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27

Mai

2010

Xabi Molia: de l'écrit à l'écran
Écrit par Laurence Bourgeon   
Après la publication de quatre livres - trois romans et un recueil de poésie - Xabi Molia a investi le terrain cinématographique. Son premier film, Huit fois debout, avec Julie Gayet et Denis Podalydès, vient de sortir en salles. Autour de cette « première », Xabi Molia revient sur son parcours, ses influences, ses doutes et ses (nombreux) projets.

Nous vous avions rencontré au moment de la publication de Reprise des hostilités. Vous estimiez alors que les films, comme les livres, étaient des sources d’inspiration totalement indépendantes. Aurait-il été impensable pour vous d’écrire d’abord un roman dont la trame approcherait celle de Huit fois debout ?
J
’ai l’impression que chaque histoire réclame une forme qui lui est propre. Je n’ai jamais pensé que je serais capable de faire un roman de Huit fois debout. Les envies qui présidaient à ce projet étaient toujours des envies de cinéma parce que, quand j’imaginais l’histoire, j’imaginais une femme en train de marcher, un visage… C’est passé par différentes étapes mais c’était assez immédiatement visuel. À un moment, quand je n’ai pas été sûr de pouvoir faire le film, j’ai pensé que je pourrais peut-être en faire une bande dessinée, parce que je trouve que cinéma et bande dessinée sont vraiment voisins. On y retrouve ces questions de cadre, de montage, raconter des histoires en images. Mais entre roman et cinéma, il n’y a vraiment jamais aucune hésitation. Si je voulais raconter l’histoire de Huit fois debout, j’étais donc obligé d’aller vers le cinéma.
Vous dessinez ?
Non. En revanche, j’écris des scénarios. Je viens de faire une bande dessinée qui est sortie chez Sarbacane et je voudrais vraiment continuer. J’ai envie de faire quelque chose d’assez autobiographique sur l’idée de grandir en province dans les années 80, être le seul littéraire à la ronde et vivre ça comme une maladie honteuse… J’aurais un peu de mal à en faire un film parce se pose tout de suite la question de la reconstitution historique. Or, en France, on est en général assez peu doué pour les films historiques et je ne voudrais pas m’exposer au risque de faire quelque chose de raté. Tandis qu’avec la bande dessinée on ne se pose pas cette question. C’est quelque chose qui m’intéresse vraiment, mais pas moi en tant que dessinateur.
Vous avez publié quatre livres - trois romans et un recueil de poésies... Qu’est-ce qui a fait que vous avez eu envie de passer à la réalisation ?
Ça n’a pas du tout été évident parce que j’ai grandi à Bayonne où n’y avait pas de cinéma d’art et d’essai. J’avais obligation de me coucher à 21h15. J’étais donc déjà dans mon lit aux heures où les bons films passaient. Je n’ai découvert le cinéma de patrimoine qu’en arrivant à Paris, à 18 ans. L’envie de faire du cinéma n’était pas du tout présente à l’adolescence alors que je savais dès 12-13 ans que je voulais écrire. C’est venu de façon un peu incidente, par le fait que ma sœur, qui est maintenant ma productrice, a fait la Femis dans la section script. La première année est généraliste et elle avait l’obligation d’écrire et de mettre en forme des petits courts-métrages. Elle n’avait aucun goût pour ça. J’ai donc commencé en étant un peu son nègre, en lui écrivant des histoires que je l’aidais à réaliser de semaine en semaine. Quand on écrit pour le cinéma, on écrit déjà pour des scènes, des envies de mise en scène. À partir de là j’ai commencé à écrire des films avec l’idée de les réaliser moi-même et ma sœur m’a pas mal encouragé à cela : le premier film qu’elle a produit est le premier film que j’ai réalisé. Il n’y a donc pas du tout d’histoire familiale, de vocation devant un film fondateur - ça fait très chic d’avoir des choses comme ça à raconter mais ce n’est pas le cas. D’autant plus qu’au départ, mes goûts de cinéma étaient très hollywoodiens… J’avais vraiment un goût affreux.
Quelles ont été les étapes de ce projet ? Etes-vous passé directement de l’écriture au long métrage ou bien vous êtes-vous « entraîné » avec des formes plus courtes pour prendre vos repères avec ce support ?
Oui, il y a eu des courts-métrages, notamment un avec Julie Gayet, qui correspond à peu près au dernier quart d’heure du film : c’était déjà l’histoire d’Elsa, emmenant son fils vers le rivage. Je suis sorti de ce court-métrage avec des sentiments très mélangés. D’un côté, j’avais rencontré Julie Gayet avec qui on avait l’impression d’avoir trouvé un personnage autour duquel on avait encore plus de choses à raconter. En même temps, j’avais fait un film très sombre, très noir, très « frères Dardenne », sous l’influence du cinéma naturaliste, qu’il soit belge ou américain, je pense notamment au très beau film de Lodge Kerrigan, Keane. J’étais donc très influencé par ça et, en même temps, ce n’était pas mon tempérament de cinéaste. Je pense que les courts-métrages sont un peu faits comme les nouvelles que l’on écrit quand on a 15 ans : pour se débarrasser de fausses envies, de choses qui sont un peu de l’ordre du fantasme, que l’on croit avoir envie de faire mais dont l’évidence disparaît une fois qu’elles ont été réalisées... J’avais ainsi fait un premier film un peu à la Tarantino, un deuxième qui était un faux documentaire… Le chemin des courts-métrages m’a permis de prendre conscience de ce qui me tenait vraiment à cœur et de ce que j’avais envie d’explorer. C’est assez paradoxal car le court-métrage a été un peu la matrice du long mais le long s’est un peu fait contre le court : avec les mêmes personnages, les mêmes enjeux, mais avec l’envie de ne pas réduire la trajectoire d’une jeune femme précaire à quelque chose de très noir, très dur et parfois un peu caricatural dans cette noirceur.
Le court a-t-il été réinjecté tel quel dans le long ou bien retravaillé ?
Au départ, quand j’ai eu fini le court-métrage, je me suis dit que j’avais peut-être fait un épisode d’un film plus long. Et Julie Gayet m’a dit : « Pourquoi n’écrirais-tu pas d’autres épisodes de la vie de cette femme ? » Je me suis donc dit que j’allais écrire sur ce qui l’avait mené à une telle situation : une femme qui passe des entretiens d’embauche, qui a visiblement perdu son logement il y a peu de temps. J’avais une sorte de trame qui était l’antécédent du court-métrage dans lequel mon personnage apparaissait en filigrane. Du coup, j’ai comme décalé l’histoire d’Elsa en remontant aux origines de son déclassement. J’ai donc conservé le court-métrage initial en le réécrivant en fonction de ce que j’avais trouvé dans le personnage d’Elsa qui n’y était pas au départ. Aujourd’hui, si on le compare avec l’autre, il demeure très proche, notamment en mise en scène parce qu’il y avait beaucoup de choses que j’aimais. C’est donc un peu étrange parce que j’ai fait un film qui était déjà presque un auto remake. C’est assez prétentieux, je trouve, comme démarche…

Si livre et film sont indépendants, il y a cependant circulation de certains thèmes, et notamment un questionnement de la société moderne, du mode de vie contemporain, par le biais du décalage et la récurrence de ces personnages trentenaires assez inadaptés à la société qui les entoure…
J’essaye assez peu d’être cohérent avec ce que je fais. Mais je sais que j’ai cependant un goût pour un certain type de comique de situation, lié à des situations embarrassantes dans lesquelles je me mets, une gaucherie en société. J’essaye d’en tirer parti. Donc, évidemment entre les personnages de mes romans et le personnage de Mathieu (joué par Denis Podalydès), il y a clairement une espèce de personnage un peu attardé dans l’adolescence, irrésolu… Et je continue de penser qu’un loser est un archétype passionnant – d’ailleurs je ne sais pas à quel point ce sont des losers mais ils peuvent être vus comme tels, à savoir des gens qui n’ont pas boulot, etc… – car il y a une forme de résistance dans l’inadaptation qui me séduit. J’aime bien cet héroïsme un peu médiocre, de gens qui sont un peu au milieu de nulle part mais qui expriment des aspirations, des réticences, une énergie aussi… Bien que lui ne soit pas du tout énergique mais dans une sorte de laisser aller contemplatif, jamais désespéré. Quant à Elsa, si elle n’est pas uniquement dans l’énergie – beaucoup de spectateurs m’ont dit : « on a envie de la secouer » – mais j’aime bien le côté qu’elle a de rester debout, de se rattacher aux choses et de toujours repartir…

Aviez-vous la volonté de faire un film que l’on pourrait qualifier de social, une forme de dénonciation du formatage ambiant dans le discours ?
C’est peut-être le lien entre le roman que j’ai fait et le film. Il est vrai dans les deux cas, ces projets étaient un peu en prise avec la société française contemporaine – ce qui n’est pas forcément vrai des autres projets auxquels je suis en train de travailler. A un moment donné on se dit que sur toutes les histoires qu’on peut raconter, toutes les démarches artistiques qu’on peut avoir, il peut être intéressant d’essayer de rencontrer le monde dans lequel on vit. Les études que j’ai faites m’ont donné un sentiment de grand isolement, très érudit, très élitiste… Mon premier roman se passait à la bibliothèque de Beaubourg et était assez symptomatique de ma vie parce que je ne pouvais parler que de livres, c’était la seule chose que je connaissais. Après ça, j’ai vraiment essayé de retrouver des enjeux forts du monde dans lequel je vivais. J’avais alors vraiment envie de faire quelque chose autour de la centralité de la valeur travail. Le projet est venu en 2003. Et il me semble que, ces dernières années, l’idée de remettre la France au travail, travailler plus etc… n’a fait que s’accentuer. Les programmes politiques reposant sur l’idée que le travail c’est la santé se multiplient. Je trouve que c’est un discours souvent tenu par des gens qui travaillent peu ou de manière hyper privilégiée. C’est ce qui m’intéressait.

On entend en effet l’écho de discours politiques contemporains. Mais en même temps il y a toujours ce décalage, ce glissement vers le comique, qui fait que le film n’est pas pesant…
Oui, à un moment, un personnage dit : « Travailler n’était pas une évidence pour moi » et, en travaillant en salle de montage, après avoir visionné cette scène 50 ou 60 fois, je me disais de plus en plus qu’il avait raison… Je pense que travailler, passer sa vie dans un bureau avec des gens qu’on n’a pas choisis, a un caractère non évident. C’est ce qui me plait dans ces personnages et c’est en cela que je trouve que c’est un peu des résistants. C’est l’idée qu’il n’y a rien d’évident pour eux dans l’idée que l’épanouissement passerait par le travail. Je trouve que c’est intéressant de le faire entendre parce qu’on peut assez vite considérer comme des losers les gens qui sont dans cette marginalité alors qu’ils pourraient nous retourner la remarque en soulignant le côté toujours un peu aliénant du travail qui fait l’essentiel de nos existences – sauf le travail qu’on mène en son nom quand on est artiste – le sentiment qu’on est remplaçable. Ca m’intéressait de travailler sur l’ambiguïté de gens qui savent qu’ils ont besoin du travail car c’est un véritable enjeu d’existence, surtout elle pour récupérer la garde de son fils, et qui, en même temps, sont confrontés à un discours très conventionnel auquel ils ont du mal à se conformer.
En voyageant avec le film, j’ai pu mesurer cette ambivalence du public qui, souvent, croyant me parler du film, me parlent de lui. Beaucoup m’ont dit que le film se termine très mal parce qu’elle n’a pas de boulot. Alors que ça ne se termine pas si mal. On voit à quel point pour certaines personnes, une vie qui se définirait, non pas sans le travail, mais un peu contre le travail, est inenvisageable. C’est quelque chose d’hyper contemporain parce qu’on est dans des sociétés paradoxales : il y a de moins en moins de travail. Pourtant, on continue à nous demander de nous définir par le travail. C’est là-dessus que j’avais envie de travailler. J’ai trouvé intéressant le livre de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, car il dit des choses très comparables en laissant toujours une place à l’humour. Elle saisit bien ce qu’il y a de comique dans le désespérant, l’ubuesque du Pôle emploi, les exigences complètement décalées auxquelles sont confrontés les chercheurs d’emploi. J’avais envie de faire des scènes d’entretiens d’embauche qui soient à la fois drôles et glaçantes : qu’on se sente mal pour le personnage car on sent qu’il n’est pas du tout à la hauteur, tout en se disant que les attentes qu’on leur fixe sont trop cadrées, stéréotypées.

De la même façon que vous déconstruisiez les discours politiques pleins de néologismes de certains leaders charismatiques, vous creusez et tournez en ridicule le discours dominant des employeurs-recruteurs qui raisonnent par cases et sont effrayés, déroutés par tout ce qui n’est pas conventionnel là où il faudrait encourager l’originalité et aider chacun à gagner confiance en soi. La codification, la standardisation du langage, qui est la matière même de votre travail, vous inquiète-t-elle ?
C’est un ressort de la comédie sociale. Il y a beaucoup de situations dans lesquelles on joue la comédie. On se rattache alors à des stéréotypes de comportement, des stéréotypes langagiers. Or, dans l’entretien d’embauche, la comédie est des deux côtés de la table. Évidemment, on demande au candidat d’avoir l’air d’un chic type, d’un futur salarié corvéable à merci... Mais l’interrogateur est aussi dans une situation de protocole où il doit avoir l’air de quelque chose. Je trouvais que c’était ce qui était intéressant à explorer, surtout au moment où ça se fissure car les deux personnages court-circuitent tellement le processus que du malaise s’installe des deux côtés de la table.

Aux séquences très dialoguées, saturées de discours convenus qui tournent en rond et à vide, vous opposez des scènes particulièrement silencieuses : celles de la forêt municipale où se réfugient les personnages. Est-ce une figuration de ce qui pourrait apparaître comme un Eden perdu ? Une forme d’éloge de la lenteur ?...
Il y a deux choses. Quand on fait du cinéma, on le fait à partir d’envies très primaires. En ce qui me concerne, j’ai toujours eu un goût fort pour les films où la nature occupe une grande place, où des corps se promènent dans l’espace. Je suis fan de westerns ou, plus récemment, de Gerry de Gus Van Sant, tout le début de Last Days dans la forêt, Old Joy de Kenny Richard. J’y vois une spécificité du cinéma. On peut raconter une forêt ou un désert, mais je ne sais pas le faire. Mes envies de grands espaces passent forcément par le cinéma. La présence de cette forêt est donc due à une envie de cinéma très forte. Par ailleurs, je ne suis pas documentariste mais il se trouve certains de mes amis ont rencontré quelqu’un qui vit dans la forêt en bordure de Paris. C’est un phénomène qui s’est multiplié depuis une vingtaine d’années. Il s’agissait d’un ancien légionnaire, qui avait un camp très organisé. Il était assez vindicatif : il avait droit à un certain nombre de prestations sociales qu’il ne touchait pas. Mes amis l’ont aidé à faire des démarches pour qu’il ait notamment une place en foyer. Mais il n’y est resté qu’une demi-journée. Il a fui et est aujourd’hui toujours dans cette forêt. J’avais trouvé intéressant le fait que la forêt aujourd’hui soit à la fois le lieu du déclassement ultime mais aussi un lieu qui apporte un confort psychologique parce que vous êtes à l’écart du regard des autres (vous pouvez rêvasser, traîner, méditer). Pour lui, le foyer était infantilisant et lui rappelait qu’il était un clochard. J’avais été aussi assez frappé par le personnage de Jean-Claude Roman qui passait ses journées dans la forêt. Et je me disais que traîner dans la forêt est à la fois triste et beau. On s’y rend de plus en plus sensible. J’avais assez envie de montrer ça comme ça plutôt que de tomber dans quelque chose de misérabiliste, crade… Je souhaitais restituer cette ambivalence de la forêt et placer mes personnages au carrefour du déclassement et d’une espèce de reconquête. Il était particulièrement intéressant de travailler sur le personnage de Denis Podalydès et de la faire passer de statut de Woody Allen du quartier (complètement frêle, insomniaque, livide…) à celui d’homme des bois. Dans la forêt j’avais un peu envie que ce soit John Wayne !

Vous semblez avoir transformé cet essai en réussite. Était-ce un « coup » unique ou bien avez-vous d’autres projets de films ?
Oui, j’avais écrit le scénario du prochain avant de travailler avec Julie. J’aime bien travailler ainsi, laisser les idées mûrir pendant quelques années. Je me dis que c’est bon signe si j’ai toujours envie de cette histoire-là au bout de quatre ans. J’ai beaucoup aimé travaillé pour le cinéma. La rencontre avec Denis Podalydès est quelque chose qui m’a énormément plu. Du coup, de même que j’avais écrit Huit fois debout pour Julie et pour personne d’autre, je prépare le prochain pour Denis. J’espère le tourner à l’été 2011. Ce sera encore un film sur des losers, deux demi-frères, qui ont peu de relations sociales, sentimentales, professionnelles que l’un d’eux surprendra. Il se passe pour moitié dans des montagnes. C’est une envie assez fondamentale. J’ai vraiment construit l’histoire pour les montagnes, toujours dans ce souci très primaire de filmer les grands espaces. La vaine fantaisiste, qui était déjà un présente dans ce film, sera un peu plus marquée

Vos projets semblent clairs et résolus, loin des doutes qui assaillent le personnage de Denis dans le film. Un doute qui est toutefois présenté comme une vertu positive alors qu’il est si souvent montré comme une faiblesse…
Pendant le montage, j’étais assez complexé par le fait que je sentais que j’étais quelqu’un pétri de contradictions et de doutes. Longtemps, je l’ai vécu comme une espèce malédiction dont il fallait à tout prix sortir parce que je crois qu’on vit dans une époque qui nous exhorte à dire qui on est, à se trouver une personnalité ; quand on est un artiste, à avoir un univers, un genre… Or, moi, j’ai envie de faire plein de choses, j’ai envie que chaque chose soit une première fois et surtout j’ai des héros très contradictoires. Par conséquent, constatant que je ne serai jamais quelqu’un de très sûr et de très cohérent, je me suis dit suis dit que je pouvais peut-être le revendiquer. Je suis tombé sur un paragraphe de Pessoa qui fait l’éloge de l’incohérence ; être cohérent serait synonyme d’appauvrissement. J’aime les gens qui doutent. J’adorerais que les hommes politiques le fassent plus, qu’ils nous disent : « Je ne sais pas quoi, faire. Je vais prendre un long week-end pour réfléchir. » Or, il y a une espèce d’interdit en la matière, certainement censé nous rassurer, mais que je trouve très oppressant. Dans mon travail comme dans ma vie, je revendique le droit de changer d’avis.

Comment envisagez-vous votre carrière future ? Doit-on vous guetter plutôt dans les librairies ou derrière les caméras ?
L’écriture est quelque chose que je ne me verrai pas abandonner. D’autant plus qu’on ne sait jamais jusqu’à quand on va pouvoir faire du cinéma parce que c’est complètement indexé sur les résultats commerciaux. Ca s’est vraiment bien passé pour le premier film mais je sais que ces choses-là peuvent s’arrêter très vite. On peut très vite être démonétisé. Je vois ma carrière de cinéma comme quelque chose de très fragile alors que je sens que l’écriture va continuer parce que, quand on a écrit deux ou trois livres, on sait qu’on ne restera pas forcément chez le même éditeur, qu’on aura peut-être un texte refusé, mais que les choses vont se poursuivre. L’écriture est quelque chose de beaucoup plus libre, de beaucoup plus gratuit, plus facile à faire (au sens où vous êtes le seul à le faire). Mais surtout, certaines histoires ne peuvent être que des livres et je ne les vois pas exister autrement. Je pense aussi avoir fondamentalement un tempérament d’écrivain. Ce que j’aime, c’est écrire. Le cinéma m’a beaucoup plu dans la dimension « aventure humaine » du tournage. Mais ce sont aussi beaucoup de sollicitations. Je ne me vois pas arrêter d’écrire. Plutôt mener les deux de front, comme je l’ai fait jusqu’à présent. Ce qui demande d’être sur des rythmes décalés. Je viens ainsi de rendre à mon éditeur un roman que j’avais commencé avant le tournage du film, et que j’ai achevé après. J’ai beaucoup aimé ce décalage, le recul qu’il m’a apporté, une énergie différente. J’aimerais continuer avec cette alternance. Je viens de commencer un nouveau roman, que je vais interrompre avec le tournage du prochain film…. Je reste donc fondamentalement un écrivain, mais je dois reconnaître que le cinéma m’a beaucoup apporté. Par une certaine aisance financière et le contact qu’il apporte avec le public, il libère des tentations de la mauvaise littérature en empêchant de céder aux sirènes d’une littérature plus commerciale.
Propos recueillis par Laurence Bourgeon









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