Les offices du livres sont préparés et pourtant... La rentrée littéraire est une catastrophe naturelle. Mais la nature fait parfois bien les choses. Près de 700 livres pour combien de victimes ? Avant l'état des lieux, tour d'horizon de l'ampleur du cataclysme. La rentrée littéraire ne s’est toujours pas pliée au flux qui règle notre société. Elle est et reste un tsunami, une lame de fond ou plutôt un lâcher de barrage purgeant d’un coup presque 700 ouvrages. 683, pour la stat’. Elle est une anomalie discrète, anti commerciale. Illogique ? Peut-être. On attend incessamment les premiers cris d’orfraies sur le thème : « les livres sont noyés, sauvons la littérature ». Peu importe, l’incongruité a toujours son charme, et mieux vaut être submergé qu’asséché. Fort heureusement, les bons surfeurs vous le diront : il n’y a pas deux vagues identiques. La rentrée 2005 avait dépérie dans l’ombre d’un géant, Houellebecq. Celle de 2006 ne souffrira pas du petit ombrage que lui jette le marronnier d’Amélie Nothomb (Journal d’une hirondelle chez Albin Michel), parmi les nombreuses autres jeunes pousses et vieilles branches qui forme le très gros fétu des ouvrages de ces deux mois de rentrée. La déferlante bandante ? 475 romans français, 97 premiers et 208 étrangers. 20 de plus qu'en 2005 et bien moins qu'en 2007. 2005 fut donc une année chaude, politique, rebelle, écorchée et lugubre par instant. A croire que les auteurs ont la plume dérivée sur google news, la rentrée littéraire prend des airs de mosaïque d’écrans de télévision branchée sur JT en continue. Un peu comme Chloé Delaume, restée plantée devant son écran pour écrire J’habite dans la télévision. Rassurez vous, on parle bien de tendance : le quotas de tragédies familiales et d’introspection est bien respecté. Mais, quand même les drames de salons (Terrasse de Marie Ferran) se teintent d’humanitaire, les signes ne trompent pas. Et ce sont souvent les premiers romans qui portent cette tendance. On retiendra notamment la realpolitik de Pavel Hak au Seuil -Trans, a priori pas un témoignage sur les coulisses des cabarets transformistes-, ou les parcours pro originaux et très peu germanopratins de Laurent Marty, agent d’accueil, (la vie est un miracle, Ed. Cherche midi) ou de Philippe Routier, ex cheminot (sic), dont le premier opus chez Stock Le passage à niveau nous conte la déchéance d’un cheminot (re sic). Stock est d’ailleurs l’éditeur chez qui la fibre sociale est la plus coriace en cette rentrée 2006, avec en plus de la vie duraille précédemment cité, l’intrigant roman de Jean-Eric Boulin Supplément au roman national ou le glaçant Réussir sa vie de Bruno Gibert. Maurice G. Dantec revient lui aussi nous asséner 600 pages de dystopie crasseuse (Grande Junction, Albin Michel) à défaut de la parution du quatrième volume de son journal intime, véritable Arlésienne éditoriale. Laurent, Florian, Christine et les autres… Moins glorieux cette fois, Yann Moix clôt sa trilogie des trois P et tente de se refaire une place en passant de la Partouze au Panthéon. A voir ? Un parfum de Goncourt accompagne également le raz de marée 2006, avec Gaudé (Eldorado) et Rambaud (Le Chat botté) comme relents. Il se dit même qu'il y aura un prix Goncourt décerné cette année, mais ne le répétez à personne. Côté institution, Stendhal sera également à l'honneur puisqu'on découvrira le "Téchinien" Rendez-vous que fixe Angot, une auteure très stendhalienne. Du rouge, on passe au noir avec Julien Parme ou comment Florian Zeller rajeunit de dix ans. Mais à l'étranger qu'elle est riche la rentrée! Au tableau d'honneur, Safran Foer, Nicole Krauss (sa compagne), Irving, Moody, Waters, Conolly, autant d'auteurs à découvrir dans nos prochains numéros. On l'aura compris, chaque rentrée est une épreuve de force pour les libraires. Un raz de marée. Avec une mission : la mise en place. Gageons que pour ces pauvres offices du livre, l'exercice est pervers : on va finir par manquer de tréteaux. Et dire qu'une fois le Tsunami passé, c'est le retour des livres de poches, cette douce accalmie hivernale… En attendant Janvier. D'ici là un mot d'ordre: noyons nous ! Laurent Simon et Charles Patin o'Coohoon
Laurent Simon
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