La boucle est baclée
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35 années que ça dure ! 35 années pendant lesquelles on a ri, pleuré et frémi pour les personnages hauts en couleurs des Chroniques de San Francisco. Mais le 8e volume vient confirmer ce que le précédent laissait penser : toutes les sagas ont une fin.
Les Chroniques en leur automne
Mais la joie de retrouver ces personnages s’estompe vite au fil des premières pages de Mary Ann en automne. Déjà sérieusement égratignée à la lecture du précédent tome, Michael Tolliver est vivant, elle nous collait pourtant encore à la peau tant les six premiers volumes des Chroniques avait marqué les esprits. Libération sexuelle, amours qui se cherchent, vies qui se construisent, carrières professionnelles qui se dessinent… Que l’on soit homosexuel, hétérosexuel, bisexuel, transsexuel, misogyne, romantique, dragueur, punk, libertin, ouvrier ou médecin, tout un chacun pouvait se retrouver dans le miroir sociétal que tendait Armistead Maupin. Mais les héros ont vieilli… et nous aussi. Tous au moins sexagénaires, Mary Ann affronte un divorce et un cancer, Mouse la peur de la mort, tandis qu’Anna, octogénaire, s’y prépare sereinement. Beaucoup plus sérieux, ce tome en devient plus ennuyeux parce qu’il semble ne pas l’assumer : l’auteur oscille en permanence entre maturité et futilité et le lecteur ne peut plus s’identifier à ces adultes qui ne se sont pas étoffés au fil du temps, encore moins aux jeunes personnages qui commencent à graviter autour (et pourraient assurer le 9e tome ?). C’est peut-être là les limites de la sitcom littéraire. Comme s’il s’en était rendu compte, Armistead Maupin secoue le bocal avant les cent dernières pages et y injecte de l’aventure, genre un pédophile mort-vivant et une SDF violée dans sa prime jeunesse sur le point d’être dévorée par une bactérie… Rebondissement ultime : ils ont un lien ! Et la boucle est bâclée. Ce qui faisait la légèreté et la force des Chroniques devient incongru et nous fait désormais craindre la suite, sur laquelle l’auteur a déjà annoncé qu’il planchait.
Anne-Laure Mercier
Mary Ann en automne
Armistead Maupin
Traduit de l’anglais par Michèle Albaret-Maatsch
Éditions de l’Olivier
322 p. – 21 €