08 Jan 2009 |
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Immersion dans la bonne société californienne où règnent amour, gloire et beauté. Mais la quiétude de cette vie est menacée par ses acteurs mêmes, étouffés par la vacuité de leur existence. Thème banal, peut-être, mais abordé avec pudeur dans une langue épurée et impeccable.
Alissa a toujours aimé être enviée. Richard et elle formaient déjà le couple le plus en vue du lycée. Ils ont vécu leurs premiers émois sexuels à l’abri du monde extérieur, dans la superbe maison des parents d’Alissa, rue Denslow. Elle se plaît même à soupçonner sa mère de l’avoir jalousé à l’époque. Voilà planté le décor du huitième roman de Pascale Kramer : la banale série américaine. Mais heureusement pour l’intérêt du récit, tout va basculer. Aujourd’hui, Alissa vient d’accoucher et elle revient de la maternité. Richard et sa mère ont déniché le nouvel appartement du jeune couple. Appartement typiquement californien à la Melrose place – ambiance des mauvaises séries américaines des années 80 où il ne manque plus que les margaritas - résidence moderne avec piscine, transats et climatiseur. Climatiseur qui devient un acteur essentiel du récit dans cette atmosphère étouffante aussi bien pour Alissa que pour le lecteur. La Vie des autres ou Apocalypse now Et c’est justement le moment que sa mère choisit pour lui annoncer qu’elle quitte son père. Et là, Alissa s’écroule. La vie des autres se poursuit tandis qu’elle ne peut plus ravaler ses propres doutes. Et soudainement, nous doutons, nous aussi. Enfermée dans cet appartement qu’elle juge trop petit, écoeurée par une odeur qu’elle n’identifie pas, elle sombre peu à peu dans une forme de dépression. Et passe ses journées à se goinfrer. Tout comme le personnage d’April dans Les Noces rebelles de Sam Mendes, la jeune femme ne supporte plus de ne pas avoir un destin « exceptionnel ». Elle n’a plus aucun désir pour son mari. Seul Ivan, voisin étrangement omniprésent, lui révèle ce qui pourrait encore s’apparenter à une forme de sensualité. Mais ce désir transgressif la désempare. Finalement, Alissa se rapproche d’Audrey, une vieille amie qui a épousé un homme mutilé par la guerre en Irak. Le corps de Jim dégoûte Alissa. Mais ce personnage ambigu et sombre fascine Richard. Films de guerre, shit et alcool achèvent de creuser un fossé entre Alissa et son mari. L’auteur en profite pour évoquer la question du vétéran – héros de guerre ou victime pitoyable – dans l’Amérique de Bush. Résultat : entre absence de désir et silences, le couple se dilate peu à peu jusqu’à l’irréparable. Malgré l’égoïsme et la vanité d’Alissa, le lecteur est en empathie quasi totale avec elle. L’impuissance face au vide qu’elle ressent nous étreint. La narration – même si elle s’exerce à la troisième personne- semble monologique. Dans L’implacable brutalité du réveil – très beau titre d’ailleurs – l’auteur (elle-même scénariste) plante un décor glaçant malgré la chaleur de l’été californien. La fausse immobilité des personnages est tout le temps sur le point d’exploser. L’étau se resserre autour d’Alissa et peut-être du lecteur dont le désespoir latent oscille entre léthargie et rage. Nous la (nous) regardons, impuissants, sombrer. L’implacable brutalité du réveil
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