22 Nov 2010 |
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Justement remarqué lors de la rentrée, France 80 est une réussite originale, donnant autant dans le name dropping que dans l’analyse fine du sortir de l’adolescence. Bluffant.
Que ceux qui ne pensent jamais sans un pincement au cœur au Raider-deux-doigts-coupent-faim passent leur chemin. Dans la lignée du titre, Gaelle Bantegnie invite en effet ses lecteurs à une séquence nostalgie des eighties : manger au goûter des bonbons Kremas ou de la Danette, servir à l’apéro des mini-saucisses Herta dans des assiettes Arcopal, boire du Benco dans des verres à moutarde Goldorak, rouler en Renault 9 ou Fiat Panda, enregistrer sur cassettes Mickael Jackson ou Yes, travailler au PTT… Les références s’enchaînent sans lasser, constituant dés le départ une convaincante toile de fond où évoluent les deux personnages choisis pour incarner toute une époque. Mythologies Claire Berthelot a 13 ans en 1984, c’est une ado mal dans sa peau. Son voisin de la banlieue nantaise s’appelle Patrick Cheneau : il a 27 ans, est technico-commercial de jour, dragueur invétéré le soir, roule en Fuego bleue, sort avec Nadine Trillard, coiffeuse. Durant les 5 ans où l’on dévore leurs tranches de vie, ils ne se rencontreront pas – ou presque. Là n’est pas ce qui compte, mais plutôt de saisir ce que sont l’adolescence et la trentaine dans la France de cette époque si marquée. D’où l’importance de l’objet, sa caractérisation avec notamment la marque créant toute une mythologie à la Barthes, une identité de consommation. Chaque détail nommé et accumulé fait ainsi de Patrick le parfait beauf : frémissant d’horreur au mot « ringard », traînant en polo Lacoste et mocassins à gland, night-clubber de banlieue, il sera bientôt VRP pour la « petite chaîne qui monte », et servira à des femmes coincées en mal d’aventures quelques minutes de sexe contre abonnements à Canal +. La grande classe. De son côté, Claire grandit , ou tente de. Like a virgin On ne peut pas dire en effet que Claire soit une ado libérée, bien au contraire. Elle est bourrée de tics : obsédée de la propreté et du rangement – ce qui arrange bien sa mère –, ne supportant pas qu’on la touche, qu’on l’embrasse encore moins, elle souffre également de crises boulimiques. Dans ses conditions, difficile d’être épanouie : les premiers flirts, chagrins d’amour, tentatives sexuelles s’enchaîneront, malaisés, jusqu’au bac. Claire observe ce jour-là ses futurs ex camarades de lycée, réalise qu’ils ne lui manqueront pas : « Eux jouent aux petits adultes à acné et moustache naissante quand elle voudrait seulement devenir adolescente ». Là est le réel problème de Claire et le véritable enjeu d’un roman qui, à force de référencements systématiques pourrait faire croire à une apparente frivolité de catalogue. Chronique intelligente d’un classique apprentissage au cœur d’une époque révolue et qui a toujours ses fans, il n’est pas nécessaire d’être né avant 1988 pour apprécier France 80, l’un des meilleurs premiers romans de cette année. Gaëlle BANTEGNIE France 80 Gallimard/L’Arbalète 220 p., 17 €
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