Oldyssée

Premier chapitre : on entre dans les rouages d’un empire construit par un dénommé Jean-Charles Rem , la société Mondial Nomade ni plus ni moins qu’un garde meuble. Une entreprise de location de box à durée indéterminée pour y déposer son mobilier. Notre entrepreneur est millionnaire, possède une villa luxueuse conçue par un architecte, sans oublier une Porsche : la panoplie indispensable du parfait homme d’affaires ! Le tout sonne très actuel. Avec un sujet si réaliste, nous comprenons que nous n’allons pas beaucoup rêver. Mais pourquoi pas ! Le mouvement réaliste a livré ses perles. Nous poursuivons, intrigués… Très vite nous découvrons un Rem fraîchement retraité qui vient de vendre son affaire. Succèdent à cela les premières occupations du sexagénaire : club sportif avec ses congénères liftés, chasse à cour avec des cerfs amenés par camion, orgies, exubérance, excès. Ironie désopilante. Une question obsédante subsiste néanmoins : que va nous raconter Philippe Pollet Villard ? Qu’a t-il bien pu inventer pour tenir sur autant de pages avec un univers si peu romanesque et un personnage si peu enclin à émouvoir ? Une satire au vitriol du monde des affaires ? Une histoire de prise de conscience ? Voire de repentir ? Moralo… Scabreux…

Aboutissement

Le lecteur chevronné sait alors qu’il a déniché un bon roman. Justement parce qu’il ne sait pas à quoi s’attendre. Il ne peut rien deviner. Aucune évidence, aucun cliché, seulement un sentier à défricher. Il avance, impatient, tenu en haleine, immédiatement emporté par l’écriture fluide, naturelle, aboutie de Philippe Pollet Villard et par son ton distancié et froid. Une pudeur qui fait surgir les émotions sans avoir besoin de les décrire. L’histoire de Jean-Charles Rem est banale pour ne pas dire convenue mais racontée avec justesse et profondeur. Si bien qu’elle vous surprend et vous émeut.   Philippe Pollet Villard est observateur et fin analyste.  Il sait s’approprier les univers dans lesquels il plonge ses romans. Œuvres mûries, personnelles, elles renferment sa vision du monde.  Dans Mondial Nomade, il livre à travers le portrait d’un homme seul en contradiction avec les valeurs du milieu des affaires, confronté au vide que lui impose la retraite, la représentation d’un monde individualiste, déshumanisé, désinvesti de sens. Un monde à l’économie mondialisée qui se délite.  Ce vieux bonhomme en fin de parcours va vivre quelque chose. De ce qui va déclencher son aventure, vous ne saurez rien. Car il faut lire ce livre sans s’attendre à rien pour ne pas gâcher un bonheur de lecture.

Mondial Nomade
Philippe Pollet-Villard
Ed. Flammarion
232 p. - 18 €