53 cm
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Probablement l’un des meilleurs livres de poche de la rentrée septembre 2001.
On tient avec 53 cm un petit chef d’œuvre, un véritable conte pour adultes qui trouve ses filiations directes en Raymond Queneau (pour l’exploration des nouvelles formes de langage, pour l’invention d’une communication différente, à la fois gaie et teintée don ne sait quoi de mélancolique), en Rousseau et Césaire (pour le Mythe du Bon Sauvage et le concept de Négritude). En Senghor, pour sa poésie de tam-tam et sa dignité colorée, en Voltaire enfin, pour une philosophie teintée de merveilleux. Vous le constaterez, la protagoniste n’est pas sans rappeler un savant dosage de Candide et Zadig.
On pourrait sans doute trouver d’autres racines. Mais ce serait méconnaître le sujet, méconnaître l’auteur, qui, justement, n’en a pas beaucoup, de racines, et qui tient à la dire. L’histoire de 53 cm est donc celle d’une mère célibataire, de bi-origines suisse (romande) et gabonaise (wallone, à peu de choses près, pour simplifier), qui va tenter de se les créer, ses racines et ses repères, en France à Neuilly, où vit sa sœur bien intégrée.
C’est un récit de la galère d’une gentille jeune Maman, Zara, sexy et courageuse, qui sort au VIP Room le vendredi soir. Tour à tour enthousiaste et découragée, selon les aléas de ses expériences à l’OMI (services de l’immigration) , elle va essayer de faire à ce qu’elle et sa fille Marie ne soit plus ces honteuses clandestines sans ca’t de séjour. Perdre le statut d’ « illégitimité, de sans identité », de sans papier. C’est sans compter les contradictions, les turpitudes, les aproximations et la lenteur exaspérante de notre chère administration.
Qu’importe, certains objectifs servent de phares dans l’existence morne de Zara : obtenir maîtrise, licence, puis DEA de ca’t de séjour, histoire de pouvoir préparer une thèse et d’avoir plus de temps devant soi. Pêcher un ma’i français, histoire de se fixer un peu ; attention, il faut qu’il soit beau et gentil, avec de l’a’gent si possible. Mais Zara n’a pas de veine, il faut donc sourire garder, et l’ironie du désespoir lui sera salutaire.
Le parler chez Bessora, c’est du jamais vu, du quasi-inexploré. De la jubilation verbale à l’état pur, une volonté de jouer avec les sonorités et les fondements du langage. La réinvention d’un dialecte, du français parlé poétique et hilarant, qui évolue comme un poisson dans l’eau entre plusieurs de ses thèmes de prédilection : racisme, colonialisme, exclusion, redécouverte de la richesse des cultures.
Un véritable renouveau du roman, et, qui plus est, roman à inventions et à messages divers.
Jessica Nelson
53 cm
Bessora
Ed. J’ai lu (nouvelle génération)
185 p / 3 €
ISBN: 2290311774
On tient avec 53 cm un petit chef d’œuvre, un véritable conte pour adultes qui trouve ses filiations directes en Raymond Queneau (pour l’exploration des nouvelles formes de langage, pour l’invention d’une communication différente, à la fois gaie et teintée don ne sait quoi de mélancolique), en Rousseau et Césaire (pour le Mythe du Bon Sauvage et le concept de Négritude). En Senghor, pour sa poésie de tam-tam et sa dignité colorée, en Voltaire enfin, pour une philosophie teintée de merveilleux. Vous le constaterez, la protagoniste n’est pas sans rappeler un savant dosage de Candide et Zadig.
On pourrait sans doute trouver d’autres racines. Mais ce serait méconnaître le sujet, méconnaître l’auteur, qui, justement, n’en a pas beaucoup, de racines, et qui tient à la dire. L’histoire de 53 cm est donc celle d’une mère célibataire, de bi-origines suisse (romande) et gabonaise (wallone, à peu de choses près, pour simplifier), qui va tenter de se les créer, ses racines et ses repères, en France à Neuilly, où vit sa sœur bien intégrée.
C’est un récit de la galère d’une gentille jeune Maman, Zara, sexy et courageuse, qui sort au VIP Room le vendredi soir. Tour à tour enthousiaste et découragée, selon les aléas de ses expériences à l’OMI (services de l’immigration) , elle va essayer de faire à ce qu’elle et sa fille Marie ne soit plus ces honteuses clandestines sans ca’t de séjour. Perdre le statut d’ « illégitimité, de sans identité », de sans papier. C’est sans compter les contradictions, les turpitudes, les aproximations et la lenteur exaspérante de notre chère administration.
Qu’importe, certains objectifs servent de phares dans l’existence morne de Zara : obtenir maîtrise, licence, puis DEA de ca’t de séjour, histoire de pouvoir préparer une thèse et d’avoir plus de temps devant soi. Pêcher un ma’i français, histoire de se fixer un peu ; attention, il faut qu’il soit beau et gentil, avec de l’a’gent si possible. Mais Zara n’a pas de veine, il faut donc sourire garder, et l’ironie du désespoir lui sera salutaire.
Le parler chez Bessora, c’est du jamais vu, du quasi-inexploré. De la jubilation verbale à l’état pur, une volonté de jouer avec les sonorités et les fondements du langage. La réinvention d’un dialecte, du français parlé poétique et hilarant, qui évolue comme un poisson dans l’eau entre plusieurs de ses thèmes de prédilection : racisme, colonialisme, exclusion, redécouverte de la richesse des cultures.
Un véritable renouveau du roman, et, qui plus est, roman à inventions et à messages divers.
Jessica Nelson
53 cm
Bessora
Ed. J’ai lu (nouvelle génération)
185 p / 3 €
ISBN: 2290311774
Last modified ondimanche, 28 août 2011 19:43
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