Rencontre avec Stéphane Camille
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Premier roman, difficile à publier ? L’avez-vous écrit avec l’intention de le publier, et lorsque vous naviguiez ?
Personnellement j’ai navigué un peu, mais j’ai surtout rencontré beaucoup de navigateurs et de navigatrices, dont certains m’ont éclaboussé de leur liberté.
J’écris des nouvelles depuis l’âge de treize ans et quand j’ai commencé la rédaction de ce roman, j’avais effectivement l’intention de le publier, un jour. La publication a suivi des voies que je n’avais pas envisagées mais j’ai quand même dû rentrer en France pour que l’intention se concrétise. La plupart des gens ne sont pas habitués à considérer la planète de manière globale et, lorsqu’on habite d’un côté, c’est un peu comme si on était mort pour l’autre côté.
Ramdam parle de voyage, d’évasion. Quels sont les voyages qui ont été les plus beaux pour vous ? Les plus instructifs ?
Tous mes voyages ont été instructifs, en ce qu’ils projettent une lumière neuve sur ma propre origine. Il y a même des voyages qui provoquent la colère et cette colère est intéressante. La Mélanésie a une place particulière parce que j’y ai passé sept ans, que j’y ai laissé une bonne partie de mon âme et parce qu’elle offre une sorte de négatif de notre culture. Mais je déteste aller quelque part dans le seul but de voyager. On peut très bien voyager tout le temps et s’ennuyer à mort. On peut s’installer le plus loin possible de chez soi et devenir sans s’en rendre compte et à toute vitesse un parfait connard de néo-colon. En 1997 je crois, j’ai avalé près de deux cent mille kilomètres en un an. J’étais complètement vidé. Or, parfois, lire un livre ou parcourir les dix mètres qui nous séparent d’un événement ou d’une personne sont les plus grands voyages.
Quel est le passage que vous préférez dans le livre, et pourquoi ? Quel est celui qui vous a fait suer ?
Aucun passage ne m’a fait « suer » plus qu’un autre. La scène du Krazy Night Klub est importante. Je l’avais d’abord mise au tout début du roman, un peu comme un flash forward, un flash back à l’envers. J’aime bien aussi les moments où s’abolissent les distinctions entre les règnes, où toutes les hiérarchies établies sont remises en cause.
La techno est un rythme qui revient constamment. Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette musique ?
La techno, plus qu’une musique, est un instrument. Elle élargit notre horizon musical et permet l’accès de nouvelles sensibilités à cette expression. On y trouve aussi les pires nullités de notre époque. Je m’intéresse aussi aux innovations vocales du ragga hard core, au militantisme de certains raps, etc… Parfois, un bon morceau de house music vaut mieux qu’un anxiolytique ou un cocktail de vitamines . Et sans effets secondaires.
En fait j’ai été sevré au jazz dans mon enfance et j’aime l’art musical dans son ensemble. Je m’en abreuve sens et esprits mais je calque aussi dans les compositions musicales les rythmes, les mélodies, dissonances et silences, et j’y puise des structures narratives, des syntaxes et peut-être une certaine sensualité de la langue. Je n’ai jamais fait de solfège donc ces constructions mentales sont intuitives. Je travaille plus comme ces autodidactes, jazzmen et DJ, maîtres ès-platines qui découpent, collent et recollent les uns les notes, les autres les séquences, et moi les mots.
Votre roman est à la fois un conte magique et une fresque très moderne. Vous sentez-vous parfois l’âme d’un gosse qui se réinvente ?
Parfois j’ai l’impression que les superstitions et les dogmes religieux qui nous lâchent enfin la grappe après des millénaires sont remplacés par des certitudes et une foi technologiques encore plus étroites.
Chacun naît avec sa culture, son milieu, etc… A partir de là, il y a deux possibilités. Revendiquer in extenso ce qu’on vous a enseigné, ce qu’on vous a appris à être, et le développer, ou mettre tous vos acquis en doute, prendre de la distance et développer une démarche originale. La deuxième solution, que j’ai choisie, vous réserve une quantité de mauvaises surprises et de grandes claques dans la gueule. Mais une certaine sérénité au bout du compte. Enfin j’espère.
Tout dans Ramdam est très imagé. Auriez-vous souhaité être photographe ou peintre ?
J’ai été très tenté par la photographie et le cinéma mais je suis par exemple incapable de photographier quelqu’un que je ne connais pas. Et puis, avec l’écriture, je peux me permettre des effets spéciaux que même Spielberg hésiterait à financer.
D’autres auteurs contemporains vous ont-ils inspiré ? Comment vous situez-vous par rapport à cette génération de jeunes écrivains de la trentaine ?
Bien sûr, je suis constamment inspiré par la littérature contemporaine mais tout autant par le Moyen Âge chinois, des musiciens, des chanteurs, des sampleurs, des cinéastes et des plasticiens... Je crois que ce qui vaut pour la musique contemporaine vaut aussi pour la littérature française en ce moment. Lorsque je regarde le rayon des nouveaux sons chez un disquaire, j’ai envie d’acheter tous les disques, parce que tout est prometteur mais aussi parce que les pochettes sont très séduisantes. Même chose en littérature contemporaine. Il y a une nouvelle liberté, une absence d’école et de projet global qui se traduit par un foisonnement très excitant. Forcément, sous les pochettes ou les couvertures, il y 20% de réussites et 80% de ratages. Mais de toute façon je ne juge pas car pour moi le goût artistique est définitivement une notion subjective. Il n’y a que deux choses que je ne peux vraiment pas saquer dans la littérature contemporaine : les auteurs qui écrivent comme ils parlent, parce qu’au bout de deux livres ils radotent ou racontent toujours la même histoire de fin de dîner ; et les romans de 200 ou 300 pages, dont l’intrigue ne tient qu’à une petite anecdote psychologique. En général leur style est très raffiné, ciselé. Mais ce sont des coquilles creuses, décoratives et ils me laissent une sensation de vide atroce.
Projetez-vous d’écrire un autre roman ? Pourriez-vous en dire quelques mots ?
J’ai deux projets de fictions sur le feu. Le premier est quasiment terminé et je n’y suis pas pour grand-chose car c’est un rêve qui me l’a suggéré. Au matin d’une nuit de pleine lune, il y a un peu plus d’un an, je me suis réveillé avec l’intrigue entière déjà formulée. Un cadeau ! Ce sera d’ailleurs plus un long conte qu’un roman. Le deuxième projet est inspiré de la biologie végétale. J’ai dû faire pas mal de recherches avant d’attaquer l’écriture proprement dite qui est en cours…
Jessica Nelson
Stéphane Camille
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
Personnellement j’ai navigué un peu, mais j’ai surtout rencontré beaucoup de navigateurs et de navigatrices, dont certains m’ont éclaboussé de leur liberté.
J’écris des nouvelles depuis l’âge de treize ans et quand j’ai commencé la rédaction de ce roman, j’avais effectivement l’intention de le publier, un jour. La publication a suivi des voies que je n’avais pas envisagées mais j’ai quand même dû rentrer en France pour que l’intention se concrétise. La plupart des gens ne sont pas habitués à considérer la planète de manière globale et, lorsqu’on habite d’un côté, c’est un peu comme si on était mort pour l’autre côté.
Ramdam parle de voyage, d’évasion. Quels sont les voyages qui ont été les plus beaux pour vous ? Les plus instructifs ?
Tous mes voyages ont été instructifs, en ce qu’ils projettent une lumière neuve sur ma propre origine. Il y a même des voyages qui provoquent la colère et cette colère est intéressante. La Mélanésie a une place particulière parce que j’y ai passé sept ans, que j’y ai laissé une bonne partie de mon âme et parce qu’elle offre une sorte de négatif de notre culture. Mais je déteste aller quelque part dans le seul but de voyager. On peut très bien voyager tout le temps et s’ennuyer à mort. On peut s’installer le plus loin possible de chez soi et devenir sans s’en rendre compte et à toute vitesse un parfait connard de néo-colon. En 1997 je crois, j’ai avalé près de deux cent mille kilomètres en un an. J’étais complètement vidé. Or, parfois, lire un livre ou parcourir les dix mètres qui nous séparent d’un événement ou d’une personne sont les plus grands voyages.
Quel est le passage que vous préférez dans le livre, et pourquoi ? Quel est celui qui vous a fait suer ?
Aucun passage ne m’a fait « suer » plus qu’un autre. La scène du Krazy Night Klub est importante. Je l’avais d’abord mise au tout début du roman, un peu comme un flash forward, un flash back à l’envers. J’aime bien aussi les moments où s’abolissent les distinctions entre les règnes, où toutes les hiérarchies établies sont remises en cause.
La techno est un rythme qui revient constamment. Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette musique ?
La techno, plus qu’une musique, est un instrument. Elle élargit notre horizon musical et permet l’accès de nouvelles sensibilités à cette expression. On y trouve aussi les pires nullités de notre époque. Je m’intéresse aussi aux innovations vocales du ragga hard core, au militantisme de certains raps, etc… Parfois, un bon morceau de house music vaut mieux qu’un anxiolytique ou un cocktail de vitamines . Et sans effets secondaires.
En fait j’ai été sevré au jazz dans mon enfance et j’aime l’art musical dans son ensemble. Je m’en abreuve sens et esprits mais je calque aussi dans les compositions musicales les rythmes, les mélodies, dissonances et silences, et j’y puise des structures narratives, des syntaxes et peut-être une certaine sensualité de la langue. Je n’ai jamais fait de solfège donc ces constructions mentales sont intuitives. Je travaille plus comme ces autodidactes, jazzmen et DJ, maîtres ès-platines qui découpent, collent et recollent les uns les notes, les autres les séquences, et moi les mots.
Votre roman est à la fois un conte magique et une fresque très moderne. Vous sentez-vous parfois l’âme d’un gosse qui se réinvente ?
Parfois j’ai l’impression que les superstitions et les dogmes religieux qui nous lâchent enfin la grappe après des millénaires sont remplacés par des certitudes et une foi technologiques encore plus étroites.
Chacun naît avec sa culture, son milieu, etc… A partir de là, il y a deux possibilités. Revendiquer in extenso ce qu’on vous a enseigné, ce qu’on vous a appris à être, et le développer, ou mettre tous vos acquis en doute, prendre de la distance et développer une démarche originale. La deuxième solution, que j’ai choisie, vous réserve une quantité de mauvaises surprises et de grandes claques dans la gueule. Mais une certaine sérénité au bout du compte. Enfin j’espère.
Tout dans Ramdam est très imagé. Auriez-vous souhaité être photographe ou peintre ?
J’ai été très tenté par la photographie et le cinéma mais je suis par exemple incapable de photographier quelqu’un que je ne connais pas. Et puis, avec l’écriture, je peux me permettre des effets spéciaux que même Spielberg hésiterait à financer.
D’autres auteurs contemporains vous ont-ils inspiré ? Comment vous situez-vous par rapport à cette génération de jeunes écrivains de la trentaine ?
Bien sûr, je suis constamment inspiré par la littérature contemporaine mais tout autant par le Moyen Âge chinois, des musiciens, des chanteurs, des sampleurs, des cinéastes et des plasticiens... Je crois que ce qui vaut pour la musique contemporaine vaut aussi pour la littérature française en ce moment. Lorsque je regarde le rayon des nouveaux sons chez un disquaire, j’ai envie d’acheter tous les disques, parce que tout est prometteur mais aussi parce que les pochettes sont très séduisantes. Même chose en littérature contemporaine. Il y a une nouvelle liberté, une absence d’école et de projet global qui se traduit par un foisonnement très excitant. Forcément, sous les pochettes ou les couvertures, il y 20% de réussites et 80% de ratages. Mais de toute façon je ne juge pas car pour moi le goût artistique est définitivement une notion subjective. Il n’y a que deux choses que je ne peux vraiment pas saquer dans la littérature contemporaine : les auteurs qui écrivent comme ils parlent, parce qu’au bout de deux livres ils radotent ou racontent toujours la même histoire de fin de dîner ; et les romans de 200 ou 300 pages, dont l’intrigue ne tient qu’à une petite anecdote psychologique. En général leur style est très raffiné, ciselé. Mais ce sont des coquilles creuses, décoratives et ils me laissent une sensation de vide atroce.
Projetez-vous d’écrire un autre roman ? Pourriez-vous en dire quelques mots ?
J’ai deux projets de fictions sur le feu. Le premier est quasiment terminé et je n’y suis pas pour grand-chose car c’est un rêve qui me l’a suggéré. Au matin d’une nuit de pleine lune, il y a un peu plus d’un an, je me suis réveillé avec l’intrigue entière déjà formulée. Un cadeau ! Ce sera d’ailleurs plus un long conte qu’un roman. Le deuxième projet est inspiré de la biologie végétale. J’ai dû faire pas mal de recherches avant d’attaquer l’écriture proprement dite qui est en cours…
Jessica Nelson
Stéphane Camille
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Last modified onvendredi, 01 mai 2009 23:02
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