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10

Nov

2009

Des livres et vous: Aurélien Recoing
Écrit par Maïa Gabily   
Zone Littéraire relance un rendez-vous de lecteur : régulièrement, une personnalité revisite les lectures marquantes de sa vie. C’est l’acteur Aurélien Recoing, actuellement au cinéma dans Demain, dès l’aube, qui a accepté d’inaugurer ce nouveau départ.

Quel est le premier livre que vous avez lu ?
Les premiers « vrais » livres ont été Des Souris et des hommes de Steinbeck, et À l’Ouest, rien de nouveau de Erich Maria Remarque, que j’ai lus très jeune, vers 7 ans. Je sais que ça fait jeune pour lire ça… En fait, on lisait beaucoup dans ma famille, initiés par ma mère qui reste une grande lectrice. Nous étions quatre frères. On se réunissait au salon et on partageait des moments de lecture à voix haute, notamment Jules Verne ou des contes, de Grimm à Andersen en passant par Marcel Aymé, Perrault, etc. Ceux-là ont été les premiers livres.

Le livre de vos 17 ans ?
Ça doit être Au dessous du volcan, de Malcolm Lowry. À la même époque, Tête d’or, une pièce de Claudel. J’ai énormément lu de littérature jusqu’à 17-18 ans : trois ou quatre livres par semaine.

Le livre que vous avez le plus lu ?
L’œuvre de Paul Auster peut-être. Le Livre des illusions, notamment, reste pour moi un chef d’œuvre. Mais je ne les ai pas relus beaucoup. Je sais que je suis pas mal revenu à Steinbeck, à Victor Hugo : plusieurs fois Les Travailleurs de la mer, également Quatre-vingt treize. En fait, je relis plutôt des classiques. Et puis aussi, encore et surtout, Au dessous du volcan.

Le livre qui vous a fait le plus rire ?
(Silence) Peut-être n’ai-je pas lu de livres drôles ! Si, quand même, je crois que Le Procès de Kafka m’avait fait vraiment rire. Vers 14-15 ans, Kafka a beaucoup nourri mon imaginaire. Ses livres dégageaient un humour auquel j’étais sensible.

Le livre qui vous a le plus ému ?
Ce sont Guerre et paix, et Anna Karénine, de Tolstoï, Un héros de notre temps de Lermontov, La Montagne magique de Thomas Mann, ou encore récemment Les Bienveillantes de Jonathan Littell. Les auteurs russes en général m’ont souvent ému. Dernièrement, Sarinagara de Philippe Forest, ou le dernier livre aussi d’Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne, m’ont vraiment bouleversé.

Le livre qui vous a le plus donné à réfléchir ?

Le Livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa, ainsi que La Montagne magique.

Le livre que vous avez le plus offert ?

Le Village de l’Allemand, de Boualem Sansal, un livre qui m’a été offert et que j’ai offert à mon tour souvent. Au dessous du volcan également, bien sûr. Pessoa en général. Belle du seigneur aussi. Sans parler de Cent ans de solitude, ou L’Automne du Patriarche de Gabriel Garcia Marquez, Aurélien d’Aragon, qui sont des références absolues et des livres que tu as, du coup, précisément envie de transmettre.

Le livre qu'on n’aurait pas dû vous offrir ?
Ça c’est vache ! Le problème c’est que les livres qui me tombent des mains, je les oublie…
Peut-être pour moi s’agit-il plutôt d’ouvrages que je ne suis pas près à lire tout de suite… Par exemple, À la recherche du temps perdu de Proust ou Les Versets sataniques de Salman Rushdie : c’est remarquable mais ça me tombe des mains ! Je sais que j’y reviendrais plus tard. Je crois qu’en fait, je suis assez classique : j’aime les histoires construites, à partir desquelles je peux me faire un film.

Le livre que vous n'avez pas encore lu ?
Un livre qu’on m’a offert récemment, le dernier de Claude Lanzmann, Le Lièvre de Patagonie : celui-là, j’ai vraiment hâte de m’y mettre.

Y a-t-il des livres dont vous auriez voulu parler ici ?
Il y a des livres dont on aimerait qu’ils reviennent à la mémoire : c’est le cas des Âmes mortes de Gogol, que personne, ou presque, n’a lu. C’est pourtant absolument extraordinaire. Les gens disent « Ah oui, ça doit être formidable », mais en fait, ils ne le lisent jamais. C’est pourtant un des premiers documentaires sur la société pré-contemporaine.

Et s'il ne devait en rester qu'un ?

(Long silence). C’est un peu une pirouette, mais je pense que c’est La Construction d’un personnage chez Stanislavski. Il y aurait aussi L’Évangile selon Saint-Jean, sans aucune religiosité de ma part. Cela fait sens, en tout cas au niveau de la transmission. Du coup, je pourrais citer l’Ancien Testament, incroyable récit où l’on voit comment les histoires ont été édifiées sur une tradition orale, qui est aussi à l’origine de Babel.

Y a-t-il quelqu'un à qui vous aimeriez proposer ce questionnaire ?

Il y aurait Florence Aubenas, la journaliste, dont j’ai lu dernièrement le livre sur l’affaire d’Outreau, La Méprise. Ce qui m’a beaucoup plu, c’est qu’au-delà du documentaire, il y a une vraie force littéraire qui dépasse le fait-divers. Sinon, ce grand homme de théâtre qu’est Jean-Pierre Vincent, lequel doit trimballer avec lui une sacrée bibliothèque ! Enfin, il y a Laurent Cantet, à la fois direct et discret dans son rapport au monde. Trois personnes différentes mais qui constituent le parcours qui est le mien : comment raconter une histoire en passant par l’effet documentaire tout en restant d’abord de la littérature.

Propos recueillis par Maïa Gabily
 
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