A chaque rentrée littéraire, il y a toujours un excellent roman d’amour. Fin, pudique et électrisant, d’une justesse remarquable, Les Aimants de Jean-Marc Parisis sera le roman d’amour de la rentrée.
« Aujourd’hui le ciel est vide. J’aurais aimé raconter une autre histoire, mais c’est tout ce qu’il m’en reste, et je n’en reviens pas ». Ainsi, le narrateur introduit son récit. Une phrase dense, grave et juste à l’image de ce roman poignant qui mériterait une bonne dose de stabylo à chaque page. L’auteur de l’« Amour, avant, pendant et après » a choisi cette fois-ci de nous parler de l’après, qui ne fait qu’un avec le pendant. D’un après sans fin. De la vie, donc, et de l’amour d’une vie. Son récit est court, fort, sans filets. C’est l’histoire d’un amour sorbonnard qui naît dans l’environnement précaire de la vie étudiante, lorsque tous les sentiments sont exacerbés. Le narrateur et Ava se rencontrent lors d'un devoir d’anglais et ne se quitteront jamais vraiment. On aime sa description de la vie de dèche propre à cette période de jeunesse.Les deux post-adolescents demeurent aimantés, même après les dernières dissertations, et la vie conjugale bien rangée ne les concernera pas. Saluons sa manière bien personnelle de composer des personnages singuliers, libres, intransigeants avec leurs envies. Si le narrateur semble incapable de faire des compromis dans sa vie d'adulte, Ava apparaît comme une sorte de double de la Nadja de Breton, à laquelle l’auteur lui-même la compare dans les dernières pages du roman. Leur histoire ne cesse de durer en épousant des formes singulières. « Quelle était cette loi de la gravité qui nous autorisait à être ensemble sans être ensemble ? Comment définir notre formule chimique, nommer nos atomes crochus ? », exprime-t-il. La gémellité amoureuse, selon Parisis, rime avec délice et l’auteur parvient à nous mettre au cœur d’un attachement pourtant impalpable.
Et puis la mort
L’un part, l’autre reste et le livre prend une tournure plus grave. Ava disparaît. Le narrateur,plus que jamais, convoque alors l’écriture pour défier la mort. Le deuil d’Ava produit une danse littéraire d’une rare justesse. Pas un mot de trop, toute l’étendue des sensations liées à l’insoutenable absence : le manque, les regrets et l’être aimé que dont on s'efforce de faire perdurer la présence dans la vie d’après. La littérature sera désormais le seul moyen de sublimer Ava. Et de la même façon que l’auteur aime à créer des personnages libres comme l’air, qui se jouent des conventions, le travail de deuil de son narrateur nous laisse imaginer ce qu’il a emprunté à son rêve pour imaginer le récit d’Ava. Un beau truchement littéraire pour mélanger sans contraintes le souvenir de l’imaginaire. Jean-Marc Parisis presse les mots jusqu'à en faire sortir l’essentiel du ressenti. Ne s’ecombrant d’aucune guirlande stylistique, il écrit l’émotion épurée et vraie. Et si ses livres se ressemblent, c’est pour mieux nous séduire. Selon lui, avec le temps, rien ne s’en va. Si Léo Ferré avait lu Jean-Marc Parisis, il n’aurait sans doute pas composé la même chanson.
Les Aimants Jean-Marc Parisis, Ed. Stock 108 p. - 13 € 50.
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