Poésie de strapontins
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Troisième ouvrage de l'écrivain Bertrand Guillot, Le métro est un sport collectif est un livre qui nous veut du bien. Un livre qui surligne l'émotion qui se trouve dans les moindres petits déplacements quotidiens si on se penche assez dessus pour les voir. Un enchainement de saynètes émouvantes, drôles, charmantes, cocasses dans lesquels nous pourrions presque tous être le personnage principal.
Chaque rame a ses secrets, ses souvenirs, ses histoires. Et si ces visages impassibles portant le poids du monde sur leurs paupières, plantés en face de vous -voir collés à vous- dans cette rame bondée avaient eux aussi une vie intérieure foisonnante? Comme vous, finalement. C'est ce que l'auteur du Métro est un sport collectif a souhaité raconter.
Il parvient à capter, à saisir au vol entre deux gongs, entre deux portes, et à cheval sur deux strapontins usés, les particules poétiques et humaines de la vie de métro.
Tour à tour, de rame en rame, on croise des personnages qu'on a envie d'aimer. Le temps d'une station, on plus. De drôles d'énergumènes aussi, les "agaçants". Toute une galerie sous-terraine de personnages marquants: controleurs taquins ou énervés, fatigués sans doute, humeurs étranges, regards, curosités, jeunes et jolies lectrices VS iPodistas (armees de"boucliers sonores"), gestes innatendus qui rendent le sourire à un passager épuisé comme un exemplaire de L'Equipe déposé sur un banc par un inconnu généreux, puis la lachêté, le mutisme ne pas savoir comment réagir dans certaines situtaions, alors ne pas agir. Des solitudes qui se rencontrent. Et un narrateur qui nous redonnerait presque foi en la vie sociale.
Ce livre nous offre un choix précieux: Il met à disposition de tous, la palette complète d'émotions et de facettes humaines qui sont toutes présentes dans les rames triviales du métro et nous laisse libre de les voir et de se laisser toucher.
Un passeur d'émotion
Le format "nouvelles" s'imposant tout naturellement à ces histoires urbaines, on est happé par l'émotion qui transpire de chacun de ces moments de vie qui nous sont relatés à travers les yeux du narrateur. Le narrateur, omniprésent et à la fois évanescent: Il est là à chacune des pages et pourtant il sait s'effacer à la perfection pour laisser naître en nous l'émoi. Amoureux le temps d'un trajet, rieur la rame d'après, estomaqué aussi lors de certaines scènes.Témoin de choses extra-ordinaires dans un décor sur-ordinaire.
L'auteur nous confirme ainsi, avec ce troisième ouvrage, son talent de raconteur d'hitoires. Talent de portraitiste aussi, que ceux qui lisent son blog depuis plusieurs années, aimeront à retrouver dans ce livre.
Sous sa plume, les cons virevoltent et le karcher ne passe pas forcément sur ceux que l'on croit. Sa narration avance sur le fil formidablement tenu entre émotion instantanée et ironie succulente. Extrait: "Si les cons volaient, finalement, il y en aurait moins dans le métro. Ce serait dommage." Quand la littérature devient l'art de voir ce que les autres ne voient pas et de poétiser la banalité du quotidien, quand l'écrivain saisait l'émotion dans le moindre petit évènement, alors on s'évade avec lui. On pense à ces sublimateurs de quotidien, aux Autres plaisirs minuscules de Philippe delerm et certaines nouvelles de Modiano.
Le métro est un sport collectif
Bertrand Guillot
Ed. Rue Fromentin
12 euros - 176p.