Elles n’ont rien en commun et se comprennent pourtant. La mère débordée, la beurette esclave moderne des emplois précaires, la comédienne torturée, et cette vieille femme au passé trop lourd. Toutes peuvent s’écouter et reconnaître une part d’elles-mêmes dans l’histoire de l’autre. S’affirmer dans l’individualisme et l’originalité futile ne tient pas longtemps ; les obstacles de la vie les rassemblent bientôt dans le spectre mythique et pourtant bien présent de la féminité. Un si bel avenir raconte l’amitié de deux femmes. Une relation déterminante pour chacune, presque salvatrice quand toutes deux sentent leur vies partir en éclats. Deux femmes que tout séparait et que le hasard réunit pourtant. Le binôme Elisabeth/Clara devient alors inséparable. Il est une entité formée, une cohésion indestructible qui peut, dans l’unité sécurisante, dire les joies, les batailles et le quotidien de la vie d’une femme. Les autres figures féminines du roman les accompagnent bientôt pour mieux exprimer ce qui les détermine. L’auteur, elle aussi, se plait à rejoindre ses personnages et chanter à l’unisson l’essence féminine. Sensibilité, perception des événements, enchaînement des idées, tout dans l’écriture de Véronique Olmi se conjugue au féminin. Elle sait entendre, voir, désigner ce qui fait la femme et la distingue de l’Autre, cet Autre paradoxalement omniprésent. IL est l’attirance, le désir, le moteur d’une vie, IL est aussi la menace vivante, incontrôlable, force en puissance contre laquelle rien n’est possible. L’Homme est partout, certes, mais il est montré à la lumière de la féminité, et la représentation que l’on s’en fait change alors du tout au tout. Le « je » par le « elle » Véronique Olmi parle donc de ce qu’elle connaît. Le vécu au féminin d’abord, et puis cette approche de son métier, approche toute spécifique que son sexe lui confère. Le travail de la scène, le quotidien du théâtre, la femme ne peut les percevoir comme le ferait un homme. « Elle était belle », ponctue chacune des descriptions des héroïnes. Car dire qu’une actrice est belle, c’est véritablement tout dire pour Véronique Olmi. L’agent sera plus complaisant, le metteur en scène plus ouvert, le public plus disponible. Masques de comédiennes et féminité, tel est le monde que Véronique Olmi s’est approprié et qu’elle veut contempler de l’intérieur pour y faire évoluer son écriture. On savoure alors la justesse des atmosphères dessinées en quelques mots, la restitution des expériences vécues : le brouhaha d’un hall de théâtre lors d’une première ratée, les échanges polis, les mondanités faussées. On goûte aussi aux impressions d’actrices à la lecture d’un nouveau scénario, les espérances des premières répétitions, les déceptions des projets avortés. La fiction que trace Véronique Olmi se révèle comme mémoires ou portrait déplacé. C’est bien d’elle que l’auteur parle ou du moins de toutes les femmes qui lui ressemblent, ces femmes de théâtre dont on perce, l’instant d’une lecture, les sentiments et les rêveries, l’intériorité fascinante. Un peu épais Il aurait sans doute fallu en rester là. A ces souvenirs embellis, à ces impressions esthétisées. Véronique Olmi a voulu rajouter la fiction, l’histoire épaisse, le roman dans tout ce qu’il a de plaqué et d’artificiel. Elle s’y perd. La banalité et la mièvrerie abîment ses personnages et ses belles atmosphères. Les conflits sordides du couple d’Elisabeth, la volonté de Clara de faire éclater les secrets de famille, recouvrent la délicatesse première d’Olmi, cette écriture sincère qui parle d’elle et de ses semblables. Un si bel avenir reste néanmoins un bel ouvrage. Ne l’appelons pas roman, il y perd. Il est un écrit de femme, savourons-le. Lou Grézillier
Zone Littéraire correspondant
Un si bel avenir Véronique Olmi Ed. Actes Sud 175 p / 16 € ISBN: 2742746056
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