Rencontre avec Jacques Chirac

Monsieur le Président, bonjour.

Bonjour.

Tout le monde s'accorde pour vous considérer comme l'un des grands esprits politiques. Mes amis et moi pensons qu'un homme politique est avant tout un écrivain raté. Peut-on ainsi dire que vous êtes vraiment raté, littérairement parlant ?

Je ne sais pas si l'on peut dire les choses aussi trivialement (rire sincère). Il y a en effet dans la politique un attachement, une sensibilité profonde pour tout ce qui concerne la littérature, mais je ne crois pas que le choix politique se fasse en fonction des inaptitudes littéraires.

Aurait-on pu imaginer un Chirac écrivain ?

Peut-être. Je ne suis pas convaincu d'avoir le talent requis, mais il est vrai que j'y ai pensé lorsque j'étais étudiant à Sciences-Po.

Quel titre auriez-vous choisi : Meurtre à Matignon ou A la recherche de la crédibilité perdue ?

Aucun des deux. (Vous voyez, j'ai de la tolérance pour la provocation). Pour revenir à votre question, je me souviens que la lecture de Sartre a été pour moi une véritable révélation...

Non, non, ma question, c'était : le titre que vous choisiriez pour...

J'évoquais justement Sartre. La première fois que j'ai lu un...

Les mains sales , c'est ça ?

Ce n'est pas mon favori.

Nous non plus. Bon, beaucoup d'hommes politiques occupent leurs vieux jours, quand ils en ont, à écrire leurs mémoires. Est-ce...

Est-ce que j'en écrirai ? C'est possible. Je crois que c'est aussi le rôle du politique que de rendre témoignage de ce qu'il a vécu.

Une sorte de transparence d'après-coup ?

En quelques sortes. Mais cela va plus loin. Il s'agit surtout d'un témoignage. Rendre compte de ses erreurs, de ses doutes, de ses joies, tirer les conclusions d'une existence politique pour faire avancer celle des autres...

Vous parlez de rendre compte de vos erreurs. Comptez-vous aussi faire un court chapitre sur vos réussites ou...

(Rires). Vous savez, nous faisons tous des erreurs, et...

Certains plus que d'autres quand même, non ?

C'est possible, mais l'élection est aussi la victoire d'une longue bataille.

Pour le chapitre "ce que j'ai fait pour la France", à l'exception de la réforme populaire de l'armée et des essais nucléaires, que trouvera-t-on ?

Vous me demandez de faire un bilan à une époque où il convient encore de parler d'avenir. De plus, ce ne sera pas à moi d'écrire un tel chapitre, mais à l'Histoire.

On sait que vous êtes un partisan engagé de la lutte pour l'honnêteté : que diriez-vous à des journalistes qui feraient semblant de vous avoir rencontré pour discuter de littérature dans le seul but de faire augmenter leur trafic ?

Je les engagerais dans mon équipe.



Florian Zeller


Jacques Chirac
Ed.
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