Preuve qu’il s’est passé quelque chose autour de Nicolas Rey. On parle de « Courir à trente ans » son dernier roman rapide-à-jouir, comme du « dernier » Nicolas Rey. Dans le parcours d’un auteur, on commence par être « jeune », puis « prometteur ». Ensuite, quand ça ne marche plus, on n’est plus rien du tout. Quand l’aventure continue, faute de mieux, on n’est plus qu’un « dernier ». Ou bien l’on meurt - et ce jour-là, on a peut-être tout compris. Mais toujours faute de mieux, Frank, Marc, Louis ou Jean, personnages ,à la trentaine fatiguée (normal, Nicolas Rey est toujours fatigué) ne sont pas morts. Parfois, ils le regrettent, mais bon, ils sont trop tendres avec leurs gosses, leurs ex et leurs copains. Plutôt que d’en finir, ils vomissent dans leurs lits. A défaut de radicalité, ils se laissent croupir en clinique où Frank et les autres finissent par se retrouver. « J’ai vu le directeur descendre dehors les mains dans les poches, l’air soucieux malgré le soleil. Je crois que directeur ne redoute pas l’idée de mourir. C’est un médecin. Il sait que les issues se font de plus en plus rares. L’absence de vie, il y pense tout le temps. C’est comme s’il n’y pensait plus ». Voilà : ils n’auront pas été bons, au choix, pour la médecine, les mp3, la vie de couple, les textos ou la paternité, mais moyens en tout. Trente ans, c’est l’âge moyen. Le tout, c’est de ne pas s’en satisfaire. De ne pas regretter les jeunes filles. De ne pas penser qu’une « culotte avec du violet, du jaune fluo sur le devant, le dessin d’un petit animal sucré qui n’existe pas vraiment », ça n’a pas autant de charme que les Daphné Roulier –d’ailleurs, les rumeurs prouvent que Nicolas Rey ne le croit pas. Mais son erreur est là : écrire que c’est fini alors que ça ne l’est pas. Ce n’est pas parce qu’un « dernier » Nicolas Rey sort en librairie, que son auteur est un dernier de la classe. La méthode vaut la peine pour se faire aimer (et ça marchera, bien sûr, ça marchera ), pas pour aimer. Pas pour écrire. Pourtant, "Courir à trente ans" n’en garde pas moins le charme d’un séquençage se rapprochant des chroniques que l’auteur a souvent pratiquées (dans Zurban ou l’Officiel). L’abandon de la narration pure soulage des romans tout pour l’histoire, qui asphyxie le marché. Parfois, il ne se passe rien. Le téléphone ne sonne pas. L’Interphone non plus. Les adolescentes, l’été surtout, s’en vont manger des glaces dans le sud-ouest. Il ne se passe rien, et c’est tout aussi beau à dire. Dans la vie de Nicolas, l’été surtout, tous les garçons et le filles de son âge ne se promènent plus dans les rues deux à deux. Ariel Kenig
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Courir à trente ans Nicolas Rey Ed. Diable Vauvert 168 p / 17 € ISBN: 2846260699
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