L'art de la séduction
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Quelque part entre fiction passionnelle, intrigue à l’eau de rose et drame franc et brutal, Ether de Franck Resplandy permettrait presque au genre romanesque de se renouveler. Portrait d’un auteur romantique et investi dans son art…
Le regard est précis, le sourire constant, la voix pleine d’intonations. Franck Resplandy s’anime quand on parle d’Ether, son dernier roman. Une œuvre digne de la série des Harlequin ? « J’ai effectivement repris un certain nombre d’archétypes, comme celui de l’homme brun et mystérieux, photographe qui plus est, et venu d’un milieu social élevé… Mais aussi la jeune provinciale, infirmière de son état, d’origine modeste… » Jusqu’à ce que la jeune femme se mette « à fantasmer comme une folle » sur cet illustre inconnu, lequel jaillit de nulle part comme un diable de sa boîte.
A partir de sérieux stéréotypes, Franck Resplandy a donc choisi de construire une œuvre-fantasme, qui pourrait servir à bien des âmes souffrant du mal de vivre amoureux. Sauf que les clichés, dans ce roman, n’ont pas la vie dure : et l’on bascule très vite dans un univers entier d’enfermement psychologique, de souffrance auto-infligée et de mal-être… Même s’il est question de bien plus encore. « Cette noirceur permet à conduire ces deux êtres sur la voie de la solitude, la seule issue qu’ils aient dans ce contexte… Il y a un excès, de la blessure jusqu’à la mort. »
Torturé, Franck Resplandy ? En aucune façon ! L’homme est enjoué, sûr de lui et visiblement passionné par les enjeux de l’écriture. S’il n’est pas un roman tout à fait joyeux, Ether n’en est pas moins une formidable mise en abîme des sentiments et de l’intuition féminine, sans jamais tomber dans le lyrisme facile. Une question s’impose toutefois : comment avoir su restituer aussi bien la psychologie féminine ? « Cet homme, à un certain moment, n’existe qu’à travers les yeux de l’infirmière : il devient alors ce qu’elle veut bien voir. Ce type ne fera jamais partie de sa vie, de toute évidence. Je me suis simplement installé dans sa bulle à elle, et il n’y a plus eu un seul détail de l’intrigue qui m’a échappé : j’avais alors une vision très claire de l’ensemble.»
Loin des écrits « à la mode de chez nous », qui se tournent souvent vers l’auto-fiction et les récits de vie, Resplandy se place donc volontiers dans l’art de la conception, et de la création. « La partie rédaction, dans l’élaboration d’un roman, n’est pas la partie la plus agréable… Ce que j’aime, c’est concevoir. Pour « Ether », j’ai écrit environ trois pages par jour ; une le matin, une le midi, une le soir. Il n’y avait rien à ajouter, rien à retirer : j’avais une conscience très aiguë des contraintes, d’un point de vue technique. L’utilisation du style indirect, l’absence totale de noms pour les personnages… J’utilise souvent la métaphore de l’entonnoir : il fallait que les mots finissent par sortir de ce conduit très étroit. Ce qui peut s’avérer assez douloureux… »
Sortir de soi, essayer de séduire et de charmer, Franck Resplandy s’y emploie ; il semblerait même que ça fonctionne. A l’image du photographe de son histoire, il cultiverait presque un mystère à percer ; à celle de son héroïne, il entretiendrait une expérience réfléchie de la vie, et une vie intérieure apparemment très riche.
Sortir de soi … Lors d’une première parution, il y a quelques années, Ether portait le titre Ex corpore : « Dans les deux cas, il y a l’idée de « sortir du corps ». On peut alors évoquer la fin de l’histoire, avec cette dimension presque mystique de leur relation… Lorsque j’ai repris ce roman, après plusieurs années, j’ai réalisé que rien n’avait vieilli. J’ai eu cette bonne surprise. Et finalement, dans Ether, chacun y verra un peu ce qu’il veut : certains y trouveront une « simple » histoire d’amour, que je considère moi comme plutôt anecdotique, tandis que d’autres iront un peu plus loin… C’est vrai que j’aime être compris, d’une manière générale. Par un minimum de gens.»
Auteur, linguiste, dessinateur...
Loin d’être opaque, l’œuvre de Franck Resplandy ne se limite pas à l’écriture de fiction. Auteur de L’Etonnant voyage des mots français dans les langues étrangères, l’auteur s’illustre dans la linguistique et nous propose une traversée géniale des mots français employés un peu partout dans le monde : un véritable régal de lecture… De plus, loin de se cantonner à l’écriture tout court, notre auteur décline son goût de la création avec le dessin. Une autre façon de manier le crayon, en quelque sorte. Ses croquis, qui ont entre autres figuré sur le site du journal Marianne, témoignent tous d’un humour tourné vers la réflexion. A quand, donc, un album réunissant quelques uns de ces dessins ? « Un projet est en cours : une œuvre de dessin, de pure création, sur des planches en noir et blanc… et dépourvue de texte. Suivre une histoire de bout en bout sans avoir recours à la bulle ou à la légende, c’est intéressant ! Je me suis beaucoup impliqué dans ce travail. »
On l’aura compris : le moteur de Franck Resplandy, c’est la création. « Qu’il s’agisse de l’écriture ou du dessin, je suis pour la plus grande simplicité qui peut aller vers la plus grande profondeur… On peut ainsi produire des choses sophistiquées, sur le plan de l’imagination. Mais essayer d’en mettre plein la vue, faire des phrases alambiquées, employer des expressions qui sont dans l’air du temps, ou créer des phrases sans verbe… Je ne vois pas trop l’intérêt. »
Loin de se satisfaire de la facilité, Resplandy œuvre donc pour satisfaire l’histoire en elle-même : il écrit dans la précision du détail, et dessine dans le souci de l’économie : « Dans le dessin, j’aime le trait : je suis un partisan de ce qu’on appelle la « ligne claire ». Sans ombres, et même sans couleurs, on peut tout exprimer. » On peut même devenir poète…
Julien Canaux
Julien Canaux
Franck Resplandy
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
Le regard est précis, le sourire constant, la voix pleine d’intonations. Franck Resplandy s’anime quand on parle d’Ether, son dernier roman. Une œuvre digne de la série des Harlequin ? « J’ai effectivement repris un certain nombre d’archétypes, comme celui de l’homme brun et mystérieux, photographe qui plus est, et venu d’un milieu social élevé… Mais aussi la jeune provinciale, infirmière de son état, d’origine modeste… » Jusqu’à ce que la jeune femme se mette « à fantasmer comme une folle » sur cet illustre inconnu, lequel jaillit de nulle part comme un diable de sa boîte.
A partir de sérieux stéréotypes, Franck Resplandy a donc choisi de construire une œuvre-fantasme, qui pourrait servir à bien des âmes souffrant du mal de vivre amoureux. Sauf que les clichés, dans ce roman, n’ont pas la vie dure : et l’on bascule très vite dans un univers entier d’enfermement psychologique, de souffrance auto-infligée et de mal-être… Même s’il est question de bien plus encore. « Cette noirceur permet à conduire ces deux êtres sur la voie de la solitude, la seule issue qu’ils aient dans ce contexte… Il y a un excès, de la blessure jusqu’à la mort. »
Torturé, Franck Resplandy ? En aucune façon ! L’homme est enjoué, sûr de lui et visiblement passionné par les enjeux de l’écriture. S’il n’est pas un roman tout à fait joyeux, Ether n’en est pas moins une formidable mise en abîme des sentiments et de l’intuition féminine, sans jamais tomber dans le lyrisme facile. Une question s’impose toutefois : comment avoir su restituer aussi bien la psychologie féminine ? « Cet homme, à un certain moment, n’existe qu’à travers les yeux de l’infirmière : il devient alors ce qu’elle veut bien voir. Ce type ne fera jamais partie de sa vie, de toute évidence. Je me suis simplement installé dans sa bulle à elle, et il n’y a plus eu un seul détail de l’intrigue qui m’a échappé : j’avais alors une vision très claire de l’ensemble.»
Loin des écrits « à la mode de chez nous », qui se tournent souvent vers l’auto-fiction et les récits de vie, Resplandy se place donc volontiers dans l’art de la conception, et de la création. « La partie rédaction, dans l’élaboration d’un roman, n’est pas la partie la plus agréable… Ce que j’aime, c’est concevoir. Pour « Ether », j’ai écrit environ trois pages par jour ; une le matin, une le midi, une le soir. Il n’y avait rien à ajouter, rien à retirer : j’avais une conscience très aiguë des contraintes, d’un point de vue technique. L’utilisation du style indirect, l’absence totale de noms pour les personnages… J’utilise souvent la métaphore de l’entonnoir : il fallait que les mots finissent par sortir de ce conduit très étroit. Ce qui peut s’avérer assez douloureux… »
Sortir de soi, essayer de séduire et de charmer, Franck Resplandy s’y emploie ; il semblerait même que ça fonctionne. A l’image du photographe de son histoire, il cultiverait presque un mystère à percer ; à celle de son héroïne, il entretiendrait une expérience réfléchie de la vie, et une vie intérieure apparemment très riche.
Sortir de soi … Lors d’une première parution, il y a quelques années, Ether portait le titre Ex corpore : « Dans les deux cas, il y a l’idée de « sortir du corps ». On peut alors évoquer la fin de l’histoire, avec cette dimension presque mystique de leur relation… Lorsque j’ai repris ce roman, après plusieurs années, j’ai réalisé que rien n’avait vieilli. J’ai eu cette bonne surprise. Et finalement, dans Ether, chacun y verra un peu ce qu’il veut : certains y trouveront une « simple » histoire d’amour, que je considère moi comme plutôt anecdotique, tandis que d’autres iront un peu plus loin… C’est vrai que j’aime être compris, d’une manière générale. Par un minimum de gens.»
Auteur, linguiste, dessinateur...
Loin d’être opaque, l’œuvre de Franck Resplandy ne se limite pas à l’écriture de fiction. Auteur de L’Etonnant voyage des mots français dans les langues étrangères, l’auteur s’illustre dans la linguistique et nous propose une traversée géniale des mots français employés un peu partout dans le monde : un véritable régal de lecture… De plus, loin de se cantonner à l’écriture tout court, notre auteur décline son goût de la création avec le dessin. Une autre façon de manier le crayon, en quelque sorte. Ses croquis, qui ont entre autres figuré sur le site du journal Marianne, témoignent tous d’un humour tourné vers la réflexion. A quand, donc, un album réunissant quelques uns de ces dessins ? « Un projet est en cours : une œuvre de dessin, de pure création, sur des planches en noir et blanc… et dépourvue de texte. Suivre une histoire de bout en bout sans avoir recours à la bulle ou à la légende, c’est intéressant ! Je me suis beaucoup impliqué dans ce travail. »
On l’aura compris : le moteur de Franck Resplandy, c’est la création. « Qu’il s’agisse de l’écriture ou du dessin, je suis pour la plus grande simplicité qui peut aller vers la plus grande profondeur… On peut ainsi produire des choses sophistiquées, sur le plan de l’imagination. Mais essayer d’en mettre plein la vue, faire des phrases alambiquées, employer des expressions qui sont dans l’air du temps, ou créer des phrases sans verbe… Je ne vois pas trop l’intérêt. »
Loin de se satisfaire de la facilité, Resplandy œuvre donc pour satisfaire l’histoire en elle-même : il écrit dans la précision du détail, et dessine dans le souci de l’économie : « Dans le dessin, j’aime le trait : je suis un partisan de ce qu’on appelle la « ligne claire ». Sans ombres, et même sans couleurs, on peut tout exprimer. » On peut même devenir poète…
Julien Canaux
Julien Canaux
Franck Resplandy
Ed.
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Last modified onmercredi, 01 juillet 2009 22:25
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