Prix du 15 minutes plus tard : nouveau et déjà collector !
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L’excellente revue littéraire Décapage, créée par l’écrivain Jean-Baptiste Gendarme, a décerné le 6 novembre avec son jury tout neuf (et tournant) le premier prix du « 15 minutes plus tard ». Le principe ? Aucun, à part d’être décerné 15 minutes après le Goncourt ! Zone était sur les lieux.
Lundi 6 novembre dernier, 12h45, l’effervescence s’empare de la rue Gaillon. Les camionnettes de télévision se garent, les curieux se positionnent stylo à la main ou appareil photo en bandoulière, tandis les têtes couronnées de l’empire littéraire se glissent avec majesté entre les rideaux rouges de Drouant pour assister à l’annonce du lauréat du prix français le plus couru de l’automne. En face, au café le K1ze, l’agitation est également au programme : l’excellente revue littéraire Décapage, créée par l’écrivain Jean-Baptiste Gendarme, s’apprête à décerner avec son jury tout neuf (et tournant) le premier prix du « 15 minutes plus tard ». Le principe ? Aucun, à part d’être décerné 15 minutes après le Goncourt !
Jean-Baptiste Gendarme arrive tranquillement, souriant bien qu’un peu fébrile, et lourdement chargé du magnum de champagne qui ira au lauréat. Il est bientôt suivi par les membres du jury, chacun son tour, tous plutôt décontractés : Emmanuel Adely, Davis Foenkinos, Philippe Jaenada, Serge Joncourt, Xabi Molia, Régis de Sa Moréira, Guillaume Tavard. Les minutes passent, bientôt 13h, tout ce petit monde sort pour voir si on peut entendre de dehors le nom du fameux « Goncourisé » de l’année. « Vous avez déjà assisté à cette proclamation ? » demande-t-on : pour tous, c’est la première fois. Première fois que tous ces écrivains se retrouvent finalement si près du Goncourt ! Les derniers pronostics vont bon train, Littell ou pas Littell ? Ca y est, il est 13h, mais en face rien ne bouge, le cœur de l’action est à l’intérieur : on apprendra finalement le nom de l’élu par Serge Joncour, branché sur Radio-France ! On soupire : était-ce vraiment utile de confirmer un succès public et critique déjà distingué par les Immortels de l’Académie ? « A ce train là, on ne verra bientôt plus la couverture du livre ! » ironisent certains. Le débat ne fera pas long feu, personne ne l’a lu !
13h05, les jurés du 15 minutes plus tard vont faire semblant de délibérer - la gagnante est connue depuis la veille - et 10 minutes plus tard, ils se massent dehors pour annoncer la victoire d’Héléna Marienské (voir ci-dessous l'interview), sous nos applaudissements comme dirait l’autre. Frédéric Beigbeder, sortant de chez Drouant mais
toujours au fait de l’actualité, traverse alors la rue avec son équipe de Canal + et offre galamment son micro – et sa notoriété - à Gendarme et à la lauréate. Un petit coup de nostalgie de ce qu’était au départ le prix de Flore a peut-être gagné l’animateur ?
13h30, tout le monde est revenu à l’intérieur, on sabre le champagne au chaud ! On demande à Emmanuel Adely et Philippe Jaenada s’ils étaient heureux d’être membres du jury. « Non ! »répondent-ils en cœur. Adely explique : « C’était chiant, on a du lire les livres très vite, on a eu du mal à avoir des vrais coups de cœur ». Et Jaenada d’enchaîner : « Non, le pire c’était qu’on arrêtait pas de s’engueuler juste pour des livres , alors qu’on est amis le reste du temps ! » . Ils ne recommenceront donc pas. « Ah si, au contraire ! » s’exclament-ils. Définitivement de drôles d’animaux les écrivains…
Interview avec Héléna Marienské : du sang neuf
Contrairement au prix Goncourt, s’il y a bien un terme qui ne s’applique pas à la lauréate de ce prix, c’est bien « institutionnel ». Dans son premier roman, Rhésus, Héléna Marienské donne parole à divers membres d’une maison de retraite, tous plus névrosés les uns que les autres, affreux parce que vieux, pas toujours bêtes, mais souvent méchants : avant de passer l’arme à gauche (et la plupart du temps pas de façon très conventionnelle), ces derniers n’ont qu’une idée en tête, la satisfaction de leur libido, assez déviante faut-il le préciser. Tout ça sans compter l’intervention loufoque et hautement décalé d’un singe dénommé « Rhésus ». Le jury du 15 minutes plus tard n’a pas résisté à l’aspect original et furieusement provocateur de cet O.L.N.I de la rentré,e et nous avons cueilli la lauréate à la sortie de son premier adoubement du milieu !
Pensez-vous vendre 300 000 exemplaires (ventes moyennes d’un Goncourt) de Rhésus avec le prix 15 minutes plus tard ?
Héléna Marienské : (elle éclate de rire) Aucune chance ! C’est une question qu’on pose souvent aux écrivains, mais on n’écrit pas pour vendre 300 000 exemplaires. On écrit parce qu’on a un projet, un espèce de défi qu’on essaie de dépasser. J’ai choisi un sujet qui paraissait impossible à traiter, mais une fois que je l’ai eu entre les mains, je n’ai pas pu le lâcher… Evidemment, si je vends quelques exemplaires de plus avec ce prix, je serai ravie mais 300 000, ça me semble beaucoup !
Pourtant le prix bénéficie d’une bonne couverture
Oui, c’est excellent d’ailleurs mais je n’écris pas pour cela. Bien sûr j’ai envie d’avoir des lecteurs mais je ne demande pas tous les jours « combien on a vendu aujourd’hui ? ». Je me demande plutôt comment je vais faire pour continuer à écrire après avoir eu un accueil aussi favorable avec le premier, comment je vais retrouver le courage d’écrire en sachant que pour un premier roman, on est toujours un peu indulgent, il peut y avoir des défauts etc. Pour un deuxième la critique est toujours un peu plus exigeante.
Avec qui allez-vous passer votre nuit à l’hôtel ? (une des récompenses du prix)
Avec un homme, qui est là d’ailleurs, que j’aime depuis quelques années !
Dans votre livre, il y a un personnage, Céleste, un écrivain qui s’insurge sur le fait qu’à l’époque elle ait reçu le Renaudot alors que selon elle, elle méritait au minimum le Goncourt ! Maintenant que vous venez d’avoir ce prix du 15 minutes plus tard, vous maintenez ces propos ?
Céleste n’est pas moi. C’est une femme fascinante qui a fasciné un personnage qui me ressemble plus, Raphaëlle, elle pousse des coups de gueules notamment cette histoire du Goncourt qu’elle n’a pas eu, mais moi personnellement, je n’ai jamais pensé avoir le Goncourt. Je suis un peu fantasque mais pas folle ! Céleste reste un personnage de fiction.
Vous allez lire Les Bienveillantes, Goncourt 2006 ?
Honnêtement, non ! Du moins pas tout de suite. On m’a déjà offert le livre. Je suis très étonnée par le phénomène Littell, ça pose une vraie question, c’est intéressant de voir un tel engouement. J’ai d’abord été très attentive à ce qu’on en disait. Enfin, je vais voir, je vais peut-être le lire jusqu’au bout, ou pas.
Maïa Gabily
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
Lundi 6 novembre dernier, 12h45, l’effervescence s’empare de la rue Gaillon. Les camionnettes de télévision se garent, les curieux se positionnent stylo à la main ou appareil photo en bandoulière, tandis les têtes couronnées de l’empire littéraire se glissent avec majesté entre les rideaux rouges de Drouant pour assister à l’annonce du lauréat du prix français le plus couru de l’automne. En face, au café le K1ze, l’agitation est également au programme : l’excellente revue littéraire Décapage, créée par l’écrivain Jean-Baptiste Gendarme, s’apprête à décerner avec son jury tout neuf (et tournant) le premier prix du « 15 minutes plus tard ». Le principe ? Aucun, à part d’être décerné 15 minutes après le Goncourt !
Jean-Baptiste Gendarme arrive tranquillement, souriant bien qu’un peu fébrile, et lourdement chargé du magnum de champagne qui ira au lauréat. Il est bientôt suivi par les membres du jury, chacun son tour, tous plutôt décontractés : Emmanuel Adely, Davis Foenkinos, Philippe Jaenada, Serge Joncourt, Xabi Molia, Régis de Sa Moréira, Guillaume Tavard. Les minutes passent, bientôt 13h, tout ce petit monde sort pour voir si on peut entendre de dehors le nom du fameux « Goncourisé » de l’année. « Vous avez déjà assisté à cette proclamation ? » demande-t-on : pour tous, c’est la première fois. Première fois que tous ces écrivains se retrouvent finalement si près du Goncourt ! Les derniers pronostics vont bon train, Littell ou pas Littell ? Ca y est, il est 13h, mais en face rien ne bouge, le cœur de l’action est à l’intérieur : on apprendra finalement le nom de l’élu par Serge Joncour, branché sur Radio-France ! On soupire : était-ce vraiment utile de confirmer un succès public et critique déjà distingué par les Immortels de l’Académie ? « A ce train là, on ne verra bientôt plus la couverture du livre ! » ironisent certains. Le débat ne fera pas long feu, personne ne l’a lu !
13h05, les jurés du 15 minutes plus tard vont faire semblant de délibérer - la gagnante est connue depuis la veille - et 10 minutes plus tard, ils se massent dehors pour annoncer la victoire d’Héléna Marienské (voir ci-dessous l'interview), sous nos applaudissements comme dirait l’autre. Frédéric Beigbeder, sortant de chez Drouant mais
toujours au fait de l’actualité, traverse alors la rue avec son équipe de Canal + et offre galamment son micro – et sa notoriété - à Gendarme et à la lauréate. Un petit coup de nostalgie de ce qu’était au départ le prix de Flore a peut-être gagné l’animateur ?
13h30, tout le monde est revenu à l’intérieur, on sabre le champagne au chaud ! On demande à Emmanuel Adely et Philippe Jaenada s’ils étaient heureux d’être membres du jury. « Non ! »répondent-ils en cœur. Adely explique : « C’était chiant, on a du lire les livres très vite, on a eu du mal à avoir des vrais coups de cœur ». Et Jaenada d’enchaîner : « Non, le pire c’était qu’on arrêtait pas de s’engueuler juste pour des livres , alors qu’on est amis le reste du temps ! » . Ils ne recommenceront donc pas. « Ah si, au contraire ! » s’exclament-ils. Définitivement de drôles d’animaux les écrivains…
Interview avec Héléna Marienské : du sang neuf
Contrairement au prix Goncourt, s’il y a bien un terme qui ne s’applique pas à la lauréate de ce prix, c’est bien « institutionnel ». Dans son premier roman, Rhésus, Héléna Marienské donne parole à divers membres d’une maison de retraite, tous plus névrosés les uns que les autres, affreux parce que vieux, pas toujours bêtes, mais souvent méchants : avant de passer l’arme à gauche (et la plupart du temps pas de façon très conventionnelle), ces derniers n’ont qu’une idée en tête, la satisfaction de leur libido, assez déviante faut-il le préciser. Tout ça sans compter l’intervention loufoque et hautement décalé d’un singe dénommé « Rhésus ». Le jury du 15 minutes plus tard n’a pas résisté à l’aspect original et furieusement provocateur de cet O.L.N.I de la rentré,e et nous avons cueilli la lauréate à la sortie de son premier adoubement du milieu !
Pensez-vous vendre 300 000 exemplaires (ventes moyennes d’un Goncourt) de Rhésus avec le prix 15 minutes plus tard ?
Héléna Marienské : (elle éclate de rire) Aucune chance ! C’est une question qu’on pose souvent aux écrivains, mais on n’écrit pas pour vendre 300 000 exemplaires. On écrit parce qu’on a un projet, un espèce de défi qu’on essaie de dépasser. J’ai choisi un sujet qui paraissait impossible à traiter, mais une fois que je l’ai eu entre les mains, je n’ai pas pu le lâcher… Evidemment, si je vends quelques exemplaires de plus avec ce prix, je serai ravie mais 300 000, ça me semble beaucoup !
Pourtant le prix bénéficie d’une bonne couverture
Oui, c’est excellent d’ailleurs mais je n’écris pas pour cela. Bien sûr j’ai envie d’avoir des lecteurs mais je ne demande pas tous les jours « combien on a vendu aujourd’hui ? ». Je me demande plutôt comment je vais faire pour continuer à écrire après avoir eu un accueil aussi favorable avec le premier, comment je vais retrouver le courage d’écrire en sachant que pour un premier roman, on est toujours un peu indulgent, il peut y avoir des défauts etc. Pour un deuxième la critique est toujours un peu plus exigeante.
Avec qui allez-vous passer votre nuit à l’hôtel ? (une des récompenses du prix)
Avec un homme, qui est là d’ailleurs, que j’aime depuis quelques années !
Dans votre livre, il y a un personnage, Céleste, un écrivain qui s’insurge sur le fait qu’à l’époque elle ait reçu le Renaudot alors que selon elle, elle méritait au minimum le Goncourt ! Maintenant que vous venez d’avoir ce prix du 15 minutes plus tard, vous maintenez ces propos ?
Céleste n’est pas moi. C’est une femme fascinante qui a fasciné un personnage qui me ressemble plus, Raphaëlle, elle pousse des coups de gueules notamment cette histoire du Goncourt qu’elle n’a pas eu, mais moi personnellement, je n’ai jamais pensé avoir le Goncourt. Je suis un peu fantasque mais pas folle ! Céleste reste un personnage de fiction.
Vous allez lire Les Bienveillantes, Goncourt 2006 ?
Honnêtement, non ! Du moins pas tout de suite. On m’a déjà offert le livre. Je suis très étonnée par le phénomène Littell, ça pose une vraie question, c’est intéressant de voir un tel engouement. J’ai d’abord été très attentive à ce qu’on en disait. Enfin, je vais voir, je vais peut-être le lire jusqu’au bout, ou pas.
Maïa Gabily
Ed.
0 p / 0 €
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Last modified onmercredi, 24 juin 2009 23:29
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