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31

Mar

2004

Pierre Vavasseur le chic type
Écrit par Maïa Gabily   
Le 16 février dernier, Zone était à la remise du prix Saint-Valentin 2004, décerné cette année à Pierre Vavasseur, chroniqueur au Parisien, pour son deuxième roman, Le jour où j'ai quitté ma femme (éditions Lattès). Récompensant le « meilleur roman d'amour », ce prix original méritait qu'on s'intéresse à son lauréat. Nous séduirait-t-il autant que ses mots ?

On lui donne rendez-vous aux Editeurs. Chassé-croisé : il attendait en bas, on était à l'étage. Retrouvailles. Il joue l'intimidé, peut-être est-ce le complexe du journaliste interviewé ? Nous commandons, il annonce qu'il va continuer sur sa lancée et demande une vodka-orange. Il est 18h45, on en est encore au café, nous n'avons pas les mêmes valeurs.
Nous décidons de remonter sa vie, façon Amélie Poulain.

Flous d'enfance

Enfance grise à Châlons-sur-Saône, Seine et Loire. Classe ouvrière, laborieuse : on s'ennuie beaucoup chez les Vavasseur. Le père travaille pour EDF-GDF, la mère regarde passer la vie derrière les vitres. Le son du clairon de la caserne voisine vient seul parfois briser le silence ambiant. Des camions passent sous les fenêtres, « rien d'autre à faire qu'écouter la radio ». Ce n'était pas encore le temps de la petite lucarne. Le monde vu d'ici : un gamin s'émerveille à l'écoute des retransmissions du Tour de France.
Petit appartement sis rue de Paris, cloisonnement, étouffement : la capitale représente l'univers des possibles. « Ca ne m'intéressait pas d'être ici ». Seul élément en mouvement, le panneau publicitaire face à la fenêtre. Si l'image projetée ne convenait pas à la mère, on baissait le rideau : noir pendant des semaines. « Ma mère n'aimait pas mon père. Mon père attendait que quelqu'un l'aime ».
Les années passent, Paris fait toujours rêver, mai 68 : « j'entendais des gens qui vivaient ». Pierre Vavasseur a sa madeleine proustienne : il a gardé de ce temps attentiste un cahier à spirales, où il avait écrit avec son premier bic quatre couleurs : « Je serai grand reporter dans un grand quotidien à Paris, à 40 ans, parce que ça prendra du temps ». Il a rattrapé ses rêves.
L'enfant voulait écrire, ce temps là est venu aussi, même s'il a mis plus de temps. Vavasseur est un fétichiste du livre, de l'objet. On le sent respectueux. La mère était loin d'être sa première fan : « tu ne feras jamais rien ».
L'homme s'interrompt soudain, avoue être étonné de remuer ainsi la boue de sa jeunesse. Nous, on est plutôt content. « Parce que je m'ennuyais, que j'étais malheureux, que je ne savais pas me défendre, que je pensais que je ne m'en sortirai pas, je suis devenu égoïste : heureusement, j'étais fils unique ! Je ne pensais qu'à une chose, aller où je voulais, c'est-à-dire vers le journalisme ». On sent qu'il aime vraiment son métier, qui lui a « tout donné » Il l'évoque avec passion : l'écriture, les voyages, les rencontres et, par dessus tout, la curiosité qui ne cesse pas. Le Tour de France, encore : « c'est un cheminement, une façon de passer des cols ». Il revient à l'enfance, à sa haine de la famille, évoque Pierre Mérot qui en parle si bien dans Mammifères.

Ecritures

A 18 ans, il quitte enfin le vide familial, s'enfuit à Dijon : « je n'aime pas la province, surtout celle-là, celle des gens cachés derrière leurs pierres ». Il fait du théâtre, écrit ses premières piges pour La Dépêche de Dijon, passe ensuite au Dauphiné libéré, et monte enfin à Paris pour Impact médecin où il prend en charge la rubrique culturelle. Entre deux articles, il s'est marié. On ne saura pas où. Le temps passant lui donne du galon : il devient rédacteur en chef du magazine Max puis de Parcours, et finit par réaliser son rêve de quotidien avec Le Parisien. Le petit garçon regarde l'adulte avec satisfaction.
Changement d'univers, plus récent mais toujours parallèle : l'écriture. Vavasseur vient de finir son troisième roman, il attend la sentence de l'éditeur, ne semble pas trop inquiet. « je suis comme un gamin ». Son premier, déjà chez Lattès, est sorti en septembre 2001, il s'appelait Un manque d'amour. Maintenant, on croit comprendre pourquoi. Histoire d'un homme qui avait cessé d'aimer après la mort de sa femme. Du vécu. « C'est étrange de vivre avec quelqu'un qui ne dit jamais « demain » ».
Est-ce facile d'être édité quand on est journaliste ? Il n'y aura pas de langue de bois. Bien sûr, quand on évolue depuis 12 ans dans le milieu culturel, on a la chance de connaître les bons interlocuteurs. Stratégie tranquille, qui finit par payer. « La même personne qui m'avait refusé trois fois mon texte a accepté de le publier la quatrième ! ». Notre homme est assurément un patient. On évoque l'actualité littéraire, il sort de son sac les derniers romans, parus chez Gallimard, de Frédéric Sotorino et David Foenkinos , parle ensuite de son intérêt pour les nouvelles, cite Fabienne Jacob (Les après-midi, ça devrait pas exister) et Mercedes de Ambrosis, La Promenade des délices , avoue enfin ne pas être très littérature étrangère « parce que les journées ne font que 24 heures et qu'il faut bien faire un choix ».

Et l'amour dans tout ça ?

Ce tour d'existence nous ramène finalement à notre point de départ. Assurément Vavasseur est heureux de son prix Saint-Valentin. « C'est formidable d'avoir ce prix. Ca fait rêver... surtout vu le titre de mon livre ! Maintenant ma femme va enfin me croire quand je lui dis que c'est un roman d'amour ! ». On a lu le livre, on ne peut qu'approuver. L'éternel triangle amoureux (le mari, la femme, la maîtresse), va et vient, hésitations, valse des sentiments.
« J'ai voulu raconter en l'espace d'une journée le chaos intime d'un type qui quitte la femme de sa vie pour une image. J'ai essayé de jouer avec l'idée de temps, avec l'idée de nouveauté, tout ce qui peut transformer un homme. Ce que mon personnage oublie, c'est que ce qui le séduit chez sa maîtresse est ce qui le touchait chez sa femme au début de leur relation. Sa femme n'a pas changé, son regard à lui, oui. » L'histoire est vieille comme le monde, il y a des gens qui ne s'en remette toujours pas...
« Comme beaucoup d'hommes, mon personnage est un inconstant ». « Ou un oublieux !», ajoute-t-on : il approuve galamment. Dit aimer écouter les femmes, admire leur droiture, leur honnêteté, leur absolu. L'opposé des hommes dont peu savent résister à un regard : « les hommes s'accommodent mieux de la diversité...». Vavasseur semble être quelqu'un de bien. S'il tombe dans une partition un peu conventionnelle des sexes, ce n'est pas par conformisme mais par conviction.
Et le roman à venir ? L'enfance, qui hante toujours. La mère est morte depuis quelques mois. Ils étaient deux à l'église. L'après-midi même, l'écrivain prenait l'avion pour la Chine. Livre sur l'indifférence mais surtout sur le trouble que provoque l'indifférence. Il s'appellera Le Voyage en Chine. Nouveau livre, nouveau prix ? L'écrivain ne cache pas son ambition d'en obtenir d'autres. On le lui souhaite : un chic type on vous dit !

Maïa Gabily

Zone remercie Françis Bugeaud et le café des Editeurs pour leur collaboration.

Maïa Gabily


Pierre Vavasseur
Ed.
0 p / 0 €
ISBN:
 
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