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Un �crivain un livre
| | Un dieu un animal J�r�me Ferrari Actes Sud
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Un dieu un animal est un court roman bouleversant, o� les mots sont choisis pour tracer un portrait de ce monde contemporain o� la violence et l�oubli d�vastent tout sur leur passage.
"Bien s�r les choses tournent mal." La premi�re phrase de ce livre sait nous plaire. Prouesse narrative ou d�terminisme absolu ? J�r�me Ferrari laissera planer le doute. Il y a l�homme et la femme, deux silhouettes qui se sont enferm�es dans des bulles �touffantes, comme par n�cessit�. Lui, dans les couloirs de la guerre, avec la mort � tous les coins. Elle, dans la hi�rarchie de l�entreprise et de longs s�minaires o� "l'�motion se r�pand comme un gaz toxique ". Ils se sont connus il y a longtemps, trop longtemps. Ils �taient adolescents, se donnaient des baisers fougueux et tout semblait possible. Aujourd�hui ils tentent de se retrouver mais il y a eu l�oubli et sa terrifiante action sur les hommes.
C��tait avant le 11 Septembre. Avant la guerre, avant l��ge adulte. Ils ne r�vaient que de partir.
L�homme est parti pour faire la guerre et " courir jusqu'� ce que l'air ait la consistance et la couleur de son sang. " Pulsion de mort, envie d��vasion ? Rien n��tait encore clair alors. Il revient dans son village natal et retrouve les choses, les gens et les odeurs inchang�es, mais il ne se voit plus dans ce tableau de vie. Il est un homme chang� par les atrocit�s de la guerre. Il la recherche pourtant, elle, qui est parti pour la vie d�entreprise, la grande soci�t�.
On aimerait que leurs retrouvailles soient possible, parce qu�on aimerait croire en l�humanit�. C�est notre tendance jud�o-chr�tienne. Mais, bien s�r, les choses tournent mal, on nous a pr�venu. Et chez J�r�me Ferrari, il n�y a pas de come-back possible dans l�univers des illusions.
Les �gar�s
Egar�s, voil� l��tat des personnages de J�r�me Ferrari. Egar�s et submerg�s par cette sensation d��tre mur�s dans un immobilisme qui les tuera certainement. Parce que les choses finissent mal, rappelez-vous. On nous a pr�venus. Ne r�lons pas. J�r�me Ferrari attaque les �motions � coups de mots s�v�res, francs, guid�s par une �criture s�che et lucide. Il est atteint de cette lucidit� qui fait les grands textes. Chez lui, il n�y a donc plus ni Dieu, ni animal, non. Seulement un dieu un animal. Titre sans virgule, perte totale de rep�re entre �ventuel cr�ateur et cr�ature. Tout ce qui r�git l�immobilisme des personnages de ce livre s�appelle l�angoisse, une angoisse d�ath�e, une angoisse de d�sesp�r�s assomm�s par l�humiliation.
L�humiliation de la soci�t�, c�est aussi cela le message que l�on retient de ce livre poignant. Soci�t� ali�nante, d�routante, soci�t� qui nous bouffe jusqu�o� ? Jusqu�� ce que tout tourne mal. Bien s�r. On se r�signe chez Ferrari, on perd l�espoir de vue. Le monde est un naufrage mais qui a commenc� � le faire couler ? Le cr�ateur ou ses cr�atures ? Le narrateur ne r�pondra que par un entrelacement de malaise et de lyrisme d�sesp�r�. Olivia Michel
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