cette célébration de la littérature amoureuse, arrosée ce soir là par la cuvée “Trésor”, de Bouvet-Ladubay (Saumur Brut), autre grand partenaire du Prix.
La Grande Nuit est une fête bien spéciale, lors de laquelle on échange des numéros rouges et verts au hasard, où les couples se forment (à titre d’exemple Emmanuelle Gaume, qui y rencontra son Valentin actuel). Cette année le Ritz a offert, comme cadeau de tombola, un week-end pour deux personnes dans une de ses plus belles suites, avec dîners et petit-déjeuners.
Le jury 2002 a été présidé par Ursua Freiss et son époux Stéphane, et composé de Marie-Christine Barrault, Catherine Enjolet, Emmanuelle Gaume, Ivry Gitlis, Ysabelle Lacamp, Anthony Palliser, Jacques Salomé, Pierre Vavasseur, Jean-Baptiste Tuzet, Christian Vincent, Daniel Vigne et Marlène Bélilos.
Pour la sélection finale de cette année : Un cerisier dans l’escalier de Thierry Luterbacher, Où es-tu ? de Marc Lévy, Les vies denses d’Emilie Frèche, Le galant de Paris de Frédéric Clément, et le livre de Katherine Pancol Et monter lentement dans un immense amour.
Entretien avec le lauréat 2002, Thierry Luterbacher (éditions Bernard Campiche), histoire de savoir ce qu’il pense de tout ça.
Vous êtes plus écrivain, peintre ou scénariste, ou encore metteur en scène ?
J'ai besoin de toutes ces activités, elles forment un ensemble. Toutes partent finalement du même désir : celui de dire, de créer. Tout a commencé pendant un rêve d'enfant, après avoir lu Le Grand Meaulne. Je me suis réveillé et dit qu'il fallait absolument que je trouve un moyen de retenir ce rêve. Je me suis mis à dessiner : le rêve a été fixé, conservé. J'ai décidé que mon métier ne pouvait être que cela. Ecrire, peindre, mettre en scène, peu importe du moment que les choses sortent et restent.
Alors il y a des moments où je suis plus dans un mode d'expression qu'un autre, et c'est vrai que pour l'instant l'écriture compte énormément pour moi...
Un cerisier dans l'escalier est votre premier roman ?
C'est le premier publié. J'en ai écrit beaucoup d'autres, que je n'ai jamais cherché à mettre au grand jour. J'avais besoin d'écrire, pas de publier ! Alors ils sont là, remisés dans une armoire. Ce roman est le premier que ma femme ait trouvé bon. Elle est ma première et plus grande lectrice...
Et votre plus grand critique...
Elle m'a dit qu'il fallait que j'en fasse quelque chose. Je n'ai rien fait dans les règles de l'art. Je refusais de passer par tous les affres dits "traditionnels", qui consistent à envoyer des manuscrits à tous les éditeurs. Je l'ai donc envoyé à un éditeur français, Actes Sud, et à un éditeur suisse, Bernard Campiche. On m'a dit que deux envois, c'était comme ne rien faire... le publication fut d'autant plus inattendue.
Et quand vous avez terminé ce roman, vous avez senti qu'il y avait une différence avec les autres écrits ?
J'ai eu la sensation qu'il s'était passé quelque chose de particulier, j'ai ressenti une espèce de chaleur. Comme quand vous vous trouvez dans une pièce inconnue, et que vous trouvez l'endroit précis du lieu où vous êtes à l'aise, à votre place. Ma femme et mon meilleur ami ont confirmé cette impression...
Qui a été elle-même reconfirmée par la remise du prix St Valentin... Quid du prix Georges-Nicole ?
Il s'agit d'une récompense jugée sur manuscrit. Elle bénéficie d'une excellente réputation en Suisse, et m'a permis de trouver un éditeur et de gagner 3000 francs suisses. Le manuscrit primé a généralement un très bon accueil à sa sortie. J'ai obtenu un autre prix, émouvant parce que local, le prix de Littérature du canton de Berne.
Qu'est-ce que ça a changé pour vous, tous ces prix ?
Pour le prix Saint-Valentin, c'est un peu trop tôt pour le dire ! Mais je ne pense pas que cela change quoi que ce soit à mon écriture, ni au reste. J'ai toujours écrit, sans la publication et sans les prix. Avant même d'avoir sorti le Cerisier, j'avais déjà commencé l'écriture d'un autre roman.
Vous êtes plutôt confiant...
C'est peut être l'âge ! Je vais avoir cinquante-deux ans, et la frénésie, je l'ai vécue dans les années 60 et 70, de manière tout à fait excessive. Je suis à la fois serein, je relativise et je prends de la distance vis à vis de tout ce qui se passe autour de moi. Je pense avoir un regard plutôt amusé et complice sur les choses, et garder les pieds sur terre ; par exemple sur la bousculade de caméramans et de photographes de lundi soir, lors de la remise du prix... Enfin, il y avait PPDA et c'est surtout lui qui les attirait ! J'ai observé tout cela assez calmement, moi qui venais de mon petit village montagnard de deux cent habitants, sans être effrayé outre mesure puisque je connais la vie parisienne pour l'avoir vécue pendant près de dix ans.
Mais c'était tout de même plaisant, cette récompense !
Vous savez, je ne suis pas le genre de personne à faire des kilomètres pour aller dans la confiserie chercher sa part de gâteau. Mais bien sûr, je ne la refuse pas si on me l'amène ! Même jeune, je n'éprouvais pas ce besoin... Je voulais juste changer le monde, je suis un peu resté un vieil anar avec des rêves plein les yeux... qui veut lutter contre toute forme d'injustice. Ce qui compte pour moi, c'est l'éducation de mes enfants, montrer les choses essentielles de la vie d'un homme : être ce que l'on enseigne, se battre pour ce que l'on croit et défendre les plus faibles...
Pourtant vous ne défendez pas beaucoup ce pauvre Miche, l'amoureux malheureux de votre roman...
Je ne le descends pas non plus et surtout je ne le juge pas ! J'ai beaucoup de tendresse pour lui, il connaît les tourmentes de l'amour, mais il est émouvant dans sa tourmente, il est à la fois victime et héros de l'histoire. C'est un homme qui sort de sa grisaille en découvrant l'amour.
Vous pensez qu'il faut avoir connu la grisaille pour pouvoir apprécier les tourments de l'amour ?
Non, ce qui nous sauve dans l'existence, c'est la part d'enfance que vous avez su conserver en vous. La grisaille, c'est une invention des adultes.
Le titre "Un cerisier dans l'escalier" : c'est pour montrer que l'on peut échapper à l'enfermement de la cage d'escalier, à ce qu'elle a d'obscur et de non-vivant ?
Une manière de montrer que même dans un escalier, dans une vie résignée ou à l'écart du monde (Miche et Lulu), une petite graine de lumière (Fadhila) peut faire éclore la beauté du hasard... J'ai aimé explorer le côté terne de certains destins qui peut changer du tout au tout en n'importe quel endroit et n'importe quelle circonstance simplement grâce à la rencontre avec une femme. Le bonheur peut prendre racine dans les terres les plus arides.
Lulu a cette prescience incroyable : il sait qu'il ne faut pas qu'il s'attache à cette femme inconnue.
Je ne fais pas de plan quand j'écris. Rien n'est prémédité. L'itinéraire de mes personnages suit le fil de mon imagination qui part d'une image : ici la place Godillot plongée dans la nuit avec la lumière qui balafre la rue. Je découvre l'histoire en même temps que mes personnages.
La fin est donc venue à la fin.
Au bout d'un temps, j'avais plusieurs scénarios de fin en tête. Je garde constamment des bouts de papier sur moi, pour écrire la moindre des idées qui me vient (il retourne ses poches et montre ses bouts de papier...) immédiatement. Je ne peux pas attendre, je prends des notes à n'importe quel instant du jour ou de la nuit. Ces traces deviennent parfois quelque chose...
Lucien Luthier, votre héros ?
C'était une évidence pour moi dès le début : un homme tranquille. Qui avait délaissé le monde, s'était fait délaisser par lui. Il ne demande rien à personne, et souhaite que personne ne lui demande rien. Il rencontre Fadhila au troisième étage de son immeuble et ne lui propose que sa présence. Son regard qu'il croise l'empêche de simplement rentrer chez lui, même s'il n'arrive pas à lui parler, à la découvrir, à lui poser des questions. Ce n'est pas un bavard.
Fadhila est un personnage un peu irréel, insaisissable...
C'est pour ça qu'il ne veut pas tomber ! Et elle possède un peu le même instinct de survie que lui. A la différence qu'elle se cogne avec le monde pour le dominer, alors que lui l'ignore. Elle veut être libre de pouvoir aller et venir comme elle le souhaite, de continuer à frapper à sa porte quand elle en a besoin ou envie. Fadhila est désarmée devant Lucien malgré elle, et se protège. Elle ne comprend pas pourquoi Lucien lui offre sa présence, son silence, sans rien demander en retour, sans l'interroger.
Dans le roman, il y a deux types d'amour : celui, passionné, que voue Lucien à Fadhila, et celui, plus tendre et plus calme, de Françoise surnommée Framboise.
Françoise, il la rencontre quand il est au fond du gouffre. Elle lui tend la main, alors qu'il semblait achevé de solitude et de désespoir. Elle le rassure par sa simple présence, alors que Fadhila reste comme l'étoile de Brel... Françoise le réconcilie avec le monde.
Un peu à l'image de la cerise qui est en hauteur, plus inaccessible, et de la framboise, qu'on se baisse pour cueillir facilement sur son passage !
Ah, mais les framboises des bois peuvent êtres dangereuses ! A cause de leur emplacement (le bord des chemins) et de leur altitude (très basse), les renards lèvent la patte dessus. En manger peut engendrer de terribles maladies...
Pour tout vous dire, Framboise vient d'un petit mot de mon fils, qui n'arrivait pas à prononcer correctement le nom de l'institutrice de son école enfantine, Françoise, qu'il aimait beaucoup...
Jessica Nelson
Un cerisier dans l'escalier
Thierry Luterbacher
Ed. Bernard Campiche
0 p / 0 €
ISBN:
Le prix Saint-Valentin ? Vous n’avez pas entendu parler du prix Saint-Valentin, et de ses deux initiateurs Marie-Laure Lavenir et Thierry Nahon ? Cela fait pourtant quatre ans qu’il existe, et qu’il tend à faire parler de lui de manière exponentielle. On a même créé une Académie Saint-Valentin à l’occasion.
L’idée est née d’une rencontre, d’une envie folle comme le disent si drôlement les deux précédents. Marie-Laure, jeune femme pleine de talent, d’originalité, chargée de communication notamment dans le milieu littéraire, romantique à souhait (elle, pas le milieu), décide de créer un prix du roman. Décerné si et seulement si on tombe amoureux de sa façon de parler d’amour. Thierry, créatif et travaillant plutôt dans l’audiovisuel, se joint à elle, et monte le Saint-Valentin Film festival “les rendez-vous du film d’amour”. C’est dit : on célèbrera le lauréat de la meilleure histoire d’amour.
Ils constituent un jury de gens de lettres et des arts, autour d’un prestigieux parrain, Patrick Poivre d’Arvor, et d’un Président différent année après année. En 1999, Ysabelle Lacamp remet à Virginie Despentes le prix, pour Les jolies choses. L’année suivante, c’est Jacques Salomé qui récompense Cet amour-là de Yann Andréa, récit de sa passion avec Marguerite Duras. C’est Charles Baxter et son Festin d’Amour qui remporte le prix 2001 (un stylo-sculpture de bronze et d’argent conçu par Michel Audiar, pièce unique d’une valeur de 3500 euros).`
Deux romans primés sont bénéficié de l’adaptation cinématographique. Les lauréats bénéficient de plus d’une promotion autour de leur livre (bandeaux gagnants, organisation de signature, mise en avant dans les librairies partenaires du prix). Les étapes de la remise du prix se font en trois temps : annonce de la sélection au cours d’un petit déjeuner de presse, annonce du vainqueur lors d’un cocktail, remise du prix au cours de la Grande Nuit d’Amour, soirée cette année organisée dans les magnifiques salons du Ritz, sur le thème de l’Argentine. Car c'est bien ce qui s'est passé... cette année, le Ritz Paris a choisi de s’associer au Prix Saint-Valentin. Sans doute l'un des plus beaux écrins parisiens pour cette célébration de la littérature amoureuse, arrosée ce soir là par la cuvée “Trésor”, de Bouvet-Ladubay (Saumur Brut), autre grand partenaire du Prix.
La Grande Nuit est une fête bien spéciale, lors de laquelle on échange des numéros rouges et verts au hasard, où les couples se forment (à titre d’exemple Emmanuelle Gaume, qui y rencontra son Valentin actuel). Cette année le Ritz a offert, comme cadeau de tombola, un week-end pour deux personnes dans une de ses plus belles suites, avec dîners et petit-déjeuners.
Le jury 2002 a été présidé par Ursua Freiss et son époux Stéphane, et composé de Marie-Christine Barrault, Catherine Enjolet, Emmanuelle Gaume, Ivry Gitlis, Ysabelle Lacamp, Anthony Palliser, Jacques Salomé, Pierre Vavasseur, Jean-Baptiste Tuzet, Christian Vincent, Daniel Vigne et Marlène Bélilos.
Pour la sélection finale de cette année : Un cerisier dans l’escalier de Thierry Luterbacher, Où es-tu ? de Marc Lévy, Les vies denses d’Emilie Frèche, Le galant de Paris de Frédéric Clément, et le livre de Katherine Pancol Et monter lentement dans un immense amour.
Entretien avec le lauréat 2002, Thierry Luterbacher (éditions Bernard Campiche), histoire de savoir ce qu’il pense de tout ça.
Vous êtes plus écrivain, peintre ou scénariste, ou encore metteur en scène ?
J'ai besoin de toutes ces activités, elles forment un ensemble. Toutes partent finalement du même désir : celui de dire, de créer. Tout a commencé pendant un rêve d'enfant, après avoir lu Le Grand Meaulne. Je me suis réveillé et dit qu'il fallait absolument que je trouve un moyen de retenir ce rêve. Je me suis mis à dessiner : le rêve a été fixé, conservé. J'ai décidé que mon métier ne pouvait être que cela. Ecrire, peindre, mettre en scène, peu importe du moment que les choses sortent et restent.
Alors il y a des moments où je suis plus dans un mode d'expression qu'un autre, et c'est vrai que pour l'instant l'écriture compte énormément pour moi...
Un cerisier dans l'escalier est votre premier roman ?
C'est le premier publié. J'en ai écrit beaucoup d'autres, que je n'ai jamais cherché à mettre au grand jour. J'avais besoin d'écrire, pas de publier ! Alors ils sont là, remisés dans une armoire. Ce roman est le premier que ma femme ait trouvé bon. Elle est ma première et plus grande lectrice...
Et votre plus grand critique...
Elle m'a dit qu'il fallait que j'en fasse quelque chose. Je n'ai rien fait dans les règles de l'art. Je refusais de passer par tous les affres dits "traditionnels", qui consistent à envoyer des manuscrits à tous les éditeurs. Je l'ai donc envoyé à un éditeur français, Actes Sud, et à un éditeur suisse, Bernard Campiche. On m'a dit que deux envois, c'était comme ne rien faire... le publication fut d'autant plus inattendue.
Et quand vous avez terminé ce roman, vous avez senti qu'il y avait une différence avec les autres écrits ?
J'ai eu la sensation qu'il s'était passé quelque chose de particulier, j'ai ressenti une espèce de chaleur. Comme quand vous vous trouvez dans une pièce inconnue, et que vous trouvez l'endroit précis du lieu où vous êtes à l'aise, à votre place. Ma femme et mon meilleur ami ont confirmé cette impression...
Qui a été elle-même reconfirmée par la remise du prix St Valentin... Quid du prix Georges-Nicole ?
Il s'agit d'une récompense jugée sur manuscrit. Elle bénéficie d'une excellente réputation en Suisse, et m'a permis de trouver un éditeur et de gagner 3000 francs suisses. Le manuscrit primé a généralement un très bon accueil à sa sortie. J'ai obtenu un autre prix, émouvant parce que local, le prix de Littérature du canton de Berne.
Qu'est-ce que ça a changé pour vous, tous ces prix ?
Pour le prix Saint-Valentin, c'est un peu trop tôt pour le dire ! Mais je ne pense pas que cela change quoi que ce soit à mon écriture, ni au reste. J'ai toujours écrit, sans la publication et sans les prix. Avant même d'avoir sorti le Cerisier, j'avais déjà commencé l'écriture d'un autre roman.
Vous êtes plutôt confiant...
C'est peut être l'âge ! Je vais avoir cinquante-deux ans, et la frénésie, je l'ai vécue dans les années 60 et 70, de manière tout à fait excessive. Je suis à la fois serein, je relativise et je prends de la distance vis à vis de tout ce qui se passe autour de moi. Je pense avoir un regard plutôt amusé et complice sur les choses, et garder les pieds sur terre ; par exemple sur la bousculade de caméramans et de photographes de lundi soir, lors de la remise du prix... Enfin, il y avait PPDA et c'est surtout lui qui les attirait ! J'ai observé tout cela assez calmement, moi qui venais de mon petit village montagnard de deux cent habitants, sans être effrayé outre mesure puisque je connais la vie parisienne pour l'avoir vécue pendant près de dix ans.
Mais c'était tout de même plaisant, cette récompense !
Vous savez, je ne suis pas le genre de personne à faire des kilomètres pour aller dans la confiserie chercher sa part de gâteau. Mais bien sûr, je ne la refuse pas si on me l'amène ! Même jeune, je n'éprouvais pas ce besoin... Je voulais juste changer le monde, je suis un peu resté un vieil anar avec des rêves plein les yeux... qui veut lutter contre toute forme d'injustice. Ce qui compte pour moi, c'est l'éducation de mes enfants, montrer les choses essentielles de la vie d'un homme : être ce que l'on enseigne, se battre pour ce que l'on croit et défendre les plus faibles...
Pourtant vous ne défendez pas beaucoup ce pauvre Miche, l'amoureux malheureux de votre roman...
Je ne le descends pas non plus et surtout je ne le juge pas ! J'ai beaucoup de tendresse pour lui, il connaît les tourmentes de l'amour, mais il est émouvant dans sa tourmente, il est à la fois victime et héros de l'histoire. C'est un homme qui sort de sa grisaille en découvrant l'amour.
Vous pensez qu'il faut avoir connu la grisaille pour pouvoir apprécier les tourments de l'amour ?
Non, ce qui nous sauve dans l'existence, c'est la part d'enfance que vous avez su conserver en vous. La grisaille, c'est une invention des adultes.
Le titre "Un cerisier dans l'escalier" : c'est pour montrer que l'on peut échapper à l'enfermement de la cage d'escalier, à ce qu'elle a d'obscur et de non-vivant ?
Une manière de montrer que même dans un escalier, dans une vie résignée ou à l'écart du monde (Miche et Lulu), une petite graine de lumière (Fadhila) peut faire éclore la beauté du hasard... J'ai aimé explorer le côté terne de certains destins qui peut changer du tout au tout en n'importe quel endroit et n'importe quelle circonstance simplement grâce à la rencontre avec une femme. Le bonheur peut prendre racine dans les terres les plus arides.
Lulu a cette prescience incroyable : il sait qu'il ne faut pas qu'il s'attache à cette femme inconnue.
Je ne fais pas de plan quand j'écris. Rien n'est prémédité. L'itinéraire de mes personnages suit le fil de mon imagination qui part d'une image : ici la place Godillot plongée dans la nuit avec la lumière qui balafre la rue. Je découvre l'histoire en même temps que mes personnages.
La fin est donc venue à la fin.
Au bout d'un temps, j'avais plusieurs scénarios de fin en tête. Je garde constamment des bouts de papier sur moi, pour écrire la moindre des idées qui me vient (il retourne ses poches et montre ses bouts de papier...) immédiatement. Je ne peux pas attendre, je prends des notes à n'importe quel instant du jour ou de la nuit. Ces traces deviennent parfois quelque chose...
Lucien Luthier, votre héros ?
C'était une évidence pour moi dès le début : un homme tranquille. Qui avait délaissé le monde, s'était fait délaisser par lui. Il ne demande rien à personne, et souhaite que personne ne lui demande rien. Il rencontre Fadhila au troisième étage de son immeuble et ne lui propose que sa présence. Son regard qu'il croise l'empêche de simplement rentrer chez lui, même s'il n'arrive pas à lui parler, à la découvrir, à lui poser des questions. Ce n'est pas un bavard.
Fadhila est un personnage un peu irréel, insaisissable...
C'est pour ça qu'il ne veut pas tomber ! Et elle possède un peu le même instinct de survie que lui. A la différence qu'elle se cogne avec le monde pour le dominer, alors que lui l'ignore. Elle veut être libre de pouvoir aller et venir comme elle le souhaite, de continuer à frapper à sa porte quand elle en a besoin ou envie. Fadhila est désarmée devant Lucien malgré elle, et se protège. Elle ne comprend pas pourquoi Lucien lui offre sa présence, son silence, sans rien demander en retour, sans l'interroger.
Dans le roman, il y a deux types d'amour : celui, passionné, que voue Lucien à Fadhila, et celui, plus tendre et plus calme, de Françoise surnommée Framboise.
Françoise, il la rencontre quand il est au fond du gouffre. Elle lui tend la main, alors qu'il semblait achevé de solitude et de désespoir. Elle le rassure par sa simple présence, alors que Fadhila reste comme l'étoile de Brel... Françoise le réconcilie avec le monde.
Un peu à l'image de la cerise qui est en hauteur, plus inaccessible, et de la framboise, qu'on se baisse pour cueillir facilement sur son passage !
Ah, mais les framboises des bois peuvent êtres dangereuses ! A cause de leur emplacement (le bord des chemins) et de leur altitude (très basse), les renards lèvent la patte dessus. En manger peut engendrer de terribles maladies...
Pour tout vous dire, Framboise vient d'un petit mot de mon fils, qui n'arrivait pas à prononcer correctement le nom de l'institutrice de son école enfantine, Françoise, qu'il aimait beaucoup...
Jessica Nelson
Un cerisier dans l'escalier
Thierry Luterbacher
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Last modified onlundi, 04 mai 2009 20:23
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