Zoom sur le prix de Flore
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Le 8 novembre, 20 heures précises, remise du fameux prix de Flore au Café qui porte le même nom. St Germain des Prés. Le monde se pressera aux portes, et, une fois tous les membres du jury réunis, Nicolas Rey (lauréat de l’année dernière pour Mémoire courte) remettra le prix à l’heureux élu.
Quelques questions à Carole Chrétiennot, organisatrice du prix et membre du jury, histoire d’en savoir plus.
Surnomme le prix des « branchés » : dans quelle mesure ce terme est-il justifié ?
Je n’aime pas beaucoup terme « branché ». Notre récompense couronne surtout des auteurs différents, qui sont pour la plupart devenus par la suite des « underground branchés » : Michel Houellebecq, Vincent Ravalec, Guillaume Dustan, Virginie Despentes… Inconnus du public au départ, ils ont été très médiatisés et sont finalement assez emblématiques, correspondent parfaitement à « l’esprit » du prix. Dans le terme « branché », ce que je n’aime pas, c’est le côté un peu éphémère qu’il véhicule… Alors que nos lauréats ont prouvé par la suite qu’ils s’imposaient sur la scène littéraire et culturelle.
Alors, pour résumer le prix en un mot ?
Rock n’roll.
Les critères de sélection du prix ?
Originalité, indépendance, jeunesse, modernité. Innovation. Rébellion. Des écrits non consensuels.
A la genèse du prix ?
Miroslav Siljegovic et moi-même souhaitions créer un événement renouant avec la tradition du Café de Flore, retrouver un passé, un héritage, et le perpétrer. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, certains artistes résistants avaient l’habitude de se réunir au Flore. On y trouvait réunis des peintres, des écrivains et adeptes de la Nouvelle Vague… Il se trouve que je connaissais bien Frédéric Beigbeder, jeune auteur prometteur et attentif à toute effervescence intellectuelle, à tous mouvements et initiatives littéraires. Il a donc été, avec M. Siljegovic et moi-même, à la genèse du prix de Flore, en tant que penseur et créateur. Il a constitué un jury jeune et subversif : tous les membres avaient moins de trente-cinq ans, et travaillaient pour des canards du genre Nova, Actuel...
En quoi est-il différent des autres prix comme celui des Deux Magots, ou de la Brasserie Lipp ?
Oh, les jurés et les nominés sont tous des gens installés, plus âgés, déjà reconnus par la profession, et qui n’ont pas véritablement besoin d’être mis en lumière. Et ici, tout le Café est mobilisé pour le jour J, nous organisons l’ensemble de la manifestation « en famille », parce que nous sommes tous des passionnés de littérature. Ce qui est amusant, c’est que, en sept années d’existence, le prix de Flore est devenu l’un des prix attendus de la rentrée. Aux côtés du Goncourt, du Renaudot, de l’Interallié, du Médicis et du Fémina. Jetez un coup d’œil à Livres Hebdo de la semaine dernière, ou encore au Figaro et à quelques autres grands journaux qui se sont penchés sur la rentrée littéraire et ses décorations !
Pourquoi le prix de Flore est-il cohérent avec les stratégies et le positionnement intellectuel du Café
Bien sûr, puisque nous continuons à imprimer aux lieux une aura artistique, littéraire. Nous avons des lectures de textes en anglais tous les lundis, des cafés philo un mercredi par mois, et des auteurs connus organisent des signatures-cocktails chez nous. Le Café de Flore n’est pas seulement un café « commercial ».
Comment se déroulent les délibérations ?
Un vrai zoo ! Rien de classique, du bruit, des vociférations, des coups de gueule, une bataille acharnée des uns et des autres, des claquements de porte, et toujours un retour à l’ordre à la fin… quelques mois après la remise du prix. La soirée est un peu à cette image : cohue, mélange des genres, émotion, vivacité.
Vous avez pu constater quels étaient l’effet et les retombées médiatiques pour le lauréat ?
Nous devrions observer de plus près les chiffres de vente et leurs courbes, avant et après la remise du prix. Marion Mazauric, éditrice de Nicolas Rey, nous a fait part l’année dernière son enthousiasme : le nombre de vente a grimpé en flèche. Et évidemment, les médias sont ensuite intéressés par l’auteur mis en avant, et beaucoup d’entre eux sont ensuite invités sur les plateaux télé, à la radio, et les critiques littéraires les distinguent enfin. Philippe Jaenada m’a aussi exprimé l’assurance que lui avait procuré sa victoire, sa joie d’être confirmé dans ce qui lui semblait être une vocation.
Et la Closerie des Lilas, dans tout cela ?
Un lieu mythique, où des figures charismatiques et « locomotives » ont drainé un ensemble d’intellectuels et d’artistes à leur suite. Au début du siècle, l’endroit à la mode était Montmartre. On est passé à Montparnasse, puis de Montparnasse à la Closerie des Lilas, pour remonter jusqu’au boulevard St Germain.
Mais la Closerie n’est pas passée de mode…
Philippe Sollers et ses auteurs viennent régulièrement. Nous avons aussi une clientèle des sphères musicales et audiovisuelles. Toute une série de jeunes acteurs comme Virginie Ledoyen, Guillaume Canet, Melville Poupeau. Etienne Roda-Gil. Et Renaud passe chez nous une bonne partie de ses journées…
Ce qui est amusant, c’est qu’au départ, la Closerie et le Café de Flore étaient intellectuellement complètement opposés : Dreyfusards pour le premier, anti-Dreyfusards pour le second. Les habitués refusaient de se mélanger les uns aux autres ; bref c’était la guéguerre de comptoirs. Avec le temps, et le rachat par un même propriétaire des lieux, les gens ont fini par se réunir…
Le lien avec le prix de Flore ?
Nous avions décidé il y a trois ans de faire un repas avec les membres du Jury, la famille et les proches du lauréat, et quelques journalistes. Bref, un comité plus intime ! Aujourd’hui, l’ambiance du Flore se transporte à la Closerie. Tous les gens viennent et au lieu du repas calme, on a droit à une sorte de grande foire joyeuse qui dure jusqu’aux petites heures du matin !
A la Closerie, nous remettons également le prix Méditerranée, Jean Edern-Hallier.
Et le lien littérature - Miroslav Siljegovic ?
Le père de Miroslav Siljegovic faisait des soirées lectures au sein même de sa famille... Son goût pour la littérature est probablement né de ce contexte, et n’a pas cessé de s’affirmer.
Votre regard sur les lauréats de cette année ?
Je suis surprise par la sélection finale. Il ne me semble pas que les candidats retenus correspondent à cet esprit de rébellion dont je vous parlais. Je suis assez perplexe de ne pas retrouver non plus, au sein de la liste, de « courant », ce fil conducteur entre les auteurs que l’on pouvait retrouver les autres années et qui est un reflet des trends littéraires.
La lecture de Jauffret ?
Les premières pages m’ont fait peur. Je ne pensais pas pouvoir être prise par le récit, trop d’ouvertures, de parenthèses, de portes ouvertes donnant sur des portes ouvertes. Il me semblait que le manque de cohérence apparent nuirait à l’ensemble du roman. J’ai été très étonnée de me trouver plongée malgré moi dans l’univers que construit patiemment Régis Jauffret. Il nous emmène dans une vraie ballade d’une vraie profondeur.
Résultat du 9 novembre : Christophe Donner, pour L'Empire de la morale (éditions Grasset).
Jessica Nelson
Ed.
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Last modified ondimanche, 03 mai 2009 23:04
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