Roman au bois dormant

Interviews
Parades ou le roman d'un réveil après vingt ans de coma. SUivre ses désirs n'a finalement rien d'aisé. Quand la liberté ne peut rien... Interview de Bernard Soubiraa.

Zone : Parades, le titre de votre deuxième roman est polysémique et reflète justement les différents aspects de l’histoire qui se joue. Pouvez-vous nous expliquer le choix de ce terme ?

Ce titre, Parades, comporte trois aspects : la parade amoureuse puisque les deux personnages principaux vont en rester aux prémices de la relation sentimentale. Il y aussi la parade théâtrale car il se sont connus dans un cours de théâtre où ils se sont initiés à cet art. C’est un roman sur le théâtre, mais aussi sur tout ce que l’on s’empêche de vivre. Là intervient le sens péjoratif du mot : le bouclier et ce que l’on est capable de mettre en place pour s’interdire son propre désir. C’est effectivement la polysémie qui m’intéressait dans le choix de ce terme.

Votre éditeur présente l’ouvrage comme un roman sur la confusion des sentiments. Pourtant dès le commencement, le lecteur perçoit le refus de Sébastien d’admettre son homosexualité. N’est-ce donc pas davantage un roman d’initiation sur le long processus de désinhibition du personnage ?

Oui, c’est cela. Finalement, au bout de vingt ans , il va revenir sur son passé et se demander pourquoi il a refusé de vivre ce qu’il aurait pu vivre à l’époque. « long processus de désinhibition » me paraître être une bonne expression. Mais la confusion des sentiments existe dans le caractère passionnel de la relation qu’entretiennent Sébastien et Gabriel. L’amour se trouve très parasité par la fascination, la rivalité, le désir d’être l’autre. Il y a donc un sentiment d’amour fort que l’on peut définir en tant que tel qui se nourrit d’un envers malsain que l’on peut résumer avec le terme justement de « rivalité ».

L’incapacité de Sébastien à vivre son amour et sa sexualité se répercute également sur son désir artistique puisqu’il s’empêche aussi d’écrire. Par opposition, Gabriel, extraverti et libéré parvient à s’exprimer en tant que comédien. Selon-vous la sexualité et l’expression artistique sont-elles intimement liées et vice et versa ?

Sexualité et création sont effectivement complètement liés. C’est d’ailleurs une des lignes directrice du roman. Le long processus d’acceptation du désir que Sébastien éprouvait pour Gabriel quand il avait vingt ans, l’amène à reconnaître ce désir ancien, à pouvoir aimer et enfin à pouvoir écrire. Il a fait des tentatives d’écriture lorsqu’il était jeune mais c’est un désir qui comme le désir amoureux a été laissé en suspens. Revenir sur son passé et retrouvé Gabriel, lui permet à la fois de s’interroger sur cette confusion sentimentale et sexuelle et sur son propre destin artistique et sans doute de recommencer à écrire. Le roman, en tout cas, se termine sur cette question là. Parades peut donc se lire comme le roman que Sébastien aurait écrit après coup : la mise en abyme d’un aboutissement.

Ces vingt années que Sébastien met en suspens, représentent-elles une volonté de sa part ou les subit-il sans véritablement en avoir conscience ?

Je pense que Sébastien ne se fait pas violence au moment où il abandonne le théâtre ou il décide de rompre tous liens avec Gabriel et de devenir professeur. Il se laisse surtout submerger par une impuissance, l’absence de possibilité de vivre ce qu’il pourrait vivre car il ne trouve pas la force d’assumer ses désirs. C’est la Belle au bois dormant : vingt ans de sommeil et de vie automatique. Quand il se réveille brutalement et qu’il regarde en arrière, il peut alors penser cette période et en parler. Mais il n’y a aucun mouvement volontaire au moment où Sébastien la vit.

C’est un personnage qui hésite constamment. Il le dit d’ailleurs au début du roman : « j’ai toujours hésité, l’hésitation fait partie de ma vie. C’est une respiration. ». Diriez-vous qu’il est lâche ou seulement tétanisé par la peur ?

Non, le terme « lâche » donne une dimension morale fausse. Je pense qu’il est plus juste de parler d’inconscient et de voile qui recouvre cette période d’anesthésie. Vingt ans de gestation entre ce qu’il a pu apercevoir de son désir et ce qu’il était capable de vivre. Au moment où il se réveille, il va être capable d’aller au bout de sa recherche, des retrouvailles avec Gabriel et au-delà de ça, jusqu’au bout de son désir d’être artiste.

Doreen Bodin

Parades
Bernard Soubiraa
Ed.
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Last modified onjeudi, 23 avril 2009 17:41 Read 2463 times
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