A toutes les fins du monde
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La mort de Ray Bradbury, à 91 ans, laisse la place à une jeune génération d’auteurs « futuristes » qui tente à grand mal de se démarquer de leurs grands-parents littéraires.
Les genres de la science-fiction ou de l’anticipation ont souvent été cantonnés à une littérature de « trucs », faite de rayons laser et de monstres, d’un côté, et de prospective à base de voitures volantes et de soucoupes, de l’autre. Pourtant, depuis Le Cycle de mars d’Edgar Rice Burroughs et La Vie électrique d’Albert Robida, du temps a passé. La génération suivante actuellement en déclin, avec à sa tête Ray Bradbury ou J.G. Ballard, a réussi à normaliser le genre en lui ajoutant une vraie plus-value littéraire.
On aurait donc pu se dire que la tâche était accomplie et que le passage de flamme se ferait naturellement avec les « jeunes ». La réalité est plus compliquée. Succédant à la SF pure et dure à la mode jusqu’alors, le genre très en vogue de l’anticipation sociale se heurte à une barrière inédite : les papys ont eu raison très en avance. Aldous Huxley et son Meilleur des mondes, George Orwell avec 1984 et, dans une moindre mesure, Antony Burgess avec Orange mécanique et même le plus récent William Gibson avec Neuromancien ont encore des années d’avance. Le contrôle des esprits, la surveillance permanente, la pharmacologie comme modèle de société sont des processus encore en développement. À leur décharge, le futur n’a jamais été aussi indécis : dissolution dans le totalitarisme doux des réseaux sociaux ou bien encore guerre des civilisations sur fond de bioterreur, tout est encore possible. ❙