Le temps de Guillermo Arriaga
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Guillermo Arriaga. A ce nom, vous pensez immédiatement à Amours Chiennes et 21 grammes, films dont il est le scénariste. Aussi écrivain, il était présent au festival America et a pris le temps de répondre à nos questions…
La narration de votre dernier livre, Le Bison de la nuit, est construite sur des destins parallèles qui s’entremêlent et sont liés par des coïncidences. C’est une constante dans votre travail. Qu’est-ce qui vous intéresse là dedans ?
Guillermo Arriaga : Je suis athée. Je ne crois pas en l’existence d’un Dieu, bon ou mauvais qui tirerait les ficelles, ni à des signes qui influenceraient nos choix, ni au Destin non plus. Selon moi, l’existence est faite de circonstances successives et mouvantes. Elles font se rencontrer des gens qui n’ont, au départ, rien à voir les uns avec les autres et les réunissent dans un espace temps commun. Ce qu’il m’intéresse de montrer c’est la façon dont les individus et mes personnages réagissent face aux événements auxquels ils sont confrontés.
Nous agissons relativement à ce que nous vivons. Mais la question est de savoir quelle est notre part de responsabilité et quelle est l’influence des circonstances ?
Vous avez écrit les scénarios d’Amours chiennes et 21 grammes, réalisés par Alejandro Gonzalez Inarritu. Les deux films reposent sur une déconstruction temporelle crée par le montage. Est-ce un choix commun ou une volonté de mise en scène du réalisateur ?
J’ai toujours écrit comme cela, depuis mon premier livre de contes à l’âge de 24 ans, jusqu’à Amours Chiennes et 21 grammes. Cette structure est intrinsèque à mon écriture et ne vient pas d’Alejandro. Dans 21 grammes, il est impossible de déconstruire le temps de la sorte à partir du découpage et du montage. Si le scénario n’est pas écrit ainsi, le réalisateur ne peut pas le créer à l’écran.
C’est difficile pour un auteur de voir que assimile le réalisateur à l’auteur. C’est typique dans le milieu du cinéma. Je n’adhère pas cette idée. Dans Eternel sunshine of the spotless mind , le monde créé par Charlie Kaufman, le scénariste du film appartient à Charlie Kaufman ou au réalisateur ? L’auteur est celui qui invente un univers. Ici ils sont deux. C’est la même chose pour « Amours Chiennes » et « 21 grammes ». Nous sommes deux auteurs à avoir apporté chacun notre univers aux films.
Pourquoi ce morcellement du temps ?
Depuis tout petit, je suis atteint d’un syndrome déficient logique.
C’est un dysfonctionnement cérébral qui empêche la concentration et l’organisation logique des choses. Les individus qui souffrent de cela sont souvent très impulsifs et considérés comme des crétins parce qu’ils ne possèdent pas de sens logique. Je ne peux donc pas créer un lien logique entre les choses.
Chaque histoire suit une forme distincte de narration, moi je suis incapable de raconter les choses de manière linéaire.
Par ailleurs, dans la vie quotidienne nous ne parlons en suivant l’ordre du temps. Nous le morcelons en une succession de détails désordonnés. Ainsi, si quelqu’un me parle de sa femme, il ne me dira pas qu’il l’a connue à tel moment, mais il me racontera qu’elle travaille à tel endroit ou qu’elle a une grand-mère qui habite dans telle région.
Travaillez-vous différemment vos romans et vos scénarios ?
J’attache beaucoup de soin à la structure. Mais je ne fais aucune différence entre littérature et cinéma. Je considère mes scénarios comme de la littérature et j’essaie de les écrire comme des nouvelles afin d’amener la littérature au cinéma.
Vos personnages sont complexes et ambigus. Vous les poussez dans leur retranchement en exacerbant leurs obsessions. Est-ce la folie ordinaire que vous chercher à montrer ?
L’aliénation plus précisément. Aujourd’hui, les mécanismes d’oppression sont puissants et relèvent de la consommation.
Nous sommes dans des sociétés où la conscience de la mort n’existe plus. Nous la nions. Je ne parle pas seulement de la mort en tant que telle, mais aussi de toutes les détériorations physiques que nous tentons d’effacer. Le recours à la chirurgie esthétique, aux implants capillaires, les produits allégés… sont autant de comportements sociaux qui en témoignent.
De la même manière, les nouvelles technologies enferment l’individu dans une relation à soi et rend difficile la communication. Sans contact avec l’Autre, nous sombrons dans la dépression, voire dans la folie. Les gens se tournent de plus en plus vers les antidépresseurs, les drogues ou bien se suicident.
En Amérique Latine, le suicide est la seconde cause de mortalité chez les jeunes. La violence et la dûreté propres aux grandes villes leur a fait perdre leur vitalité. Ceux qui vivent dans les campagnes ont davantage d’énergie et d’imagination pour trouver des moyens de subsistances.
Le Bison de la nuit, de Guillermo Arriaga, editions Phebus,
249 pages,19,50 euros.
Doreen Bodin
Guillermo Arriaga
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
La narration de votre dernier livre, Le Bison de la nuit, est construite sur des destins parallèles qui s’entremêlent et sont liés par des coïncidences. C’est une constante dans votre travail. Qu’est-ce qui vous intéresse là dedans ?
Guillermo Arriaga : Je suis athée. Je ne crois pas en l’existence d’un Dieu, bon ou mauvais qui tirerait les ficelles, ni à des signes qui influenceraient nos choix, ni au Destin non plus. Selon moi, l’existence est faite de circonstances successives et mouvantes. Elles font se rencontrer des gens qui n’ont, au départ, rien à voir les uns avec les autres et les réunissent dans un espace temps commun. Ce qu’il m’intéresse de montrer c’est la façon dont les individus et mes personnages réagissent face aux événements auxquels ils sont confrontés.
Nous agissons relativement à ce que nous vivons. Mais la question est de savoir quelle est notre part de responsabilité et quelle est l’influence des circonstances ?
Vous avez écrit les scénarios d’Amours chiennes et 21 grammes, réalisés par Alejandro Gonzalez Inarritu. Les deux films reposent sur une déconstruction temporelle crée par le montage. Est-ce un choix commun ou une volonté de mise en scène du réalisateur ?
J’ai toujours écrit comme cela, depuis mon premier livre de contes à l’âge de 24 ans, jusqu’à Amours Chiennes et 21 grammes. Cette structure est intrinsèque à mon écriture et ne vient pas d’Alejandro. Dans 21 grammes, il est impossible de déconstruire le temps de la sorte à partir du découpage et du montage. Si le scénario n’est pas écrit ainsi, le réalisateur ne peut pas le créer à l’écran.
C’est difficile pour un auteur de voir que assimile le réalisateur à l’auteur. C’est typique dans le milieu du cinéma. Je n’adhère pas cette idée. Dans Eternel sunshine of the spotless mind , le monde créé par Charlie Kaufman, le scénariste du film appartient à Charlie Kaufman ou au réalisateur ? L’auteur est celui qui invente un univers. Ici ils sont deux. C’est la même chose pour « Amours Chiennes » et « 21 grammes ». Nous sommes deux auteurs à avoir apporté chacun notre univers aux films.
Pourquoi ce morcellement du temps ?
Depuis tout petit, je suis atteint d’un syndrome déficient logique.
C’est un dysfonctionnement cérébral qui empêche la concentration et l’organisation logique des choses. Les individus qui souffrent de cela sont souvent très impulsifs et considérés comme des crétins parce qu’ils ne possèdent pas de sens logique. Je ne peux donc pas créer un lien logique entre les choses.
Chaque histoire suit une forme distincte de narration, moi je suis incapable de raconter les choses de manière linéaire.
Par ailleurs, dans la vie quotidienne nous ne parlons en suivant l’ordre du temps. Nous le morcelons en une succession de détails désordonnés. Ainsi, si quelqu’un me parle de sa femme, il ne me dira pas qu’il l’a connue à tel moment, mais il me racontera qu’elle travaille à tel endroit ou qu’elle a une grand-mère qui habite dans telle région.
Travaillez-vous différemment vos romans et vos scénarios ?
J’attache beaucoup de soin à la structure. Mais je ne fais aucune différence entre littérature et cinéma. Je considère mes scénarios comme de la littérature et j’essaie de les écrire comme des nouvelles afin d’amener la littérature au cinéma.
Vos personnages sont complexes et ambigus. Vous les poussez dans leur retranchement en exacerbant leurs obsessions. Est-ce la folie ordinaire que vous chercher à montrer ?
L’aliénation plus précisément. Aujourd’hui, les mécanismes d’oppression sont puissants et relèvent de la consommation.
Nous sommes dans des sociétés où la conscience de la mort n’existe plus. Nous la nions. Je ne parle pas seulement de la mort en tant que telle, mais aussi de toutes les détériorations physiques que nous tentons d’effacer. Le recours à la chirurgie esthétique, aux implants capillaires, les produits allégés… sont autant de comportements sociaux qui en témoignent.
De la même manière, les nouvelles technologies enferment l’individu dans une relation à soi et rend difficile la communication. Sans contact avec l’Autre, nous sombrons dans la dépression, voire dans la folie. Les gens se tournent de plus en plus vers les antidépresseurs, les drogues ou bien se suicident.
En Amérique Latine, le suicide est la seconde cause de mortalité chez les jeunes. La violence et la dûreté propres aux grandes villes leur a fait perdre leur vitalité. Ceux qui vivent dans les campagnes ont davantage d’énergie et d’imagination pour trouver des moyens de subsistances.
Le Bison de la nuit, de Guillermo Arriaga, editions Phebus,
249 pages,19,50 euros.
Doreen Bodin
Guillermo Arriaga
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
Last modified onlundi, 15 juin 2009 22:59
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