Les Brèves

Vacances, je vous aime
A notre tour d'aller se dorer la tranche quelque part entre un semestre dans Les limbes du pacifique ...

Jardin, côté numérique
Si des essais dans le domaine de l'édition interactive ont déjà été tentées de l'autre côté ...

La révolution française "tweetée" sera sur papier
On connaissait l'OUvroir de LIttérature POtentielle (OULIPO) et l'écriture sous contraintes à laquelle ...

Amazon, l'envolée des e-Books
2010 aura vraiment marqué un tournant dans l'histoire de l'édition : pour la première fois le livre ...

Le livre pas encore mort
A ceux qui en doutaient, le bon vieux papier n'est pas encore prêt à céder la place aux formats électroniques, ...

Le million, le million !
C'est historique : le cap du premier million de copies numériques d'un livre a été atteint et dépassé ...

Prix 2010 : à vos agendas
1ère selection / 2e sélection / 3e sélection (pour Goncourt et Renaudot) / Resultat Académie ...

Gallimard, président !
Le syndicat national de l'édition, regroupant 575 éditeurs français, a un nouveau président, Antoine ...

06

Sep

2009

Témoin à charge
Écrit par Ellen Salvi   

Dans Jan Karski, Yannick Haenel se joue des genres pour raconter la vie d’un homme extraordinaire. Un texte sous forme de panégyrique qui peut parfois déranger.


Jan Karski aurait pu être un simple personnage de roman tant son destin fut exceptionnel. Prisonnier des Soviétiques puis des Allemands au cours de l’année 1939, ce polonais originaire d’une famille catholique de Lotz, rejoignit la Résistance peu de temps après avoir échappé aux mains des nazis et à une mort certaine. Aux heures les plus obscures du XXe siècle, il fut agent de liaison entre la Résistance et le gouvernement polonais exilé en zone plus libre. Lorsque deux leaders juifs le firent pénétrer en 1942 dans le ghetto de Varsovie, Karski entra dans l’Histoire, ou plutôt s’y heurta de plein fouet. Il découvrit alors que l’enfer existait puisqu’il s’étendait là, sous ses yeux. Des enfants qui hurlaient de faim, des vieillards qui agonisaient, des femmes qui cherchaient encore un semblant d’espoir là où s’était installée la désolation et, partout, des cadavres qui pourrissaient à même les trottoirs couverts d’immondices. Telle est l’horreur absolue à laquelle Karski fut brutalement confronté, une horreur qui dépassait les clivages politiques, la guerre, l’idée même que l’humanité ait pu exister un jour.

Plus rien d’humain

De nombreuses années plus tard, il écrivit dans son livre, Story of a Secret State – traduit en français sous le titre Mon témoignage devant le monde – : « il n’y avait plus rien d’humain dans ces formes palpitantes. » C’est ce « rien » que les deux leaders juifs le chargèrent d’aller expliquer aux Alliés, pour que ces derniers sachent enfin ce qu’il se passait vraiment en Europe. Karski rencontra bientôt quelques-uns des plus grands dirigeants, dont le président des États-Unis, Roosevelt en personne. À tous, il leur raconta ce qu’il avait vu, en les priant d’apporter au plus vite leur aide aux Juifs du vieux continent. Malgré l’attention que ses propos semblaient susciter, personne n’en tint compte. Karski fut toujours écouté sans jamais être entendu. Trente-cinq ans après, il accepta de délivrer une dernière fois son message devant la caméra de Claude Lanzmann. C’est en regardant Shoah que Yannick Haenel découvrit le personnage de son nouveau roman. En s’attelant à l’écriture de ce dernier, l’auteur du très remarqué Cercle ne s’est pas attaqué à n’importe quel sujet, il a choisi de traiter LE sujet : la Seconde Guerre mondiale.

Un ton violent et moralisateur

Texte hybride entremêlant le documentaire et la fiction, Jan Karski est construit en trois chapitres. Le premier – le plus beau d’entre tous – détaille l’entretien entre Jan Karski et Claude Lanzmann. Haenel y décrit avec vérité un Karski en proie à ses fantômes, un homme qui « essaye de parler, mais n’y arrive pas » et cache entre ses deux mains, son visage en pleurs. Le second chapitre est un (bon) résumé du livre de Karski, Story of a Secret State. Quant au troisième, Haenel précise en note d’introduction qu’il s’agit d’une « fiction ». Toutefois, malgré les précautions prises par l’auteur, ce dernier chapitre pose problème. En se glissant dans la peau de Jan Karski, Yannick Haenel a usé de son privilège d’écrivain qui n’entendait pas écrire là un documentaire rigoureux, mais bien un roman. Si ce chapitre est loin d’être le plus exact d’un point de vue historique, il est pourtant celui qui assène le plus de vérités : « On a laissé faire l’extermination des Juifs. Personne n’a essayé de l’arrêter, personne n’a voulu essayer. » Le message de Yannick Haenel, aussi juste soit-il, est délivré sur un ton violent et moralisateur. Entre les deux premiers et le dernier chapitre, Jan Karski se métamorphose sous la plume de l’auteur : de témoin de l’indicible dont personne n’a écouté les sirènes, il se transforme en véritable sermonnaire. Ainsi referme-t-on ce livre sur un sentiment mitigé, car à la joie d’avoir découvert un homme hors du commun se superpose l’impression désagréable d’avoir été désigné d’un doigt accusateur.

Jan Karski
Yannick Haenel
Éditions Gallimard, collection « L’Infini »
16,50€ - 186 pages
ISBN 9782070123111









Articles les plus récents :
Articles les plus anciens :

 
Joomla SEF URLs by Artio

News

Nos dernières interviews

Who's Online?

Nous avons 18 invités en ligne