Nadifa Mohamed
Nadifa Mohamed Sabreen Hussein

Que cache le succès de Black Mamba Boy?

Chroniques

À la mort de sa mère, Jama décide de partir à la recherche du père qui l’a abandonné peu après sa naissance. La traversée de l’Afrique orientale, déchirée par les multiples annexions des Européens, prend des allures de cauchemar éveillé pour le jeune Somalien. Un roman salué en Grande-Bretagne, qui joue sur tous les registres de l’émotion facile…

Lors de sa sortie l’an passé au Royaume-Uni, Black Mamba Boy, le premier roman de la britannique d’origine somalienne Nadifa Mohamed, a été sélectionné par The Guardian comme l’un des meilleurs titres de 2010 ; il a également été récompensé par plusieurs prix prestigieux, dont le Betty Trask Award. Le voici publié en France pour la rentrée littéraire 2011, traduit par Françoise Pertat, édité par les bons soins de Phébus. Son registre ? La biographie romancée…

Black Mamba Boy raconte l’histoire du père de Nadifa Mohamed : Jama. C’est le récit d’un petit garçon somalien qui, au décès de sa mère, décide de partir à la recherche de son géniteur. Commence alors un long périple qui le conduira du Yémen, où il a grandi avec sa mère, au Somaliland, à Djibouti, en Erythrée, en Egypte, au Soudan et même au Royaume-Uni. Un roman initiatique qui promène l’enfant dans des contrées en guerre, dominées alors par les fascistes. Les multiples annexions des Européens ont dispersé les Somaliens, faisant de leur lutte pour la survie un pari quasiment impossible

Un vrai travail de documentation

Force est de reconnaître que le roman est très bien documenté, qui plus est sur l’histoire d’un peuple souvent mal connu. Mais c’est justement par l’excès d’information que le récit échoue à toucher le lecteur… Les premiers chapitres oscillent entre document et fiction, avec des glissements maladroits dans les champs lexicaux, le ton et le style ; l’alourdissement de l’action par un apport trop important de détails contribue à rendre la lecture du roman particulièrement laborieuse. Si le contexte et les lieux sont fidèlement retranscrits, les personnages sont, pour l’essentiel, dépourvus d’épaisseur psychologique. À commencer par Jama !

Puisque l’auteur a fait le choix de la fiction, la question de la véracité des faits (soulevée par plusieurs critiques britanniques) n’a pas lieu d’être. Il n’en reste que la succession interminable des malheurs qui arrivent à Jama - et surtout l’insistance de l’auteur sur des détails sordides - a vite raison de l’enthousiasme du lecteur. L’auteur joue sur tous les registres de l’émotion facile, ce qui semble d’autant moins nécessaire que l’histoire de son père a probablement été des plus difficiles.

Pas de rêve donc dans ce roman d’aventures, juste les horreurs de la colonisation mises bout à bout. Quelques passages à l’action bien retranscrite et quelques portraits réussis, à Djibouti et en Erythrée notamment, laissent espérer que Nadifa Mohamed se recentre à l’avenir sur des motifs plus littéraires. Car malgré un intérêt historique manifeste, difficile de trouver de véritables attraits artistiques à ce premier roman… Que penser alors de l’accueil enthousiaste qui lui a été réservé en Grande-Bretagne ? Quelle corde ce roman a-t-il fait vibrer, si ce n’est celle de la culpabilité?

Black Mamba Boy

Nadifa Mohamed

Traduit de l’anglais par Françoise Pertat

Editions Phébus

276 pages – 19 €

Last modified onlundi, 14 novembre 2011 23:43 Read 2593 times